Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision n° 2016/20 du 3 août 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public foncier Languedoc-Roussillon a exercé son droit de préemption sur la parcelle n° D 3350 située lieudit " Le Village " à Générac, ensemble la décision ayant implicitement rejeté le recours gracieux exercé à son encontre et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603751 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mai et 15 octobre 2018, Mme C... A... et M. F... B..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision n° 2016/20 du 3 août 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public foncier Languedoc-Roussillon a exercé son droit de préemption sur la parcelle n° D 3350 située lieudit " Le Village " à Générac, ensemble la décision ayant implicitement rejeté le recours gracieux exercé à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public foncier du Languedoc-Roussillon la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir pris en compte la pièce n° 6 du dossier de première instance ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle n'est pas fondée et contraire aux dispositions de l'article L. 210-1 et L 300-1 du code de l'urbanisme ;
- la parcelle préemptée est inconstructible.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2018, l'Etablissement public foncier d'Occitanie, venant aux droits de l'Etablissement public foncier Languedoc-Roussillon, représenté par la SELARL Parme avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... et M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant l'Etablissement public foncier d'Occitanie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... et M. B... se sont portés acquéreurs de la parcelle n° D 3350 située lieudit " Le Village " à Générac (Gard), d'une superficie de 1 165 mètres carrés. A la suite de la réception en mairie de cette commune, le 14 juin 2016, de la déclaration d'intention d'aliéner, le directeur général de l'Etablissement public foncier Languedoc-Roussillon (EPF LR) a décidé, le 3 août 2016, d'exercer sur ce terrain le droit de préemption dont l'établissement était délégataire, au motif qu'il faisait partie de son secteur d'intervention et avait vocation à constituer l'assiette foncière d'une opération de construction de logements locatifs sociaux. Mme A... a exercé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 16 septembre 2016, resté sans réponse, faisant ainsi naître une décision implicite de rejet le 16 novembre suivant. Mme A... et M. B... relèvent appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande d'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article L. 210-1 applicable au litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'aliénation porte sur un des biens ou droits énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 213-1 du présent code, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de l'Etat peut déléguer ce droit à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant conclu une convention mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 301-5-1 du même code, à un établissement public foncier créé en application des articles L. 321-1 ou L. 324-1 du présent code, à une société d'économie mixte, à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou à un des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-2 du même code. Les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du même code. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ".
3. Aux termes de l'article L. 300-1 du même code, applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations....".
4. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
5. La décision attaquée est motivée par le seul objectif d'accueillir sur la parcelle préemptée un bâtiment devant répondre à la mission de l'établissement public foncier relatif au logement social. Elle ne fait toutefois état d'aucun projet réel envisagé par l'établissement public. Le seul objectif de développement du logement social n'a pas la nature d'un aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme précité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Générac aurait délibéré en la matière, pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux. Dans ces conditions, l'établissement public ne justifie pas de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. La carence de la commune en matière de constructions de logements sociaux ne saurait pallier l'illégalité de la décision attaquée.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de la décision contestée.
Sur les frais du litige :
8. Mme A... et M. B... n'ayant pas la qualité de parties perdantes, les conclusions de l'Etablissement public foncier d'Occitanie, venant aux droits de l'Etablissement public foncier du Languedoc-Roussillon, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etablissement public une somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La décision n° 2016/20 du 3 août 2016 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public foncier Languedoc-Roussillon a exercé son droit de préemption sur la parcelle n° D 3350 située lieudit " Le Village " à Générac, et la décision ayant implicitement rejeté le recours gracieux exercé à son encontre, sont annulées.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'établissement public foncier d'Occitanie la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Mme A... et M. B....
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement public foncier d'Occitanie, venant aux droits de l'Etablissement public foncier du Languedoc-Roussillon, à Mme C... A..., à M. F... B....
Copie en sera adressée au préfet du Gard et à la commune de Générac.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. G..., président assesseur,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
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N° 18MA02154