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15/07/2020 | FRANCE | N°20MA01597

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 15 juillet 2020, 20MA01597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Industrie 34 et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif majoritaire signé le 23 août 2019 entre la société en nom collectif (SNC) Imprimerie du Midi et les organisations syndicales FILPAC-CGT et FO relatif à la mise en oeuvre du plan de sauvegard

e de l'emploi.

Par un jugement n° 1906125 du 13 février 2020, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Sud Industrie 34 et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif majoritaire signé le 23 août 2019 entre la société en nom collectif (SNC) Imprimerie du Midi et les organisations syndicales FILPAC-CGT et FO relatif à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n° 1906125 du 13 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2020 et le 4 juin 2020, le syndicat Sud Industrie 34 et M. A..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 16 septembre 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier pour avoir méconnu le principe du contradictoire ;

- ils ont qualité et intérêt à agir contre la décision de validation de l'accord collectif ;

- l'accord soumis à l'administration n'a pas été régulièrement signé pour le compte d'une organisation syndicale représentative, la FILPAC-CGT signataire de cet accord ne répondant pas aux critères de représentativité fixés par la loi ;

- les mandats des membres élus du comité d'entreprise ayant expiré le 27 novembre 2018 et n'ayant pas fait l'objet d'une prorogation régulière, la procédure d'information et de consultation de cette instance représentative du personnel est irrégulière ;

- la consultation du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est irrégulière car elle s'est déroulée en méconnaissance des principes tenant à la liberté d'expression des syndicats et à l'exercice normal des fonctions de représentants du personnel ;

- le comité d'entreprise n'a pas été consulté sur le projet de réorganisation et de licenciement économique ;

- les catégories professionnelles définies dans le plan sont entachées de nullité car elles revêtent un caractère discriminatoire ;

- les critères d'ordre retenus dans l'accord majoritaire sont à l'origine d'une rupture d'égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2020, le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dans la mesure où elle émane d'une section syndicale dépourvue de personnalité juridique et que le syndicat Sud Industrie 34 n'est pas régulièrement représenté à l'instance ;

- la règle " nemo auditur " interdit à M. A... d'invoquer le moyen tiré de ce que le syndicat FILPAC-CGT, signataire de l'accord validé, ne répondait pas aux critères de représentativité fixés par la loi ;

- les autres moyens soulevés par le syndicat Sud Industrie 34 et M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, la société Imprimerie du Midi, représentée par la SELARL Capstan Sud-Ouest, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise solidairement à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable dans la mesure où le Syndicat Sud Industrie 34 n'est pas régulièrement représenté à l'instance ;

- les autres moyens soulevés par le syndicat Sud Industrie 34 et M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat Sud Industrie 34 et M. A... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au syndicat FO, signataire de l'accord collectif majoritaire du 23 août 2019, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- le règlement n° 2009-10 du 3 décembre 2009 du comité de la réglementation comptable afférent aux règles comptables des organisations syndicales homologué par arrêté interministériel du 31 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le syndicat Sud Industrie 34 et M. A..., de Me E... représentant le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre et de Me B... représentant la société Imprimerie du Midi.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 septembre 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société en nom collectif (SNC) Imprimerie du Midi, signé le 23 août 2019 entre cette société et les organisations syndicales FILPAC-CGT et FO. Le syndicat Sud Industrie 34 et M. A... relèvent appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, relatif aux délais de contestation et aux voies de recours contre les décisions administratives de validation ou d'homologation d'un accord collectif ou d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi : " Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4 ". L'article L. 1233-57-4 du même code définit les modalités selon lesquelles une décision de validation ou d'homologation est, d'une part, notifiée à l'employeur, au comité d'entreprise, ainsi que, en cas de validation d'un accord collectif, aux organisations syndicales qui en sont signataires et, d'autre part, portée à la connaissance des salariés. Il résulte de ces dispositions que les syndicats présents dans l'entreprise ont qualité pour agir contre ces décisions.

3. Il ressort des termes mêmes de la demande de première instance qu'elle a été présentée au tribunal administratif de Montpellier pour le syndicat Sud Industrie 34 et non pas pour la section syndicale Sud Industrie 34 de l'entreprise Imprimerie du Midi. Il résulte de ses statuts que ce syndicat dispose de la personnalité morale et a qualité pour ester en justice. Par suite, le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre n'est pas fondé à soutenir que cette demande était irrecevable au motif qu'elle émanait d'une structure sans personnalité morale.

4. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A..., indépendamment de sa qualité de représentant de la section syndicale Sud Industrie 34, faisait état, pour justifier de son intérêt pour agir devant le tribunal administratif de Montpellier, de ses fonctions d'expéditeur au sein de l'entreprise et de ce que l'accord collectif homologué prévoyait la suppression de 12 postes d'expéditeurs sur 28 l'exposant à faire l'objet d'un licenciement pour motif économique. Une telle circonstance était de nature à lui conférer, en tant que salarié de l'entreprise, un intérêt pour agir contre la décision de validation en litige.

5. Il résulte des termes de l'article 10 des statuts du syndicat Sud Industrie 34 que " le conseil du syndicat (...) peut décider des actions en justice à entreprendre et peut mandater un de ses membres pour représenter celui-ci, en demande comme en défense devant toutes juridictions ". L'article 21 énonce que " le syndicat revêtu de la personnalité civile pourra (...) agir en justice tant en demande qu'en défense. / Les actes de ces dispositions sont de la compétence du bureau syndical. / Tout membre du bureau syndical est à même d'entreprendre ces actes sur délégation du conseil syndical ". Ces dispositions confèrent ainsi à un membre du bureau syndical mandaté par le conseil syndical qualité pour décider d'introduire toute action en justice au nom du syndicat Sud Industrie 34.

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que par une délibération du 28 juin 2019 le conseil syndical a donné mandat exprès à M. A..., secrétaire du syndicat Sud Industrie 34 et membre du bureau syndical pour représenter le syndicat dans la procédure qui pourrait être engagée devant les juridictions administratives pour contester la décision de la DIRECCTE qui viendrait valider ou homologuer le PSE de la société Imprimerie du Midi. Si l'extrait de cette délibération a été signé " pour le bureau " par M. A... secrétaire et M. D..., trésorier, en vue de son authentification, il ne saurait être déduit de cette seule circonstance qu'elle aurait été adoptée par le bureau et non par le conseil du syndicat. M. A... tenait ainsi de cette délibération qualité pour représenter le syndicat Sud Industrie 34 en justice.

7. Si le juge administratif doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant du syndicat qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. S'il est soutenu par la société Imprimerie du Midi et le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre que la délibération du 28 juin 2019 serait antidatée dans la mesure où elle ferait référence à une procédure d'entrave concernant une réunion qui s'est déroulée le 10 juillet 2019 ou qu'elle aurait été adoptée dans des conditions irrégulières faute pour le syndicat requérant de justifier que son conseil aurait été régulièrement renouvelé par le congrès au terme de son mandat de deux ans, une telle argumentation est inopérante au regard de la qualité à agir du syndicat.

8. Par suite, la société Imprimerie du Midi, le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre et le syndicat FO ne sont pas fondés à soutenir que la demande de première instance du syndicat Sud Industrie 34 était irrecevable, faute pour le syndicat requérant d'avoir justifié de la qualité de son représentant. En tout état de cause, la circonstance que l'un des auteurs d'une requête collective ne justifie pas d'un intérêt à agir ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables, mais seulement à ce que le juge accueille les conclusions propres à ce requérant, telles celles tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En l'espèce, dès lors que la requête collective dont était saisi le tribunal administratif était présentée par au moins un requérant, M. A..., ayant un intérêt lui donnant qualité pour agir et contester la décision en litige, comme rappelé au point 4, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de première instance était irrecevable ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de la décision du 16 septembre 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-1 du même code dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative aux procédures de licenciement économique engagées dans les entreprises ayant mis en place un comité social et économique : " (...) un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-2 : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif d'entreprise portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, que l'accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives lors du premier tour des dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...) 3° La transparence financière (...) ".

11. Enfin, l'article L. 2135-1 du même code dispose que les organisations professionnelles, notamment de salariés, sont soumises aux obligations comptables définies à l'article L. 123-12 du code de commerce. Le même article prévoit que, lorsque leurs ressources annuelles n'excèdent pas un seuil fixé par décret, les syndicats concernés peuvent " adopter une présentation simplifiée de leurs comptes avec la possibilité de n'enregistrer leurs créances et leurs dettes qu'à la clôture de l'exercice ". L'article L. 2135-5 du code du travail dispose que : " Les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs, leurs unions et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 tenus d'établir des comptes assurent la publicité de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret pris après avis de l'Autorité des normes comptables (...) ". Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article D. 2135-3 du code du travail dispose que : " Les comptes annuels des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et de leurs unions, et des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures ou égales à 230 000 euros à la clôture de l'exercice peuvent être établis sous la forme d'un bilan, d'un compte de résultat et d'une annexe simplifiés, selon des modalités fixées par règlement de l'Autorité des normes comptables. Ils peuvent n'enregistrer leurs créances et leurs dettes qu'à la clôture de l'exercice (...) ". L'article D. 2135-8 du même code précise que : " Les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont inférieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice assurent la publicité de leurs comptes (...) dans un délai de trois mois à compter de leur approbation par l'organe délibérant statutaire soit dans les conditions prévues à l'article D.2135-7 soit par publication sur leur site internet ou, à défaut de site, en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. (...) ". Aux termes de l'article D. 2135-9 de ce code : " Le seuil prévu à l'article L. 2135-6 est fixé à 230 000 euros à la clôture d'un exercice. Est pris en compte pour le calcul des ressources mentionnées au premier alinéa le montant des subventions, des produits de toute nature liés à l'activité courante, des produits financiers ainsi que des cotisations. Sont toutefois déduites de ce dernier montant les cotisations reversées, en vertu de conventions ou des statuts, à des syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et à leurs unions ou à des associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1. ".

12. Le respect de l'obligation de publicité des comptes fixée par ces dernières dispositions doit être regardé, pour les organisations qu'elles concernent, comme une des conditions à remplir pour répondre au critère de transparence financière requis pour établir leur représentativité, sauf à ce qu'elles puissent faire état de l'accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes. Dans le cas des syndicats professionnels de salariés dont les ressources sont inférieures ou égales à 230 000 euros à la clôture de l'exercice, les comptes annuels soumis à cette obligation de publicité comprennent, ainsi qu'il résulte de l'article D. 2135-3 du code du travail, outre un bilan et un compte de résultat simplifiés établis selon les modèles mentionnés au point 5.3 du règlement susvisé n° 2009-10 du 3 décembre 2009 du comité de la réglementation comptable, le tableau annexe prévu au point 5.1.1 du même règlement relatif aux modalités de calcul des ressources annuelles servant à établir le seuil susmentionné 230 000 euros.

13. Dans le litige l'opposant à l'Etat, M. A..., qui justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision de validation en litige ainsi que rappelé au point 4, est recevable à invoquer tout moyen de légalité externe et interne à l'encontre de cette décision, et notamment celui tiré de ce que la FILPAC-CGT, signataire de l'accord soumis à l'administration, ne répond pas aux critères de représentativité fixés par la loi et qu'il n'a donc pas été régulièrement signé pour le compte d'une organisation syndicale représentative, sans qu'y fasse obstacle le principe " nemo auditur propriam turpitudinem allegans ". Est à cet égard également sans incidence la circonstance que la représentativité de ce syndicat n'aurait pas été contestée devant l'autorité judiciaire.

14. S'il ressort des pièces du dossier que le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre, dont les ressources étaient inférieures à 230 000 euros, a publié sur son site internet un bilan simplifié au titre de chacun des exercices clos de 2015 à 2018, aucune de ces mêmes pièces ne permet de déterminer avec certitude la date de ces publications. Notamment, il n'est nullement établi que ces bilans simplifiés auraient été publiés avant la date de la décision en litige. En tout état de cause, à supposer même que la publication de ces bilans simplifiés serait établie à cette date, il ne ressort d'aucune de ces mêmes pièces que le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre aurait publié sur son site internet ses comptes de résultats simplifiés ainsi que le tableau annexe de ses ressources pour les mêmes exercices. Il n'est pas davantage soutenu que ces documents comptables auraient fait l'objet d'une mesure de publicité équivalente. Ainsi, à défaut d'avoir satisfait au respect de l'obligation de publicité de ses comptes, le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre ne remplissait pas le critère de transparence financière requis par les dispositions de l'article L. 2121-1 du code du travail et ne pouvait, par suite, être légalement reconnu représentatif au sens de ces dispositions.

15. Il ressort des pièces du dossier que les syndicats FILPAC-CGT Midi Libre et FO, signataires de l'accord du 23 août 2019, ont obtenu, respectivement, 80 % et 20 % de l'ensemble des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales lors des dernières élections professionnelles dans l'entreprise Imprimerie du Midi, soit un total de plus de 50 %. Il résulte de ce qui a été dit au point 14, que cet accord ne peut être regardé comme respectant les conditions de représentativité et de majorité requises par l'article L. 1233-24-1 du code du travail.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le syndicat Sud Industrie 34 et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi validant l'accord collectif fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Imprimerie du Midi.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros pour chacun au Syndicat Sud Industrie 34 et à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Syndicat Sud Industrie 34 et de M. A..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, au titre des frais exposés par le syndicat FILPAC-CGT Midi Libre et la société Imprimerie du Midi.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1906125 du 13 février 2020 et la décision du 16 septembre 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie validant l'accord collectif majoritaire signé le 23 août 2019 entre la société en nom collectif (SNC) Imprimerie du Midi et les organisations syndicales FILPAC-CGT et FO relatif à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros chacun au Syndicat Sud Industrie 34 et à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du syndicat FILPAC-CGT Midi Libre et de la société Imprimerie du Midi présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat Sud Industrie 34, à M. G... A..., à la société en nom collectif (SNC) Imprimerie du Midi, au syndicat FILPAC-CGT Midi Libre, au syndicat FO de l'Imprimerie du Midi et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

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N° 20MA01597

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - SYNDICATS - REPRÉSENTATIVITÉ - VALIDATION D'UN ACCORD COLLECTIF - CONTRÔLE DU CARACTÈRE MAJORITAIRE DE L'ACCORD (ART - L - 1233-24-1 DU CODE DU TRAVAIL) 1) CONTRÔLE DU CARACTÈRE REPRÉSENTATIF DES ORGANISATIONS SIGNATAIRES DE L'ACCORD - INCLUSION (1) [RJ1] - 2) PRISE EN COMPTE DU CRITÈRE RELATIF À LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE DES SYNDICATS SIGNATAIRES DE L'ACCORD AU NIVEAU DE L'ENTREPRISE - EXISTENCE (2) [RJ2] - 3) CONDITION - PUBLICATION DES DOCUMENTS COMPTABLES OU MESURES ÉQUIVALENTES - EXISTENCE (2) (3)[RJ3] - IL APPARTIENT À L'ADMINISTRATION DE VÉRIFIER - SOUS LE CONTRÔLE DU JUGE ADMINISTRATIF - QUE L'ACCORD QUI LUI EST SOUMIS A ÉTÉ RÉGULIÈREMENT SIGNÉ POUR LE COMPTE D'UNE OU PLUSIEURS ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES AU NIVEAU DE L'ENTREPRISE - LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE EST À CE TITRE L'UN DES CRITÈRES À PRENDRE EN COMPTE - CETTE CONDITION DE TRANSPARENCE EST SATISFAITE PAR LA PUBLICATION DES DOCUMENTS COMPTABLES OU L'EXISTENCE DE MESURES ÉQUIVALENTES.

66-05-01 Il appartient à l'administration de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, que l'accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives lors du premier tour des dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise.,,,La représentativité des organisations syndicales doit être appréciée selon les critères prévus par les dispositions de l'article L. 2151-1 du code du travail qui dispose, à ce titre, que la représentativité est déterminée d'après plusieurs critères cumulatifs, au nombre desquels figure la transparence financière.... ,,Le respect de l'obligation de publicité des comptes fixée par l'article D. 2135-8 du code du travail doit être regardé, pour les organisations qu'il concerne, comme une des conditions à remplir pour répondre au critère de transparence financière requis, pour établir leur représentativité, sauf à ce qu'elles puissent faire état de l'accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - VALIDATION D'UN ACCORD COLLECTIF - CONTRÔLE DU CARACTÈRE MAJORITAIRE DE L'ACCORD (ART - L - 1233-24-1 DU CODE DU TRAVAIL) 1) CONTRÔLE DU CARACTÈRE REPRÉSENTATIF DES ORGANISATIONS SIGNATAIRES DE L'ACCORD - INCLUSION (1) [RJ1] - 2) PRISE EN COMPTE DU CRITÈRE RELATIF À LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE DES SYNDICATS SIGNATAIRES DE L'ACCORD AU NIVEAU DE L'ENTREPRISE - EXISTENCE (2) [RJ2] - 3) CONDITION - PUBLICATION DES DOCUMENTS COMPTABLES OU MESURES ÉQUIVALENTES - EXISTENCE (2) (3)[RJ3] - IL APPARTIENT À L'ADMINISTRATION DE VÉRIFIER - SOUS LE CONTRÔLE DU JUGE ADMINISTRATIF - QUE L'ACCORD QUI LUI EST SOUMIS A ÉTÉ RÉGULIÈREMENT SIGNÉ POUR LE COMPTE D'UNE OU PLUSIEURS ORGANISATIONS SYNDICALES REPRÉSENTATIVES AU NIVEAU DE L'ENTREPRISE - LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE EST À CE TITRE L'UN DES CRITÈRES À PRENDRE EN COMPTE - CETTE CONDITION DE TRANSPARENCE EST SATISFAITE PAR LA PUBLICATION DES DOCUMENTS COMPTABLES OU L'EXISTENCE DE MESURES ÉQUIVALENTES.

66-07 Il appartient à l'administration de vérifier, sous le contrôle du juge administratif, que l'accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives lors du premier tour des dernières élections professionnelles au sein de l'entreprise.,,,La représentativité des organisations syndicales doit être appréciée selon les critères prévus par les dispositions de l'article L. 2151-1 du code du travail qui dispose, à ce titre, que la représentativité est déterminée d'après plusieurs critères cumulatifs, au nombre desquels figure la transparence financière.... ,,Le respect de l'obligation de publicité des comptes fixée par l'article D. 2135-8 du code du travail doit être regardé, pour les organisations qu'il concerne, comme une des conditions à remplir pour répondre au critère de transparence financière requis, pour établir leur représentativité, sauf à ce qu'elles puissent faire état de l'accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 5 mai 2017, Fédération des services CFDT, n° 389620, au Recueil.,,,

[RJ2]

Cf. CE, 18 juillet 2018, Union des professionnels de la beauté n° 406516, aux Tables. ;

CE, 14 novembre 2018, Organisation des transports routiers européens, n° 406007, aux Tables.,,,,

[RJ3]

Comp. Cass. Soc., 29 février 2012, n° 11-13.748, au Bull. ;

Cass. Soc., 9 septembre 2016, n° 16-20.575, au Bull. qui juge que « les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d'autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner ».


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SALIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 15/07/2020
Date de l'import : 18/09/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA01597
Numéro NOR : CETATEXT000042137763 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;20ma01597 ?
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