Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la convention conclue le 9 juin 2016 entre la société d'économie mixte d'équipement du pays d'Aix (SEMEPA) et la commune d'Aix-en-Provence en vue de fixer les conditions de la résiliation des conventions de délégation de service public des 29 décembre 1986 et 24 octobre 2003 relatives à la gestion des parcs de stationnement dits " Bellegarde ", " Cardeurs ", " Carnot ", " Méjanes ", " Mignet ", " Pasteur ", " Signoret " et " de la Rotonde ".
Par un jugement n° 1610059 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette convention.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 24 décembre 2018 et le 12 septembre 2019 sous le n° 18MA05430, la SEMEPA, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône comme irrecevable ou, à défaut, sur le fond ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation car il ne répond pas au moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative ;
- ce jugement est irrégulier car il a annulé l'ensemble de la convention du 9 juin 2016 alors que seules les stipulations relatives au contrat de délégation de service public de 1986 étaient contestées ;
- la convention du 9 juin 2016 est confirmative de la délibération du 2 mai 2016, de telle sorte que le déféré du préfet est tardif ;
- la demande de documents complémentaires formulée par le préfet le 8 juillet 2016 n'était pas nécessaire à l'appréciation de la légalité de la convention et n'était donc pas de nature à interrompre le délai du recours contentieux ;
- la convention en litige n'introduit aucune modification des conventions de délégation de service public conclues entre la commune et la SEMEPA ;
- en admettant même l'existence d'une telle modification, elle n'est pas substantielle et n'affecte pas la nature globale de ces contrats, qui conservent une part de risque pour le délégataire ;
- en tout état de cause, les modifications introduites ne sont pas de nature à remettre en cause les conditions initiales de la passation du contrat, qui a été conclu sans mise en concurrence en vertu des règles applicables à l'époque ;
- seule la convention de délégation de service public du 29 décembre 1986 est partiellement résiliée, celle du 24 octobre 2003 n'ayant pas été modifiée ;
- un contrat ne peut être entaché de détournement de pouvoir ;
- la volonté des autorités communales ne peut être déduite d'un communiqué de presse dont l'auteur a reconnu l'avoir publié par erreur ;
- l'initiative de l'opération revient à la SEMEPA et la commune n'a donc commis aucun détournement de pouvoir ;
- à supposer que la convention contestée repose sur un motif étranger à l'intérêt général, elle poursuit également des buts concourant à l'intérêt général, en particulier la valorisation du patrimoine de la ville.
Par un mémoire enregistré le 1er février 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SEMEPA ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2019.
Par courrier du 16 juin 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés de l'irrégularité du jugement dès lors qu'ils ont été soulevés après l'expiration du délai d'appel.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2020, la SEMEPA a répondu à ce moyen.
II. Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019 sous le n° 19MA00049, la commune d'Aix-en Provence, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône comme irrecevable ;
3°) à titre principal, de rejeter le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône au fond ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de comporter les signatures prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est entaché de défaut de motivation car il ne répond pas au moyen tiré de ce que la convention du 9 mai 2016 ne modifie pas de manière substantielle la délégation de service public conclue le 24 octobre 2003 ;
- il est insuffisamment motivé également en ce que le tribunal n'a recherché ni si des mesures moins radicales que l'annulation étaient envisageables, ni si cette mesure ne portait pas une atteinte excessive à l'intérêt général et au droits des cocontractants ;
- l'annulation de la convention du 9 mai 2016 porte atteinte à l'intérêt général et aux droits de la commune d'Aix-en-Provence ;
- cette convention est confirmative de la délibération du 2 mai 2016, de telle sorte que le déféré du préfet est donc tardif ;
- la demande de documents complémentaires formulée par le préfet le 8 juillet 2016 n'était pas nécessaire à l'appréciation de la légalité de la convention et n'était donc pas de nature à interrompre le délai du recours contentieux ;
- la convention en litige n'introduit aucune modification des conventions de délégation de service public conclues entre la commune et la SEMEPA, notamment en ce qui concerne celle du 24 octobre 2003, à l'encontre de laquelle ce moyen était donc inopérant ;
- en admettant même l'existence d'une telle modification, elle n'est pas substantielle et n'affecte pas la nature globale de ces contrats, qui conservent une part de risque pour le délégataire ;
- en tout état de cause, les modifications introduites ne sont pas de nature à remettre en cause les conditions initiales de la passation du contrat, qui a été conclu sans mise en concurrence en vertu des règles applicables à l'époque, d'autant plus que les dispositions de l'article 55 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 ne sont pas applicables à cette modification contractuelle ;
- seule la convention de délégation de service public du 29 décembre 1986 est partiellement résiliée, celle du 24 octobre 2003 n'ayant pas été modifiée ;
- un contrat ne peut être entaché de détournement de pouvoir ;
- la volonté des autorités communales ne peut être déduite d'un communiqué de presse dont l'auteur a reconnu l'avoir publié par erreur ;
- l'initiative de l'opération revient à la SEMEPA et la commune n'a donc commis aucun détournement de pouvoir ;
- à supposer que la convention repose sur un motif étranger à l'intérêt général, elle poursuit également des buts concourant à l'intérêt général, en particulier la valorisation du patrimoine de la ville.
Par un mémoire enregistré le 1er février 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SEMEPA ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;
- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme D... E..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de
M. David Zupan, président de la 6ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur,
- et les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention conclue le 9 juin 2016, la commune d'Aix-en-Provence et la société d'économie mixte d'équipement du pays d'Aix (SEMEPA) ont entendu résilier la convention du 29 décembre 1986 relative à la concession de la gestion du service public du stationnement payant sur voirie et de l'exploitation de sept parcs de stationnement publics en tant qu'elle concerne l'exploitation des ouvrages hors voirie dits " Bellegarde ", " Cardeurs ", " Carnot ", " Méjanes ", " Mignet ", " Pasteur " et " Signoret " ainsi que la convention de délégation de service public du 24 octobre 2003 conclue pour l'exploitation du parc de stationnement dit " de La Rotonde ". Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré cette convention au tribunal administratif de Marseille, qui l'a annulée.
Sur la jonction :
2. Les requêtes présentées par la commune d'Aix-en-Provence et par la SEMEPA, enregistrées respectivement sous les n° 18MA05430 et 19MA00049, sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. La convention du 9 juin 2016, conclue entre la commune d'Aix-en-Provence, personne morale de droit public, et la SEMEPA, personne morale de droit privé, décide la résiliation, totale pour l'une, partielle pour l'autre, de deux conventions de délégation de service public et organise les modalités temporaires de gestion du service public du stationnement pendant une période transitoire entre cette résiliation et la reprise définitive des parcs de stationnement par la SEMEPA. Elle constitue donc, en considération de la nature juridique des cocontractants et de son objet, un contrat administratif, de telle sorte que les conclusions tendant à son annulation relèvent de la compétence de la juridiction administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens soulevés par la SEMEPA :
4. Les moyens soulevés par la SEMEPA et tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, qui ne sont pas d'ordre public, ont été présentés après l'expiration du délai d'appel et relèvent d'une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens présentés dans le délai de recours. Ils doivent dès lors être écartés.
En ce qui concerne les moyens soulevés par la commune d'Aix-en-Provence :
5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
6. Il résulte de l'examen du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises en vertu de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait à cet égard irrégulier manque en fait et doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
8. D'une part, si les premiers juges ont estimé que la convention du 9 juin 2016 méconnaissait les dispositions de l'article 55 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 et de l'article 36 du décret du 1er février 2016, ils ont explicitement limité la portée de leur appréciation sur ce point à la modification illégale, par la convention du 9 juin 2016, de la convention du 29 décembre 1986 et n'ont décidé l'annulation de la convention attaquée dans son intégralité qu'après avoir jugé qu'un autre moyen soulevé par le préfet des Bouches-du-Rhône était également fondé. La commune d'Aix-en-Provence n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal n'a pas répondu à son moyen de défense tiré de la divisibilité des stipulations de la convention du 9 juin 2016 selon qu'elle concernait la concession du 29 décembre 1986 ou celle du 24 octobre 2003. Le moyen d'irrégularité qu'elle soulève sur ce point doit dès lors être rejeté.
9. D'autre part, si la commune d'Aix-en-Provence soutient que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en se bornant à déduire des vices relevés l'annulation de la convention sans rechercher si d'autres mesures préservant l'intérêt général et les droits des parties pouvaient être adoptées, il ressort du jugement que le tribunal a jugé que le contrat était illicite dans son contenu et que ce vice, qui n'était pas régularisable, justifiait son annulation, ce qui constitue une motivation suffisante eu égard à son office en l'absence d'argumentaire spécifique des parties sur ce point.
10. Il résulte de ce qui précède que les parties ne sont pas fondées à invoquer l'irrégularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le non-lieu à statuer :
11. La convention du 9 juin 2016 n'a pas cessé de pouvoir produire ses effets. Dès lors, le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône conserve son objet.
En ce qui concerne la recevabilité du déféré :
12. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'État dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini.
13. En premier lieu, si, par une délibération du 2 mai 2016, le conseil municipal d'Aix-en-Provence a décidé de mettre fin à l'existence du service public du stationnement payant hors voirie et d'autoriser le maire à résilier partiellement la convention de délégation de service public du 29 décembre 1986 et totalement celle du 24 octobre 2003, la convention contestée du 9 juin 2016 conclue en exécution de cette délibération, acte contractuel concrétisant l'accord des parties concernées, ne saurait constituer un acte purement confirmatif de cette délibération, acte unilatéral se bornant à autoriser le maire à signer ce contrat. Dès lors, bien que le préfet des Bouches-du-Rhône n'ait pas contesté la délibération du 2 mai 2016, la commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA ne sont pas fondées à soutenir que son déféré, enregistré le 21 décembre 2016 au greffe du tribunal, serait tardif et, pour cette raison, irrecevable.
14. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : (...) 4° Les conventions relatives aux emprunts, aux marchés et aux accords-cadres, à l'exception des conventions relatives à des marchés et à des accords-cadres d'un montant inférieur à un seuil défini par décret, ainsi que les conventions de concession ou d'affermage de services publics locaux et les contrats de partenariat.". Aux termes de l'article L. 2131-6 de ce code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ".
15. Il résulte de l'instruction qu'eu égard aux termes et à la portée de la convention du 9 juin 2016, laquelle était soumise à l'obligation de transmission ci-dessus énoncée dès lors qu'elle organisait la poursuite de la délégation de service public du stationnement en voirie et les modalités de gestion temporaires du service, l'examen des conventions de délégation de service public des 29 décembre 1986 et 24 octobre 2003 ainsi que de leurs avenants était nécessaire pour permettre au préfet d'exercer dans des conditions satisfaisantes les missions qui lui sont dévolues au titre du contrôle de légalité, indépendamment des moyens que cette autorité entendait soulever à l'appui de son déféré. Ces documents n'étant pas joints à la convention de résiliation transmise le 15 juin 2016 à la sous-préfecture d'Aix-en-Provence, le courrier du 8 juillet 2016, reçu le 11 juillet suivant par la commune d'Aix-en-Provence, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône en a sollicité la communication était de nature à interrompre le délai de recours de deux mois, la circonstance que ces pièces aient été transmises au contrôle de légalité lors de leur élaboration étant sans incidence sur ce point, eu égard au temps écoulé depuis cette transmission, qui remontait à trente ans en ce qui concerne la convention du 29 décembre 1986 et à treize ans en ce qui concerne la convention du 24 octobre 2003. Le délai imparti au préfet des Bouches-du-Rhône pour déférer la convention du 9 juin 2016 n'a donc commencé à courir que le 26 juillet 2016, date de réception, par cette autorité, des documents demandés. Le cours de ce délai a été interrompu par la lettre du 26 septembre 2016 par laquelle le préfet a sollicité la résiliation de la convention du 9 juin 2016 et n'a couru à nouveau qu'à compter de l'intervention de la décision implicite de rejet de ce recours gracieux, le 26 novembre 2016. Il s'ensuit que la commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA ne sont pas fondées à soutenir que le déféré enregistré le 21 décembre 2016 au greffe du tribunal était tardif, la circonstance que la délibération du 20 juin 2016 constatant la désaffectation et décidant le déclassement des ouvrages soit devenue définitive étant sans incidence sur ce point.
En ce qui concerne la légalité de la convention attaquée :
16. Aux termes de l'article 55 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : " Les conditions dans lesquelles un contrat de concession peut être modifié en cours d'exécution sans nouvelle procédure de mise en concurrence sont fixées par voie réglementaire. Ces modifications ne peuvent changer la nature globale du contrat de concession. / Lorsque l'exécution du contrat de concession ne peut être poursuivie sans une modification contraire aux dispositions prévues par la présente ordonnance, le contrat de concession peut être résilié par l'autorité concédante ". En vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article 78 de la même ordonnance, cet article 55 : " s'applique également à la modification des contrats qui sont des contrats de concession au sens de la présente ordonnance et qui ont été conclus ou pour lesquels une procédure de passation a été engagée ou un avis de concession a été envoyé à la publication avant la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance ". En vertu des dispositions de l'article 36 du décret du 1er février 2016 : " Le contrat de concession peut être modifié dans les cas suivants : / 1° Lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents contractuels initiaux, sous la forme de clauses de réexamen ou d'options claires, précises et sans équivoque. / Ces clauses indiquent le champ d'application et la nature des modifications ou options envisageables, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage ; / 2° Lorsque, sous réserve de la limite fixée au I de l'article 37, des travaux ou services supplémentaires sont devenus nécessaires et ne figuraient pas dans le contrat de concession initial, à la double condition qu'un
changement de concessionnaire : / a) Soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment aux exigences d'interchangeabilité ou d'interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants acquis dans le cadre de la concession initiale ; / b) Présenterait pour l'autorité concédante un inconvénient majeur ou entraînerait pour lui une augmentation substantielle des coûts ; / 3° Lorsque, sous réserve de la limite fixée au I de l'article 37, la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu'une autorité concédante diligente ne pouvait pas prévoir ; / 4° Lorsqu'un nouveau concessionnaire se substitue à celui auquel l'autorité concédante a initialement attribué le contrat de concession, dans l'un des cas suivants : / a) En application d'une clause de réexamen ou d'une option définie au 1° ; / b) Dans le cas d'une cession du contrat de concession, à la suite d'opérations de restructuration du concessionnaire initial. Le nouveau concessionnaire justifie des capacités économiques, financières, techniques et professionnelles fixées initialement par l'autorité concédante. Cette cession ne peut être effectuée dans le but de soustraire le contrat de concession aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; / 5° Lorsque les modifications, quel qu'en soit le montant, ne sont pas substantielles. / Une modification est considérée comme substantielle lorsqu'elle change la nature globale du contrat de concession. En tout état de cause, une modification est substantielle lorsqu'au moins une des conditions suivantes est remplie : / a) Elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage de participants ou permis l'admission de candidats ou soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou le choix d'une offre autre que celle initialement retenue ; / b) Elle modifie l'équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d'une manière qui n'était pas prévue dans le contrat de concession initial ; / c) Elle étend considérablement le champ d'application du contrat de concession ; / d) Elle a pour effet de remplacer le concessionnaire auquel l'autorité concédante a initialement attribué le contrat de concession par un nouveau concessionnaire, en dehors des hypothèses visées au 4° ; / 6° Lorsque le montant de la modification est inférieur au seuil visé à l'article 9 et à 10 % du montant du contrat de concession initial, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si les conditions énoncées au 5° sont remplies".
17. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 78 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 que ses dispositions sont applicables aux concessions conclues avant son entrée en vigueur, quelle qu'ait été la procédure ayant abouti à leur conclusion. Par ailleurs, la convention du 9 juin 2016 modifie une telle concession, suivant la définition qu'en donnent les dispositions des articles 5 et 6 de cette ordonnance, et entre dès lors dans le champ d'application de son article 55. La commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA ne sont dès lors pas fondées à soutenir que la convention du 9 juin 2016 n'est pas soumise aux dispositions de cette ordonnance et du décret du 1er février 2016 pris pour leur application.
18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la convention du 29 décembre 1986 confiait à la SEMEPA, d'une part, l'exploitation des parcmètres et horodateurs attachés au service public du stationnement en voirie et, d'autre part, la gestion de quatre parcs de stationnement totalisant 1 360 places de stationnement, nombres portés à sept parcs et 3 695 places par des avenants ultérieurs. La convention du 9 juin 2016 met fin pour l'avenir à la mission d'exploitation des parcs de stationnement confiée à la SEMEPA et limite la mission de service public qui lui est déléguée à la gestion du stationnement en voirie, lequel inclut 3 400 places de stationnement. Il en résulte qu'alors même que les stipulations de la convention du 29 décembre 1986 subsistant à cette résiliation partielle conservent à ce contrat le caractère
d'une concession de service public, le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que la modification ainsi opérée, qui réduit considérablement le périmètre des investissements et des activités confiées au délégataire, modifie la nature globale du contrat de concession dans des conditions qui auraient pu attirer davantage de candidats si elle avaient figuré dans la procédure de passation initiale et introduit dès lors une modification substantielle au sens des dispositions précitées du 5° de l'article 36 du décret du 1er février 2016, indépendamment de ce qu'aurait été son éventuelle incidence sur la procédure de passation initiale dès lors que de telles modifications sont en principe interdites par l'article 55 de l'ordonnance du 29 janvier 2016. Il en résulte que cette modification, dont il n'est ni soutenu ni établi qu'elle pourrait trouver son fondement dans les dispositions des 1° à 4° ou du 6° de l'article 36 du décret du 1er février 2016, est contraire tant à cet article qu'à l'article 55 de l'ordonnance du 29 janvier 2016.
19. Il résulte, en troisième lieu, de l'instruction que le service France Domaine avait, en novembre 2015, évalué la valeur globale des parcs de stationnement à céder à la SEMEPA à 87,7 millions d'euros hors taxes, aboutissant, après prise en compte de l'indemnité de résiliation alors évaluée à 22,7 millions d'euros hors taxes, à un prix de cession nette de 65 millions d'euros hors taxes. L'indemnité de résiliation due à la SEMEPA par la commune a ensuite été réévaluée, sur le fondement d'une analyse comptable réalisée par le cabinet Sémaphores tenant compte des investissements réalisés et des amortissements pratiqués pour chacun des sept parcs de stationnement confiés à la société par la convention du 29 décembre 1986 ainsi que pour le parc de la Rotonde, objet de la convention du 24 octobre 2003. Cette indemnité, finalement fixée à la somme de 29,4 millions d'euros hors taxes, se fonde ainsi, comme le font valoir la commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA, sur l'addition des valeurs nettes comptables individuelles de chacun des huit parcs concernés. En revanche, il résulte de l'instruction qu'après que cette indemnité due à la SEMEPA a ainsi été augmentée de 6,7 millions d'euros hors taxes, le prix de cession brute des parcs en cause a été augmenté dans la même proportion et porté à 94,3 millions d'euros hors taxes, la SEMEPA s'engageant, ainsi que cela ressort notamment de son courrier du 13 janvier 2016 au maire d'Aix-en-Provence, à maintenir le " montant garanti " à la commune au niveau de 65 millions d'euros hors taxes, alors même que, comme le souligne la délibération du 2 mai 2016, " cette différence d'évaluation de la part non amortie (...) aurait pu diminuer d'autant la valeur vénale des ouvrages ". Il en résulte que le prix de 65 millions d'euros hors taxes convenu entre les parties, dont il ne résulte d'ailleurs pas qu'il ait jamais été fondé sur une analyse de la valeur de chacun des huit parcs en cause, est le fruit d'une négociation d'ensemble entre la commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA quant à la valeur de l'ensemble des parcs, quelle qu'ait été la convention de concession concernée, et constitue un prix global tenant compte des avantages respectifs de la cession des huit parcs. Il n'est dès lors pas possible d'y distinguer le prix de cession des parcs objets de la convention du 29 décembre 1986 de celui objet de la convention du 24 octobre 2003. Il en résulte que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que les stipulations de la convention du 9 juin 2016 constituent un ensemble indivisible et que l'illégalité relevée au point 18 ci-dessus entache l'ensemble de la convention.
20. En dernier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales et il n'est d'ailleurs nullement contesté par la commune d'Aix-en-Provence et la SEMEPA que la compétence relative aux parcs de stationnement devait être exercée à compter du 1er janvier 2018 par la métropole Aix-Marseille Provence et que les parcs de stationnement dont l'exploitation était confiée à la SEMEPA par les délégations de service public des 29 décembre 1986 et 24 octobre 2003, devaient, à cette date, être transférés à cette métropole.
21. La délibération du 2 mai 2016 a, il est vrai, décidé la suppression du service public du stationnement en ouvrage sur le territoire de la commune d'Aix-en-Provence au motif que l'initiative privée, incarnée par la SEMEPA, répondait de manière suffisante aux besoins de la population communale et a par conséquent convenu de céder à cette société les parcs de stationnement dont elle était gestionnaire.
22. Toutefois, à supposer même que la simple cession de parcs objets de délégations de service public à l'opérateur chargé de les exploiter, assortie de la résiliation de ces délégations, nécessairement décidée par le pouvoir adjudicateur, puisse être qualifiée d'initiative privée, il résulte de l'instruction et notamment des termes de la délibération du 20 juin 2016 arrêtant les conditions de la cession ainsi décidée que la SEMEPA est tenue de maintenir l'offre de stationnement existante lors du transfert de propriété sous peine d'une astreinte de 5 000 euros par jour au cours duquel serait constatée la violation de cette clause et se voit interdire la revente des parcs, dont elle devenait pourtant la seule propriétaire, pour une période de douze ans. Il résulte de ces conditions, éclairées par la présentation qui en a été faite par le premier adjoint au maire d'Aix-en-Provence au cours de la réunion du conseil municipal du 2 mai 2016, indiquant qu'il " s'agit d'un service public industriel et commercial qui va changer de gestionnaire " et que la commune, actionnaire majoritaire de la SEMEPA est " rassuré[e] sur la politique qui sera suivie concernant les constructions et la tarification des parkings ", que la convention du 9 juin 2016 avait pour objet et pour effet de maintenir à la charge de la SEMEPA une obligation exclusive de service au bénéfice de la commune afin d'assurer la continuité de l'offre de stationnement, de telle sorte que la satisfaction de la demande par l'initiative privée, cause alléguée du contrat, ne pouvait être regardée comme avérée. Il résulte au contraire de l'instruction, et notamment d'un communiqué de presse publié sur le site internet de la commune d'Aix-en-Provence de juin 2016 à janvier 2017, dont la commune d'Aix-en-Provence ne peut utilement soutenir qu'il résultait d'une initiative individuelle d'un agent de la commune eu égard, d'une part, à sa responsabilité quant à la teneur des informations publiées par cette voie et, d'autre part, la durée de la publication de cette information, maintenue y compris après l'enregistrement du déféré préfectoral au greffe du tribunal, que le contrat avait pour finalité de soustraire les parcs de stationnement exploités par la SEMEPA au transfert de compétence décidé par les dispositions législatives visées au 20 ci-dessus, tout en les maintenant en fait et en droit à la disposition de la commune d'Aix-en-Provence, objectif dont la réalité est confirmée par la teneur du montage contractuel ci-dessus décrit, qui ne pouvait dès lors présenter un caractère d'intérêt général. Le préfet des Bouches-du-Rhône qui soulève un moyen tiré du détournement de pouvoir et doit dès lors être regardé comme se prévalant de l'illicéité du contrat attaqué, est par suite fondé à soutenir que la convention du 9 juin 2016 poursuivait un objet illicite.
23. Eu égard à la gravité des vices relevés aux points 18 et 22 ci-dessus, et en l'absence de toute atteinte excessive portée par cette mesure à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à demander l'annulation de la convention du 9 juin 2016.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune d'Aix-en-Provence et à la SEMEPA les sommes qu'elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 18MA05430 et 19MA00049 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SEMEPA, à la commune d'Aix-en-Provence et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2020, où siégeaient :
- Mme D... E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. C... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 18MA05430, 19MA00049