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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA04183

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA04183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamés au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1700562 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018, M. C...,

représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamés au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1700562 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1700562 du 12 juillet 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamés au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues, ce qui l'a privé de la possibilité d'un débat contradictoire ;

- la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre par l'administration est sommaire et viciée dans son principe, elle n'a pas pris en compte les changements des conditions d'exploitation ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... qui exploite un restaurant de plage saisonnier dénommé " U Farniente " sur le territoire de la commune d'Olmeto, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. A l'issue de celle-ci, le service après avoir écarté la comptabilité, a procédé à la reconstitution des recettes à partir de la méthode dite " des vins ". Des rappels d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre des années vérifiées. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge de l'ensemble des impositions et pénalités mises à sa charge, et par jugement n° 1700562 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. C'est de ce jugement dont il relève appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; et aux termes de l'article L. 76 du même livre : " les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

3. Il résulte de l'instruction et notamment de la lecture de la proposition de rectification du 23 septembre 2013 en pages 6 et 7, que les rectifications effectuées par l'administration fiscale ont procédé de la seule exploitation des factures d'achats de vins figurant dans la comptabilité du restaurant, et que les documents obtenus auprès des fournisseurs de vins, s'ils ont permis de confirmer l'exhaustivité des achats de vins sur la période vérifiée, n'ont pas été utilisés pour effectuer ces rectifications. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de communication par l'administration des documents obtenus auprès des fournisseurs de vins a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et l'a privé du débat contradictoire prévue par l'article L. 57 du même livre.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 23 septembre 2013 que M. C... n'a produit aucun ticket de caisse, ni bandes de contrôle de la caisse enregistreuse, ni livrebrouillard comportant le détail individualisé des ventes, ni doubles des notes remises aux clients. Seules les remises de chèques étaient utilisées pour comptabiliser les produits déclarés. L'absence de pièces justificatives de recettes et d'inventaires des stocks a été constatée dans deux procès-verbaux des 19 et 25 avril 2013, contresignés le même jour par M. C.... Ainsi, la comptabilité qui comportait de graves irrégularités a été à bon droit écartée comme non probante, et permettait à l'administration de procéder à la reconstitution des recettes du restaurant. Les impositions en litige ont été mises en recouvrement conformément à l'avis du 28 avril 2015 de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires. Il appartient à M. C... en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

6. En premier lieu, pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par le restaurant exploité par M. C... au titre des deux années en litige, le service a utilisé la méthode dite " des vins ". Il a déterminé les quantités de vin vendues à l'occasion de la fourniture de repas, à partir des factures fournies lors du contrôle, et déduction des quantités de vin utilisées pour la confection des plats. Le dépouillement des recettes retenues pour la vérification en l'absence des tickets de caisse au titre des années vérifiées au cours de la période allant du 25 avril au 31 août 2013, pour laquelle l'exploitant a fourni les tickets de caisse journaliers et les bandes de contrôle de la caisse enregistreuse, a permis de constater que les ventes de vin représentaient 11 % des ventes de vin par rapport aux recettes globales du restaurant. Un coefficient de marge sur les vins de 3,30 en 2010 et de 3,18 en 2011 a été ainsi déterminé pour le restaurant. Le montant de pertes, d'offerts et de consommation personnelle de 10 % a été retenu, et la méthode de reconstitution a en outre admis que l'intégralité du vin acheté en " Bib " n'était pas revendue mais consommée par le personnel et l'exploitant, et que les magnums n'étaient pas revendus mais offerts. Le requérant fait valoir que l'extrapolation du pourcentage des vins dans le chiffre d'affaires total est inexacte, en raison d'un changement dans les conditions d'exploitation de son établissement à partir de 2013, en raison des investissements qu'il a réalisés qui ont permis un accroissement de la capacité d'accueil du restaurant avec une augmentation des tarifs de restauration, il ajoute que la consommation électrique est plus importante, que les charges de personnel ont augmenté et que les prix ont augmenté. Il en déduit que l'échantillon des recettes retenu de l'année 2013 aboutit à une exagération de l'imposition. Cependant, les justificatifs qu'il produit ne sont pas suffisamment probants, ni pertinents pour établir que la méthode de reconstitution mise en oeuvre serait excessivement sommaire, dans la mesure ou l'entreprise n'a pas conservé les données propres à son exploitation.

7. En second lieu, M. C... propose à titre subsidiaire une méthode de reconstitution alternative élaborée à partir des tickets mensuels au titre de l'année 2011 sans tickets journaliers ou notes clients qui permettent de rapprocher les ventes déclarées aux achats effectués, et présente sa méthode qui consiste à multiplier le montant des achats de marchandises par la marge brute de la profession qui résulte d'une monographie régionale. Ces éléments ne retracent pas de manière exhaustive l'activité de restauration exploitée par le contribuable au cours de la période considérée. Par suite, la méthode alternative de reconstitution de recettes proposée par le requérant, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires du restaurant par l'administration serait excessivement sommaire ou radicalement viciée.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la majoration pour manquement délibéré mise à la charge de M. C... est fondée sur les irrégularités constatées dans la comptabilité et sur des procès-verbaux d'audition de l'intéressé du 20 mai 2011 et du 23 avril 2012, qui a lui-même indiquer qu'il a occulté une partie des recettes de son exploitation. Il se prévaut de l'autorité de la chose jugée attachée au non-lieu prononcé par l'autorité judiciaire du fait des poursuites engagées contre lui sans lien avec la minoration des recettes. Cependant l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux constatations matérielles contenues dans les décisions des juridictions qui sont définitives et qui statuent sur le fond de l'action publique, ce qui n'est pas le cas d'une ordonnance de non-lieu. Par suite, l'administration a suffisamment justifié l'intention de M. C... d'éluder les impôts qui lui sont réclamés.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

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N° 18MA04183


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations. Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : LEON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/07/2020
Date de l'import : 29/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA04183
Numéro NOR : CETATEXT000042151605 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma04183 ?
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