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29/06/2020 | FRANCE | N°20MA00192

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 juin 2020, 20MA00192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 mai 2017 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté la demande d'admission au séjour, au titre du regroupement familial, de son épouse et de sa fille ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui accorder le bénéfice de ce regroupement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à inter

venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 mai 2017 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté la demande d'admission au séjour, au titre du regroupement familial, de son épouse et de sa fille ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui accorder le bénéfice de ce regroupement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1802170 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 31 mai 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en l'absence de critère d'habitabilité posé par l'article L 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 31 mai 2017, qui se fonde sur un tel critère, est entachée d'erreur de droit ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait car son logement comporte trois chambres ;

- son logement étant conforme aux dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a méconnu ces dispositions en lui refusant le bénéfice du regroupement familial ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- eu égard à son état de santé, cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision du 1er août 2017 n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait car son logement comporte trois chambres ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 avril 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mai 2020.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme G... I..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de

M. David Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Résidant régulièrement en France depuis 1985 selon ses déclarations, M. C..., né le 1er janvier 1939 et de nationalité marocaine, a demandé le 30 juin 2016 l'admission au séjour, au titre du regroupement familial, de son épouse et de sa fille née le 7 septembre 1998. Le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande par une décision 31 mai 2017 confirmée implicitement après un recours gracieux présenté par l'intéressé le 1er août 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique (...) ". En vertu des dispositions de l'article R. 411-5 du même code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : / - en zones A bis et A : 22 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes (...) / (...) 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 : " Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires : / 1. Il assure le clos et le couvert. (...) / 2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. (...) / 3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ; / 4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ; / 5. Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ; / 6. Le logement permet une aération suffisante. (...) / 7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre ". En vertu de l'article 3 du même texte : " Le logement comporte les éléments d'équipement et de confort suivants : / 1. Une installation permettant un chauffage normal (...) / 2. Une installation d'alimentation en eau potable (...) / 3. Des installations d'évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes (...) ; / 4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d'alimentation en eau chaude et froide et à une installation d'évacuation des eaux usées ; / 5. Une installation sanitaire intérieure (...) / 6. Un réseau électrique permettant l'éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté par le préfet de l'Hérault que M. C... dispose d'un logement d'une superficie de 33,88 m², qui correspond à la surface minimale requise par les dispositions de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour accueillir trois personnes en zone A, dans laquelle il est situé, et que ce logement présente l'ensemble des caractéristiques et équipements exigés par les dispositions des articles 2 et 3 du décret du 30 janvier 2002. Il en résulte qu'en se fondant uniquement, pour refuser le bénéfice du regroupement familial à l'intéressé, sur un critère étranger aux dispositions précitées et tiré de la disposition et de la fonction des pièces constitutives du logement, plus précisément à la circonstance qu'il est " pourvu d'une seule chambre pour trois adultes : un couple et une fille majeure ", alors que l'appartement en cause est conforme aux exigences de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions à fin d'annulation contre la décision du 31 mai 2017 lui refusant le bénéfice du regroupement familial et la décision implicite rejetant son recours gracieux. Il est donc fondé à demander l'annulation de ce jugement et de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

6. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision contestée pour violation des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique nécessairement, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la situation du requérant n'a pas évolué, que le préfet de l'Hérault accorde le bénéfice du regroupement familial à l'épouse et à la fille de M. C.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'admettre Mme D... H... épouse C... et Mme A... C... au séjour au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à cet avocat de la somme réclamée de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802170 du tribunal administratif de Montpellier du 4 juin 2019, la décision du 31 mai 2017 refusant le bénéfice du regroupement familial à M. C... et la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault d'admettre Mme D... H... épouse C... et Mme A... C... au séjour au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me B..., au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020, où siégeaient :

- Mme G... I..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. F... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2020.

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N° 20MA00192

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00192
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-29;20ma00192 ?
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