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29/06/2020 | FRANCE | N°19MA04906

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 juin 2020, 19MA04906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou "

tudiant " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de ret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " étudiant " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de prendre une décision dans le même délai et sous la même astreinte.

Par un jugement n° 1901684 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901684 du 17 juin 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " étudiant " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à Me A... au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur le refus de séjour :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ayant atteint sa majorité le 25 octobre 2018, le préfet ne pouvait pas sans violer l'autorité de la chose jugée ou sans motiver suffisamment sa décision attaquée, mentionner dans celle-ci qu'il a valablement pu faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 20 mars 2018 ;

- le préfet ne peut refuser de l'admettre au séjour au motif qu'il n'est pas pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans la mesure où ce refus de prise en charge est fondé sur l'existence d'une mesure d'éloignement du 19 mars 2018 qui, malgré son illégalité, n'a pas fait l'objet d'une décision de retrait ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet a commis une erreur de droit en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a été pris en charge entre 16 et 18 ans par les services de l'aide sociale à l'enfance et que les dispositions de cet article n'imposent pas qu'il soit titulaire d'un contrat de jeune majeur; en tout état de cause, les services préfectoraux n'ayant pas procédé au retrait de l'obligation de quitter le territoire français illégale en date du 20 mars 2018, il n'était pas en mesure de bénéficier d'un tel contrat ;

- étant entré mineur sur le territoire français, le préfet ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " au motif qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour ;

- le refus de titre de séjour contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'obligation de quitter le territoire français du 20 mars 2018 ayant été annulée par la cour administrative d'appel de Marseille, le préfet ne pouvait le regarder comme s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme C... D..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de

M. David Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D..., présidente rapporteure,

- et les observations de Me A... représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France en août 2016 selon ses déclarations, M. B..., ressortissant ivoirien né le 25 octobre 2000, a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Hérault du 22 novembre 2016 au 17 septembre 2018 puis du 8 octobre 2018 au 25 octobre 2018, date à laquelle il est devenu majeur. En marge de cette prise en charge par les services sociaux du département de l'Hérault, M. B..., qui à la suite d'une interpellation par les services de police, a été placé en garde à vue le 19 mars 2018 et, ensuite, en rétention administrative, a fait l'objet, par un arrêté en date du 20 mars 2018 du préfet de l'Hérault, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, décisions confirmées par un jugement du 23 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier. M. B..., qui a interjeté appel de ce jugement le 7 septembre suivant, a cependant parallèlement sollicité, le 25 janvier 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ou de salarié. Il relève appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 février 2019 rejetant sa demande d'admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions citées au point 2, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur de fait ou d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. M. B..., qui déclare être né le 25 octobre 2000 et dont il ressort des pièces versées aux débats qu'il a suivi, avec sérieux et une grande motivation, une formation au sein du lycée Fernand Léger de Bédarieux du mois de janvier 2017 à la fin de l'année scolaire 2017-2018 en vue d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " peintre / applicateur de revêtement " et qu'il a, du fait de son investissement dans son projet professionnel de peintre en bâtiment, bénéficié d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise de Béziers pour la période du 1er septembre 2018 au 31 août 2020, l'aide sociale à l'enfance étant alors son représentant légal, a sollicité le 25 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour opposer un refus à cette demande, le préfet de l'Hérault a estimé que l'intéressé ne pouvait pas revendiquer le bénéfice de ces dispositions dès lors qu'il ne faisait plus l'objet d'un suivi par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance depuis sa condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Montpellier le 16 avril 2018 pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs, et qu'il n'était pas titulaire d'un contrat " jeune majeur " passé avec le conseil départemental.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été pris en charge, dans le cadre du dispositif mis en place pour les mineurs non accompagnés, par le département de l'Hérault du 22 novembre 2016 au 17 septembre 2018, date à laquelle il a été donné main levée de la mesure à la suite d'un rapport d'information établi par le service de l'aide sociale à l'enfance indiquant qu'il faisait l'objet de poursuites pour usage de faux documents d'identité, M. B... a été de nouveau confié, au service de l'aide sociale à l'enfance de l'Hérault jusqu'au 25 octobre 2018, date de sa majorité, en vertu d'une ordonnance de la juge pour enfants du tribunal de grande instance de Montpellier du 8 octobre 2018, motivée par le fait que le tribunal correctionnel de Montpellier avait, par un jugement du 16 avril précédent, relevé qu'il n'était pas suffisamment démontré que M. B... avait intentionnellement utilisé une fausse identité afin de bénéficier du statut de mineur non accompagné.

6. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le 18 février 2019 à M. B... le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il a présenté sa demande le 25 janvier 2019, soit dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, le préfet de l'Hérault a méconnu ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Hérault du 19 février 2019 et que ce jugement, ainsi que cet arrêté, doivent en conséquence être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique, eu égard à la portée du motif sur lequel elle repose, que le préfet de l'Hérault procède à un nouvel examen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

10. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au profit de Me A... et sous réserve de renonciation de ce dernier au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1901684 du 17 juin 2019 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 février 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées avec celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020, où siégeaient :

-Mme C... D..., présidente assesseure, présidente de la formation

de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2020.

2

N° 19MA04906

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04906
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-29;19ma04906 ?
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