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29/06/2020 | FRANCE | N°19MA02029

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 juin 2020, 19MA02029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant le pays de destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente j

ours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français et en fixant le pays de destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1804943 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont, à tort, estimé qu'elle ne démontrait pas l'ancrage en France de ses attaches familiales et personnelles alors qu'elle y vit depuis quatorze ans ;

- les premiers juges ont, à tort, estimé que son insertion professionnelle ne lui permettait pas de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de fait déterminante en estimant dans son arrêté qu'elle avait manifesté une intention de se soustraire à une décision l'obligeant à quitter le territoire français, cette décision ayant été annulée par le tribunal administratif de Nice le 7 mai 2018 ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à son intégration professionnelle ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de séjour contesté sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté refusant son admission au séjour.

La requête a été communiquée le 9 mai 2019 au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 19 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2019.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme B... D..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. David Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D..., présidente rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante philippine née le 6 septembre 1980, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 1er décembre 2016. Le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande par un arrêté du 22 juin 2017 et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination des Philippines. La cour administrative d'appel de Marseille a annulé ces décisions par un arrêt du 7 mai 2018 en raison d'un vice de procédure tenant au défaut de consultation de la commission du titre de séjour et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de l'intéressée. Après avoir recueilli l'avis de cette commission, le préfet des Alpes-Maritimes, par un arrêté du 6 novembre 2018, a refusé de délivrer à Mme A... le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7°) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Si Mme A... démontre par les justificatifs versés aux débats résider sur le territoire national de manière habituelle depuis le 24 décembre 2004, cet état de fait n'étant au demeurant pas contesté par le préfet des Alpes-Maritimes qui l'a expressément relevé dans la motivation de son arrêté, cette seule circonstance ne saurait cependant justifier la délivrance d'un titre de séjour en application des stipulations et dispositions rappelées au point 2. Si l'intéressée soutient être séparée de son époux resté aux Philippines, n'être jamais retournée dans son pays d'origine où elle allègue ne plus avoir d'attaches familiales et bénéficier de plusieurs promesses d'embauche en qualité d'employée de maison à temps partiel à Monaco ou sur le territoire français, datant des 14 et 21 novembre 2016 et des 13, 15 et 19 septembre 2018, ces éléments sont insuffisants pour établir qu'elle aurait tissé des liens sociaux, amicaux ou professionnels en France stables et intenses, qu'elle justifierait d'une insertion dans la société française et qu'elle aurait perdu toute attache dans le pays dont elle a la nationalité et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être rejeté, le préfet des Alpes-Maritimes n'ayant pas méconnu ces stipulations et dispositions.

4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés et au regard de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, Mme A..., célibataire et sans enfant ni personne à charge, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

6. La circonstance que Mme A..., qui ne justifie pas par ailleurs d'une insertion professionnelle en France, soit titulaire de promesses d'embauche en qualité d'employée de maison sur le territoire de Monaco ou sur le territoire français ainsi qu'il a été dit au point 3, ne saurait constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de ces dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'a jugé le tribunal à bon droit. Les éléments du dossier ne permettant pas de démontrer que la situation de l'intéressée, célibataire et sans enfant ni personne à charge, caractérise des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels susceptibles de justifier une mesure de régularisation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", la décision contestée n'est donc pas entachée, à cet égard, d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième et dernier lieu, si la requérante soutient que le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait pas lui opposer dans le refus de séjour contesté en date du 6 novembre 2018 un motif tiré de ce qu'elle avait manifesté une intention de se soustraire à une décision l'obligeant à quitter le territoire français, cette mesure d'éloignement du 22 juin 2017 ayant fait l'objet d'une annulation par la cour administrative d'appel de Marseille le 7 mai 2018, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision à son égard s'il s'était fondé sur les seuls motifs tirés des conditions de son séjour en France et de son absence d'intégration sociale et professionnelle particulière qui suffisaient, en tout état de cause, à fonder légalement le refus de titre de séjour.

Sur la légalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :

8. Mme A... n'établissant pas que la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité, elle n'est dès lors pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 1804943 du tribunal administratif de Nice du 9 avril 2019 et de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 novembre 2018. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence ainsi également que celles présentées par son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020, où siégeaient :

- Mme B... D..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2020.

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N° 19MA02029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02029
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-29;19ma02029 ?
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