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29/06/2020 | FRANCE | N°19MA00499

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 juin 2020, 19MA00499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la délibération du 24 novembre 2016 par laquelle le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole a décidé le versement d'une subvention d'un montant de 747 500 euros à l'Association de promotion des flux touristiques et économiques (APFTE) et autorisé son président à conclure une convention d'application de cette délibération, ainsi que la convention du 5 décembre 2016 conclue en application de cette d

élibération et, d'autre part, d'enjoindre au président de Montpellier Méditerran...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la délibération du 24 novembre 2016 par laquelle le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole a décidé le versement d'une subvention d'un montant de 747 500 euros à l'Association de promotion des flux touristiques et économiques (APFTE) et autorisé son président à conclure une convention d'application de cette délibération, ainsi que la convention du 5 décembre 2016 conclue en application de cette délibération et, d'autre part, d'enjoindre au président de Montpellier Méditerranée Métropole de recouvrer les sommes versées à l'association en exécution de cette convention.

Par un jugement n° 1700454 du 3 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 1er février 2019, le 29 octobre 2019 et le 3 décembre 2019, la société Air France, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la convention du 5 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au président de Montpellier Méditerranée Métropole de recouvrer les sommes versées à l'APFTE en application de cette convention ;

4°) de mettre à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en qualité de concurrente de la compagnie aérienne Ryanair, principale bénéficiaire de la convention, laquelle est susceptible de fausser la concurrence, ses intérêts sont lésés de manière suffisamment directe et certaine pour lui donner intérêt à agir ;

- la convention ayant été conclue pour permettre le versement d'une aide d'État contraire au droit communautaire qui doit être recouvrée, le principe d'effectivité de ce droit commande que son recours contre le contrat soit regardé comme recevable afin de permettre la récupération des fonds indûment versés ;

- la convention du 24 novembre 2016 sert de support au versement d'une aide d'État irrégulière au regard des stipulations de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et est dès lors entachée d'un vice devant conduire à son annulation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 août 2019 et le 15 novembre 2019, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Air France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées en première instance par la société Air France étaient irrecevables car l'acte d'attribution d'une subvention constitue toujours un acte unilatéral contestable uniquement par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

- le recours enregistré devant le tribunal était en tout état de cause tardif ;

- la société Air France n'était en outre pas lésée de manière suffisamment directe par la convention relative à l'attribution de la subvention ;

- les moyens soulevés par la société Air France ne sont pas fondés et le jugement doit en tout état de cause être confirmé.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2019, l'APFTE, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Air France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable faute pour la société Air France de justifier de la qualité pour la représenter de son dirigeant ;

- les conclusions présentées en première instance par la société Air France étaient irrecevables car l'acte d'attribution d'une subvention constitue toujours un acte unilatéral contestable uniquement par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

- la société Air France n'était en outre pas lésée de manière suffisamment directe par la convention relative à l'attribution de la subvention ;

- le recours enregistré devant le tribunal était en tout état de cause tardif ;

- les moyens soulevés par la société Air France ne sont pas fondés et le jugement doit en tout état de cause être confirmé.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme G... H..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de

M. David Zupan, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant la société Air France, de Me C..., représentant Montpellier Méditerranée Métropole et de Me D..., représentant l'Association de promotion des flux touristiques et économiques,

Une note en délibéré présentée pour Montpellier Méditerranée Métropole a été enregistrée le 22 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 24 novembre 2016, le conseil de Montpellier Méditerranée Métropole a décidé d'allouer une subvention de 747 500 euros à l'Association de promotion des flux touristiques et économiques (APFTE) et autorisé son président à signer une convention d'application organisant les modalités d'exécution de cette délibération. La convention financière relative à l'objet, au montant et aux conditions d'utilisation de la participation ainsi attribuée par Montpellier Méditerranée Métropole a été conclue entre cette collectivité publique et l'APFTE le 5 décembre 2016. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la société Air France tant de conclusions dirigées contre la délibération du 24 novembre 2016 que de conclusions tendant à l'annulation de la convention du 5 décembre 2016, a rejeté les unes comme les autres comme irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. De tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

3. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application des dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

En ce qui concerne la délibération du 24 novembre 2016 :

4. La société Air France ne soulevant, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement, aucun moyen contestant les motifs par lesquels les premiers juges ont rejeté comme tardives ses conclusions dirigées contre cette délibération, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté cette partie de ses conclusions.

En ce qui concerne la convention du 5 décembre 2016 :

5. Contrairement à ce que soutient la société Air France, la compétence exclusive ainsi reconnue au juge de l'excès de pouvoir pour connaître des recours en annulation relatifs à une subvention n'a pas pour effet de faire obstacle à l'exécution immédiate et effective des décisions de la Commission européenne prescrivant le recouvrement des aides d'État illégales, eu égard, notamment, aux pouvoirs d'injonction et d'exécution de ses décisions conférés à ce juge par les dispositions du livre IX du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, par suite, d'écarter en l'espèce l'application des règles posées au 3 ci-dessus, dont il doit être déduit que le recours que la société Air France a présenté devant le tribunal administratif de Montpellier présentait, quelque qualification qu'elle ait elle-même prétendu lui conférer, le caractère d'un recours pour excès de pouvoir.

6. Si la société Air France fait valoir que la décision de subvention attaquée aurait pour objectif réel de favoriser la société Ryanair, et s'il ressort des pièces du dossier que l'action de l'APFTE au bénéfice de cette dernière société entre 2010 et 2016 a effectivement été qualifiée d'aide d'État par une décision de la Commission européenne du 2 août 2019, il n'est pas soutenu et il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la convention du 5 décembre 2016 aurait été jugée irrégulière ou même examinée par la Commission européenne dans le cadre de l'enquête ayant conduit à l'édiction de la décision du 2 août 2019, laquelle est au demeurant intervenue postérieurement à l'édiction de la décision attaquée. Il résulte par ailleurs des termes combinés des actes en litige que Montpellier Méditerranée Métropole a accordé à l'APFTE une subvention de 747 500 euros en vue d'aider cette association à réaliser " toute action de promotion du territoire, par tous moyens, visant à présenter l'offre touristique et économique du territoire du grand Montpellier, dans l'objectif de développer les flux touristiques et économiques (...) " et d'orienter l'action ainsi menée " sur des bassins géographiques à forts potentiels (...) qui s'inscrivent parfaitement dans la stratégie de rayonnement international et de développement économique de Montpellier Méditerranée Métropole ". Il ne ressort ni de ces termes, ni d'aucun autre terme de ces actes, ni des pièces du dossier que cette décision de subvention, qui ne mentionne aucune catégorie d'action ou action précise autres que celles ci-dessus décrites, et ne vise notamment aucune zone géographique de démarchage prioritaire, aucun mode de transport ou transporteur nommément identifié comme destinataire privilégié des actions de l'association, n'a ni pour objet ni pour effet d'affecter, par elle-même, les conditions de la concurrence entre les entreprises de transport aérien desservant l'aéroport de Montpellier-Méditerranée. Il en résulte que la société Air France, qui ne se prévaut, pour justifier de son intérêt à agir contre la convention attaquée, que d'une telle atteinte à la concurrence, ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet acte.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la convention du 5 décembre 2016. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Air France, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Montpellier Méditerranée Métropole et l'APFTE, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, versent à la société Air France la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Air France la somme de 2 000 euros à verser, d'une part, à Montpellier Méditerranée Métropole et, d'autre part, à l'APFTE sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.

Article 2 : La société Air France versera une somme de 2 000 euros à Montpellier Méditerranée Métropole et la même somme de 2 000 euros à l'APFTE au titre de

l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France, à Montpellier Méditerranée Métropole et à l'Association de promotion des flux touristiques et économiques (APFTE).

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020, où siégeaient :

- Mme G... H..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. F... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2020.

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N° 19MA00499

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00499
Date de la décision : 29/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-03-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Mesures d'incitation. Subventions.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SERMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-29;19ma00499 ?
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