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16/06/2020 | FRANCE | N°19MA00285-19MA00578

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 juin 2020, 19MA00285-19MA00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement de coopération sanitaire (GCS) Mougins Pharma a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1601813 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Nice a, par voie de compensation, réduit le montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par le GCS Mougins Pharm

a à concurrence de la somme de 130 774 euros ainsi que les pénalités y afférentes e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement de coopération sanitaire (GCS) Mougins Pharma a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1601813 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Nice a, par voie de compensation, réduit le montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par le GCS Mougins Pharma à concurrence de la somme de 130 774 euros ainsi que les pénalités y afférentes et par l'article 2, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2019 et le 20 février 2020, sous le n° 19MA00285, le GCS Mougins Pharma, représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2018 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2011 aurait dû être compensé avec un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée régularisée a pris nécessairement naissance en même temps que l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que le groupement est en même temps preneur des prestations de mise à disposition du personnel des cliniques, acquéreur des médicaments et revendeurs de ces derniers et que le règlement des dettes et créances réciproques s'opère pas compensation dans les comptes courants des cliniques ouverts dans les comptes du groupement au 31 décembre 2011 ;

- il est fondé à se prévaloir de la doctrine référencée BOI-TVA-BASE-20-20 n° 80 ;

- en l'absence de situation débitrice, aucun intérêt de retard ne peut être exigé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le GCS Mougins Pharma ne sont pas fondés.

II. Par un recours, enregistré le 5 février 2019 sous le n° 19MA00578, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 16 novembre 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rétablir le montant des impositions dues par le GCS Mougins Pharma.

Il soutient que :

- les premiers juges ont statué au-delà des moyens qui leur étaient soumis, le GCS Mougins Pharma n'ayant formulé aucune demande de compensation ;

- le crédit de taxe sur la valeur ajoutée existant au 31 décembre 2013, dont le remboursement était demandé, a été remboursé le 26 janvier 2016 ;

- la compensation opérée par le tribunal administratif induit un double remboursement des excédents de taxe sur la valeur ajoutée.

La requête a été communiquée au GCS Mougins Pharma qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me A... C..., représentant le GCS Mougins Pharma.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement de coopération sanitaire (GCS) Mougins Pharma a été constitué par trois cliniques en vue de mettre en commun la gestion de leurs pharmacies internes, le personnel salarié de ces cliniques étant mis à la disposition du groupement. A la suite d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été assignés à raison notamment de ventes non déclarées, selon la procédure de rectification contradictoire, assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Par un jugement du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Nice a, par voie de compensation, réduit le montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus à concurrence de la somme de 130 774 euros ainsi que les pénalités correspondantes et a rejeté le surplus de la demande du GCS Mougins Pharma.

2. La requête du GCS Mougins Pharma, enregistrée sous le n° 19MA00285, et le recours du ministre de l'action et des comptes publics, enregistré sous le n° 19MA00578, étant dirigés contre ce même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal administratif doit être regardé comme ayant requalifié, afin de lui donner un effet utile, les moyens formulés par le GCS Mougins Pharma, comme tendant à obtenir la réduction par voie de compensation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période correspondant à l'année 2011. Par suite, le tribunal administratif n'a pas statué au-delà des moyens dont il était saisi. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ". Si un contribuable peut à tout moment de la procédure, y compris devant les juges du fond, demander à bénéficier, en application des dispositions précitées des articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, d'une compensation, et ce alors même que le délai de réclamation serait expiré, ce n'est que dans la limite de l'imposition qu'il a régulièrement contestée et dès lors que la créance qu'il détient sur le Trésor est établie.

5. Pour prononcer la compensation entre l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 130 774 euros constaté au titre des exercices 2012 et 2013 et le montant total des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée de 284 755 euros assigné au titre de l'année 2011 résultant de la rectification de la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes, le tribunal a considéré que les opérations de vérification avaient fait ressortir l'existence d'excédents de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des exercices 2012 et 2013 pour des montants respectifs de 10 677 et 120 097 euros et que l'existence de ces excédents ainsi que la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige n'étaient pas contestées.

6. Il résulte de l'instruction que l'administration a mis en recouvrement les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, pour un montant en droits de 228 146 euros. Ce montant correspond au rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de l'année 2011, d'un montant de 284 775 euros, auquel il a été soustrait le crédit de taxe sur la valeur ajoutée, déclaré par le GCS Mougins Pharma au 31 décembre 2011, d'un montant de 56 609 euros. L'administration fait valoir, sans être contredite, qu'elle a tenu compte des excédents de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des exercices 2011 et 2012 d'un montant de 10 677 euros et de 120 097 euros et que le GCS Mougins Pharma disposait alors d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à régulariser au 31 décembre 2013 d'un montant de 71 665 euros, qui a été remboursé le 22 février 2016. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 150 000 euros, initialement demandé au 31 décembre 2013, a été remboursé le 25 janvier 2016. Ainsi, l'administration a tenu compte des excédents de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des exercices 2011 et 2012 et le crédit de taxe sur la valeur ajoutée a bien été remboursé au groupement. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, par voie de compensation, réduit le montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par le GCS Mougins Pharma à concurrence de la somme de 130 774 euros et des pénalités correspondantes.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le GCS Mougins Pharma tant en première instance qu'en appel.

8. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au rappel en litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ". L'article 271 du même code, dans sa rédaction applicable, dispose : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ".

9. Le GCS Mougins Pharma se prévaut d'un " crédit de TVA théorique ", reconstitué à partir de sa comptabilité, d'un montant de 155 054 euros au titre de l'exercice 2011. Toutefois, ainsi que le relève le ministre, le montant de crédit porté sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de décembre 2011 est uniquement de 56 609 euros. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le GCS Mougins Pharma soumet la vente de médicaments aux sociétés constituant le groupement à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux réduit, dont le fait générateur et l'exigibilité interviennent dès la livraison des biens en application des 1 et 2 de l'article 269 du code général des impôts. Les prestations de mise à disposition des moyens humains et matériels qui sont facturées au groupement par les sociétés membres sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, au taux normal, qui n'est déductible qu'au paiement des prestations. En application des règles d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux activités du groupement, ce dernier ne justifie pas qu'il disposait d'un droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée supérieur à celui retenu par l'administration du seul fait que les soldes des comptes de taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant à son bilan sont supérieurs aux soldes des comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée ou exigible pour les trois exercices et alors même qu'il serait preneur des prestations de mise à disposition du personnel des cliniques, acquéreur des médicaments et revendeurs de ces derniers. Par suite, le GCS Mougins Pharma n'est pas fondé à soutenir qu'il disposait d'un crédit de taxe déductible qui n'aurait pas été restitué. En outre, l'administration fiscale qui a accordé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée justifié n'a pas méconnu le principe de neutralité.

10. Enfin, si le GCS Mougins Pharma entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative BOI-TVA-BASE-20-20 n° 80 relative à la taxe sur la valeur ajoutée, cette doctrine, au demeurant postérieure aux impositions en litige, ne fait que tirer les conséquences sur la taxe sur la valeur ajoutée de l'inscription à un compte de tiers ouvert dans les écritures d'une société, de sommes au crédit d'un compte dont le redevable à la libre disposition. Elle est donc sans incidence sur la solution du présent litige.

11. Il résulte de ce qui précède que le GCS Mougins Pharma n'est pas fondé à demander la décharge ou la réduction des rappels en litige et la décharge des intérêts de retard s'y rapportant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, par voie de compensation, réduit le montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus par le GCS Mougins Pharma à concurrence de la somme de 130 774 euros et des pénalités correspondantes. Il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement et de remettre cette somme à la charge du GCS Mougins Pharma.

Sur les frais liés au litige :

13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

14. D'autre part, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du GCS Mougins Pharma tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 16 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : La somme de 130 774 euros et les pénalités correspondantes sont remises à la charge du GCS Mougins Pharma.

Article 3 : La requête n° 19MA00285 du GCS Mougins Pharma est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire Mougins Pharma et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

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N° 19MA00285, 19MA00578

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00285-19MA00578
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP DBGL CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;19ma00285.19ma00578 ?
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