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16/03/2020 | FRANCE | N°19MA03155

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 16 mars 2020, 19MA03155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d

e deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous la même astre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous la même astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1901569 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 juillet 2019 et les 30 janvier et 11 février 2020, M. B..., représenté par la SCP Dessalces, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 24 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous la même astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en l'absence d'admission à l'aide juridictionnelle, le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, le versement de la somme de 1 500 euros à la SCP Dessalces en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire est illégal du fait de l'illégalité entachant la décision refusant son admission au séjour ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2020, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C... D..., présidente rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Déclarant être entré pour la première fois en France au cours de l'année 2005, M. B..., ressortissant marocain né le 20 septembre 1981, a demandé le 6 novembre 2015, après avoir fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 30 avril 2014 confirmés par le tribunal administratif de Nîmes puis par la cour administrative de Marseille, son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Le préfet du Gard a, par un arrêté en date du 24 avril 2019, opposé un refus à cette seconde demande et l'a obligé à quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Gard en date du 24 avril 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés. ". Il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par M. B... à l'appui de son moyen, ont suffisamment répondu au point 2 du jugement à celui tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 24 avril 2019 en indiquant que le préfet du Gard avait suffisamment motivé sa décision sans avoir eu besoin de préciser les périodes pour lesquelles il estimait les justificatifs produits par l'intéressé insuffisants, ni le détail de ceux-ci après avoir relevé que l'arrêté attaqué visait les textes dont il faisait application, citait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comportait les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement. Par suite, le moyen sera écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision refusant son admission au séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, rappelle les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet du Gard a ainsi suffisamment motivé sa décision, sans qu'il ait eu besoin de préciser les périodes pour lesquelles il estimait les justificatifs produits par l'intéressé insuffisants ni le détail de ceux-ci.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui justifient effectivement, dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, résider habituellement en France depuis plus de dix ans auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de l'article L. 313-14 précité.

5. Contrairement à ce que soutient M. B..., les pièces versées au débat ne permettent pas d'établir sa présence habituelle en France depuis l'année 2008. Ainsi, notamment, s'agissant du mois de décembre 2008 au mois de mars 2009, du mois de mai au mois de novembre 2009 et du mois de janvier au mois de mai 2010, aucun des justificatifs produits à l'instance au titre des années 2008-2010 ne concerne ces trois périodes, pas même ceux versés à l'appui de ses dernières écritures. Par suite, comme le tribunal administratif l'a jugé, sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée prise le 24 avril 2019 ne peut être regardée comme établie. Il en résulte que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.

6. En troisième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. D'une part, M. B... justifie, ainsi qu'il a été dit au point 5, d'une seule présence ponctuelle aux cours des années 2008 à 2010. D'autre part, il n'a pas exécuté la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet par une décision du préfet du Gard du 30 avril 2014, mesure dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif de Nîmes que par la cour administrative d'appel de Marseille. Par ailleurs, M. B..., qui ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, est célibataire et sans charge de famille. Enfin, il ne fait valoir aucun projet professionnel ni même ne démontre une intégration significative depuis son entrée sur le territoire français par la seule production d'attestations de proches rédigées, au demeurant de manière générale et pour certaine non datée, pour d'autre datée du 29 septembre 2020, pour les seuls besoins de la cause alors même qu'il établit avoir suivi des cours sociolinguistiques auprès d'associations entre 2013 et 2015 et que ses parents ainsi que deux de ses frères, l'un de ses cousins et son neveu séjournent régulièrement en France. La promesse d'embauche du 7 février 2020, produite aux débats à l'appui de ses dernières écritures, par laquelle une entreprise nîmoise s'engage à embaucher M. B... dès l'obtention de son titre de séjour en tant qu'ouvrier du bâtiment en contrat à durée indéterminée, ne permet pas plus d'établir l'existence de son projet professionnel ni même de son intégration significative au sein de la société française à la date de la décision attaquée. Dès lors, ni le refus de séjour ni la mesure d'éloignement contestés ne sauraient être regardés comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Gard aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, le moyen tiré de ce que le refus de séjour attaqué serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, M. B... n'établissant pas que la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité, il n'est dès lors pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est fondé à demander ni l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 juillet 2019 ni celle de l'arrêté du préfet du Gard du 24 avril 2019. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à la SCP Dessalces.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2020, où siégeaient :

- Mme C... D..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2020.

5

N° 19MA03155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03155
Date de la décision : 16/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSE-DEGOIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP DESSALCES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-16;19ma03155 ?
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