Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et la SNC B... et Cie ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le chef du service central des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a rejeté le recours gracieux de M. B... dirigé contre la décision du 28 septembre 2016 lui refusant le réexamen de sa demande tendant au bénéficie du dispositif prévu par le décret du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée.
Par un jugement n° 1700528 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2019 et le 20 novembre 2019, M. B... et la SNC B... et Cie, représentés par Me E..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ne pouvaient leur opposer l'autorité de la chose jugée attachée à un précédent jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015, en l'absence d'identité de cause dans les deux litiges ;
- M. B... étant à jour de ses obligations fiscales, ainsi qu'il résulte d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 novembre 2016, il n'y avait pas lieu pour l'administration de rejeter sa demande ;
- la décision qui portait à sa connaissance l'absence de caractère fiscal de sa créance constituait un fait nouveau qui devait être pris en compte dans l'appréciation de la mise en place du plan d'apurement de sa dette.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 octobre 2019 et le 30 décembre 2019, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ;
- la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 ;
- le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 ;
- le décret n° 2014-1698 du 29 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en Algérie le 30 septembre 1928, a regagné la métropole en 1957 en provenance du Maroc. Ayant exercé une activité d'agent immobilier à titre indépendant puis sous la forme s'une société en nom collectif, la SNC B... et Cie, il a demandé à pouvoir bénéficier du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée prévu par le décret du 4 juin 1999. Après avoir déclaré le 9 juillet 2003 sa demande éligible à ce dispositif, la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée l'a rejetée lors de sa séance du 12 juillet 2006, après avoir constaté l'absence de signature d'un plan d'apurement dans les délais impartis et après avoir pris acte de l'échec de la négociation d'un tel plan. Par une lettre du 7 février 2008, le président de la mission interministérielle aux rapatriés, agissant sur délégation du Premier ministre, a informé l'intéressé qu'il réformait cette décision et qu'il lui accordait un nouveau délai de trois mois pour poursuivre la négociation d'un plan d'apurement de ses dettes, avant de rejeter lui-même la demande le 16 juillet 2009. Cette dernière décision a été annulée par un arrêt de la Cour du 21 décembre 2012 au motif qu'elle était entachée d'une irrégularité formelle tenant à une insuffisance de motivation. L'instruction du dossier de M. B... a ensuite été reprise et un nouveau délai d'un an lui a été accordé pour négocier et signer un plan d'apurement global avec ses créanciers. Par courrier du 20 janvier 2013, M B... a adressé un dossier, selon lui mis à jour, à la mission interministérielle aux rapatriés. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 22 mai 2015, devenu définitif, le tribunal administratif a estimé que ce rejet implicite était légalement fondé, faute pour l'intéressé d'avoir présenté un plan d'apurement conclu dans les conditions fixées par les dispositions règlementaires en vigueur. Le 20 janvier 2015 M. B... a demandé de nouveau à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de procéder à un nouvel examen de son dossier de désendettement. L'Office a rejeté sa demande par une décision expresse du 28 septembre 2016. Le recours gracieux formé par M. B... contre cette décision a été implicitement rejeté. M. B... et la SNC B... et Cie relèvent appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière décision implicite.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Si dans leur demande devant le tribunal administratif M. B... et la SNC B... et Cie ne demandaient formellement que l'annulation de la décision implicite par laquelle le chef du service central des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre avait rejeté le recours gracieux de l'intéressé dirigé contre la décision du 28 septembre 2016, il y a lieu d'interpréter ces conclusions comme étant aussi dirigées contre cette dernière décision.
3. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée : " Il est institué un dispositif de désendettement des personnes mentionnées à l'article 2 qui, exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontrent de graves difficultés économiques et financières, les rendant incapables de faire face à leur passif ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Bénéficient des dispositions du présent décret les personnes appartenant à l'une des deux catégories suivantes : / 1° Personnes mentionnées au I de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 ; (...) ". Parmi les personnes mentionnées au I de l'article 44 de la loi de finances rectificatives pour 1986, figurent au troisième alinéa : " Les Français rapatriés tels qu'ils sont définis à l'article 1er de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, installés dans une profession non salariée ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 : " Les Français, ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions fixées par la présente loi ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 8 du décret du 4 juin 1999, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 29 décembre 2014 : " (...) Si la demande est déclarée éligible, la commission adresse sa décision au préfet. Celui-ci la notifie au bénéficiaire par lettre recommandée avec avis de réception et assure le traitement du dossier ; avec le concours du trésorier-payeur général, il invite les créanciers et le débiteur à négocier un plan d'apurement global et définitif de l'ensemble de la dette de l'intéressé. Le plan établi comporte les abandons de créance librement acceptés et les modalités de paiement des sommes restant dues par le débiteur en fonction de ses capacités contributives et de la valeur de ses actifs. Le plan d'apurement doit être signé par le débiteur et par ses créanciers douze mois au plus après la date de notification par le préfet de la décision d'éligibilité de la demande prise par la commission. A défaut d'accord dans ce délai, le préfet transmet le dossier à la commission. Celle-ci peut soit constater l'échec de la négociation, soit, dans les cas limitativement énumérés ci-après, émettre un avis motivé favorable à la prolongation du délai de négociation (...) Au vu de cet avis, le président de la mission interministérielle aux rapatriés peut accorder un délai supplémentaire (...) Le président de la mission notifie à l'intéressé, le cas échéant, sa décision de prolonger le délai de négociation. En cas de rejet de la prorogation, il informe la commission qui constate l'échec de la négociation. Lorsque la commission constate l'échec de la négociation, elle notifie à l'intéressé le rejet de la demande. ". Le décret n° 2014-1698 du 29 décembre 2014 a, notamment, transféré les missions dont ces dispositions chargeaient le préfet au directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et celles dont étaient investis la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée et le président de la mission interministérielle aux rapatriés, au ministre chargé des rapatriés.
5. Si, pour rejeter la demande de M B... dirigée contre la décision implicite de rejet de son recours gracieux, le tribunal administratif s'est fondé sur le caractère définitif de la précédente décision de rejet de l'administration, il ne s'est pas fondé en revanche sur l'autorité de la chose jugée attachée à son précédent jugement du 22 mai 2015. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait entendu opposer à tort aux requérants l'autorité relative de la chose jugée par ce jugement alors qu'il n'existait pas, en l'espèce, une identité de cause dans les deux litiges, est inopérant.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu que la demande adressée le 20 janvier 2015 par M. B... à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre en vue de procéder à un nouvel examen de son dossier de désendettement aurait été accompagné d'un plan d'apurement conclu dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 4 juin 1999. Les éléments qui font l'objet du présent litige sont, ainsi, les mêmes que ceux invoqués dans sa précédente demande formée en 2013 et qui a donné lieu au jugement précité du 22 mai 2015 du tribunal administratif. Dans cette mesure, l'autorité administrative, qui a implicitement mais nécessairement estimé que M. B... n'invoquait aucune circonstance de fait ou de droit nouvelle intervenue entre 2013 et 2015, a pu à bon droit opposer à l'intéressé le caractère définitif de sa précédente décision intervenue en 2013 pour rejeter sa demande.
7. M. B... et la SNC B... et Cie se prévalent cependant d'un arrêt n° 15MA02217 rendu le 21 novembre 2016 par la Cour dans un litige opposant la société SNC B... et Cie à la directrice régionale des finances publiques de Languedoc-Roussillon et du département de l'Hérault, relatif au recouvrement d'une somme de 772 126,23 euros mise à sa charge par un titre de perception du 10 avril 2013. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que ce titre avait été émis pour assurer l'exécution d'une saisie-attribution décidée au bénéfice d'un créancier privé et que le contentieux de son recouvrement qui tendait au reversement d'un indu relevait de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Elle en a déduit que la demande présentée par la société SNC B... et Cie devant le tribunal administratif devait être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Toutefois, cet arrêt, qui s'est borné à statuer sur la compétence juridictionnelle pour connaître de ce litige de recouvrement, n'a pas eu pour effet de modifier le niveau d'endettement de M. B.... Dès lors il ne constituait pas un fait nouveau pour le règlement du présent litige. S'il est soutenu que la somme dont le Trésor public poursuivait le recouvrement était, aux termes de cet arrêt, dépourvue de caractère fiscal, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des décisions en litige qui ne sont pas fondées sur la situation fiscale de l'intéressé.
8. Si la cour d'appel de Montpellier a jugé, par un arrêt du 17 septembre 2019, que l'action de la direction régionale des finances publiques de Languedoc-Roussillon et du département de l'Hérault était atteinte par la prescription et si le directeur de ce service a indiqué à M. B... par un courrier du 5 novembre 2019 renoncer au recouvrement de la somme en litige, ces circonstances, postérieures aux décisions contestées, sont sans influence sur leur légalité qui s'apprécie à la date à laquelle elles ont été prises.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... et la SNC B... et Cie ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... et la SNC B... et Cie au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre globalement à la charge de M. B... et de la SNC B... et Cie la somme de 2 000 euros à verser à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... et de la SNC B... et Cie est rejetée.
Article 2 : M. B... et la SNC B... et Cie verseront globalement à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la SNC B... et Cie et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 mars 2020.
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N° 19MA00590
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