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02/03/2020 | FRANCE | N°17MA03636

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 02 mars 2020, 17MA03636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. M... E..., P... J..., G... N..., B... I... et T... et F... A..., représentés par Mme A..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération, en date du 13 décembre 2013, par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a approuvé un avenant au protocole d'accord conclu avec la Société des Eaux de Marseille le 28 juin 2013 concernant le sort de certains biens de retour en fin de concession du service d'addu

ction d'eau potable.

Par un jugement n° 1308154 du 21 juin 2017, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. M... E..., P... J..., G... N..., B... I... et T... et F... A..., représentés par Mme A..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération, en date du 13 décembre 2013, par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a approuvé un avenant au protocole d'accord conclu avec la Société des Eaux de Marseille le 28 juin 2013 concernant le sort de certains biens de retour en fin de concession du service d'adduction d'eau potable.

Par un jugement n° 1308154 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande et annulé la délibération du 13 décembre 2013.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 18 août 2017, le 19 février 2018, le 23 octobre 2018, le 20 novembre 2018 et le 11 décembre 2018, la Société des Eaux de Marseille, représentée par Me K..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... et autres le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal s'est abstenu de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dont il était saisi, l'avenant n° 1 au protocole d'accord approuvé par la délibération du 13 décembre 2013 ayant été remplacé, avant même d'avoir été exécuté, par l'avenant n° 2 approuvé par une délibération du 23 octobre 2015 ;

- le jugement attaqué méconnaît à la fois les stipulations du contrat de concession du service d'adduction et de distribution d'eau dit " du Canal de Marseille " du 21 octobre 1991, stipulant expressément son droit à indemnisation au titre des compteurs faisant retour à la communauté urbaine, et les principes dégagés par la jurisprudence concernant le sort des biens de retour ;

- l'indemnisation de la gratuité du retour des biens nécessaires à l'exploitation et non encore amortis n'est nullement subordonnée à une fin anticipée du contrat ;

- il n'y a pas davantage lieu de distinguer, s'agissant du sort des biens de retour en fin de contrat, entre ceux qui sont établis sur la propriété d'une personne publique et ceux qui sont établis sur la propriété d'une personne privée ;

- les premiers juges ne pouvaient écarter les modalités d'indemnisation stipulées par le traité de concession, sauf à relever une disproportion manifeste entre l'indemnité et le préjudice ;

- il est parfaitement justifié du montant de l'indemnité prévue par l'avenant litigieux au titre de la valeur non amortie des compteurs.

Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2018, la Métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole et représentée par Me C..., indique prendre acte du jugement du tribunal administratif de Marseille et s'en remettre à l'appréciation souveraine de la Cour.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 janvier, 28 février et 6 novembre 2018, MM. E..., J..., N..., I... et S... et A..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Société des Eaux de Marseille la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen tiré du non-lieu à statuer, du reste nouveau en appel, ne saurait être accueilli dès lors, d'une part, que la délibération contestée du 13 décembre 2013 est entrée en vigueur dès son adoption et a été rendue exécutoire de plein droit dès l'accomplissement des formalités de publicité et que, d'autre part, elle n'a pas été rapportée par celle du 21 octobre 2015 ;

- le contrat de concession n'ayant pas été résilié mais étant arrivé à son terme normal à la date du 31 décembre 2013, la Société des Eaux de Marseille ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre des compteurs, lesquels sont des biens de retour, quand bien même ils n'étaient pas amortis et quelles qu'aient été les stipulations de ce contrat ;

- la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a d'ailleurs relevé, concernant les délégations des services publics de l'eau et de l'assainissement conclues par la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, leur caractère excessivement favorable aux intérêts des délégataires.

Par ordonnance du 21 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 décembre 2018.

Par lettres en date du 22 janvier 2020, la Métropole Aix-Marseille-Provence et la Société des Eaux de Marseille ont été invitées par la Cour, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à produire toutes pièces de nature à justifier de l'affichage, prévu à l'article R. 2121-10 du code général des collectivités territoriales rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en application de l'article L. 5211-1 de ce code, de la délibération du 23 octobre 2015 approuvant l'avenant n° 2 au protocole d'accord.

Les pièces sollicitées ont été produites par la Métropole Aix-Marseille-Provence le 28 janvier 2020 et communiquées à la Société des Eaux de Marseille ainsi qu'à Mme A... et autres le 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme O... Q..., rapporteure,

- les conclusions de M. H... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me K... pour la Société des Eaux de Marseille et de Me C... pour la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 juin 1960, le conseil municipal de Marseille a décidé de confier à la Société des Eaux de Marseille la gestion du service d'adduction et de distribution d'eau dit " du Canal de Marseille " et a approuvé la convention ainsi que le cahier des charges y afférents. Après avoir approuvé, le 8 juillet 2011, le principe de la délégation de l'exploitation des services d'eau potable et d'assainissement par voie d'affermage sur l'ensemble du territoire communautaire, à l'exception de la commune de Plan-de-Cuques et de la partie villageoise de Gémenos, le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, désormais compétente en la matière et donc venue aux droits de la ville de Marseille dans l'exécution, notamment, de la concession de 1960, a approuvé, par une délibération du 28 juin 2013, un protocole d'accord organisant les modalités d'achèvement des contrats en cours la liant à la Société des Eaux de Marseille, et prévoyant notamment le versement à cette dernière d'une somme correspondant à la valeur non amortie des compteurs d'eau installés par ses soins à compter de 2002, alors estimée à 2 857 157 euros. Le 13 décembre 2013, la même assemblée délibérante a approuvé l'avenant n° 1 à ce protocole, actualisant le montant de la valorisation du parc des compteurs et pour la fixer à 2 608 848,41 euros, sur la base de la valeur nette comptable prévisionnelle des compteurs d'eau au 30 juin 2014. La Société des Eaux de Marseille relève appel du jugement, en date du 21 juin 2017, par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi par Mme A... et autres, a annulé cette délibération.

2. En premier lieu, selon l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-3 de ce code, les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur affichage ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. En vertu de l'article L. 5215-1 du même code, la communauté urbaine est un établissement public de coopération intercommunale.

3. En second lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être contesté dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui prive d'objet le recours formé à son encontre, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Par ailleurs, lorsque l'acte initial n'est pas seulement retiré mais est en outre remplacé par une nouvelle décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision.

4. En l'espèce, d'une part, par une délibération 004-1405/15/CC du 23 octobre 2015, le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille-Provence-métropole a approuvé l'avenant n° 2 au protocole d'accord conclu avec la Société des Eaux de Marseille le 28 juin 2013, avenant qui, procédant d'un ajustement de la valeur nette comptable du parc de compteurs d'eau en fonction d'une évaluation du prix unitaire de ces équipements, l'a définitivement et contradictoirement arrêtée à la somme de 2 154 426,15 euros au lieu de 2 608 848,41 euros, montant retenu à titre provisoire en décembre 2013 dans le premier avenant. Ainsi, par ce nouvel avenant, la collectivité a supprimé les deux derniers alinéas de l'article 2 du protocole modifié par l'avenant n° 1 du 13 décembre 2013 au terme duquel " En conséquence de quoi la valorisation du parc compteurs tel qu'il existait au 31 décembre 2012, calculée après amortissement à la date du 30 juin 2014, conduit à une somme de 2 608 848,41 euros HT, détaillée en annexe 2. (...) " et les a remplacés par le texte suivant : " En conséquence de quoi la valorisation du parc compteurs arrêtée au 30 juin 2014, calculée après amortissement à cette même date, conduit à une somme de 2 154 426,15 euros HT, détaillée en annexe 2. (...) ". En rectifiant de cette façon le montant de l'indemnité due à la Société des Eaux de Marseille au titre du rachat du parc des compteurs d'eau, la délibération du 23 octobre 2015 a nécessairement procédé au retrait, à caractère rétroactif, de celle du 31 décembre 2013 et des stipulations de l'avenant n° 1 en litige.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 23 octobre 2015 a été transmise au représentant de l'Etat chargé du contrôle de légalité le 26 octobre 2015, publiée par voie d'affichage au siège de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole du 27 octobre au 27 novembre 2015 inclus ainsi qu'à l'hôtel de ville de Marseille et dans les autres mairies du 12 novembre 2015 au 12 janvier 2016 inclus. Elle a, en outre, été régulièrement publiée le 5 novembre 2015 au recueil des actes administratifs de la communauté urbaine. Elle est ainsi devenue exécutoire le 27 octobre 2015 et, faute d'avoir été contestée dans les deux mois suivant ou d'avoir elle-même été retirée, est devenue définitive.

6. Il résulte de ce qui précède que, à la date à laquelle les premiers juges ont statué sur la demande présentée par Mme A... et autres tendant à l'annulation de la délibération du 13 décembre 2013, cette demande avait perdu son objet et il ne pouvait, en conséquence, y être statué au fond. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué du 21 juin 2017, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de Mme A... et autres visant ladite délibération et de dire qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Par ailleurs, l'indemnité consentie à la Société des Eaux de Marseille par l'avenant n° 2 étant d'un montant substantiellement inférieur à celui que lui allouait l'avenant n° 1, la délibération du 23 octobre 2015 ne peut être regardée comme ayant la même portée que celle du 13 décembre 2013. Il n'y a donc pas lieu, pour la Cour, de regarder la demande de Mme A... et autres comme tendant également à son annulation.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions échangées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1308154 du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société des Eaux de Marseille, à la métropole Aix-Marseille-Provence, à M. M... E..., à M. P... J..., à M. G... N..., à M. B... I..., à Mme L... R... et à Mme F... A....

Délibéré après l'audience du 10 février 2020, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme O... Q..., présidente assesseure,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mars 2020.

5

N° 17MA03636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03636
Date de la décision : 02/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-05-05-02-04 Procédure. Incidents. Non-lieu. Existence. Décision retirée.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL CABINET CABANES - CABANES NEVEU ASSOCIES ; SOCIÉTÉ D'AVOCATS VEDESI ; SELARL CABINET CABANES - CABANES NEVEU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-02;17ma03636 ?
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