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20/02/2020 | FRANCE | N°19MA01770

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Chambres réunies, 20 février 2020, 19MA01770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 3 août 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pour demandeur d'asile, d'autre part, d'enjoindre au directeur de l'OFII de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et notamment de l'allocation de demandeur d'asile et, enfin, de condamner l'OFII à lui verser l

e montant de l'allocation de demandeur d'asile à compter du 3 août 2016 jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 3 août 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pour demandeur d'asile, d'autre part, d'enjoindre au directeur de l'OFII de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et notamment de l'allocation de demandeur d'asile et, enfin, de condamner l'OFII à lui verser le montant de l'allocation de demandeur d'asile à compter du 3 août 2016 jusqu'à la date du jugement.

Par un jugement n° 1603668 du 21 avril 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17MA02540 du 20 novembre 2017, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au président de la section du contentieux, au titre de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête de M. B... enregistrée le 16 juin 2017.

Par une ordonnance n° 419462 du 29 mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour le jugement de la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires, enregistrés le 16 juin 2019 et le 19 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du directeur de l'OFII du 3 août 2016 ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de lui notifier une décision d'admission aux conditions matérielles d'accueil et à l'allocation pour demandeur d'asile pour la période du 3 août 2016 au 30 septembre 2018 ;

4°) de condamner l'OFII à lui verser le montant de l'allocation de demandeur d'asile du 3 août 2016 au 30 septembre 2018 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation de demandeur d'asile ;

- sa minorité lors de son entrée sur le territoire national constitue un motif légitime pour ne pas avoir présenté sa demande d'asile dans le délai de 120 jours après son arrivée en France ;

- il justifie être dans une situation d'extrême vulnérabilité compte tenu de sa situation financière et sociale et de son état de santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2019, l'OFII, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par décision en date du 21 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 21 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 août 2016 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) refusant de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'OFII de lui accorder ce bénéfice et notamment de lui verser le montant de l'allocation de demandeur d'asile à compter du 3 août 2016.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'OFII, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'un demandeur d'asile aux conditions matérielles d'accueil, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement.

3. Aux termes du 2 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre ". En vertu des articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et notamment de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé si le demandeur n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 du même code, qui, à la date à laquelle M. B... a demandé l'asile, était de cent vingt jours à compter de son entrée en France. L'article L. 744-8, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, prévoyait explicitement que la décision de refus " prend en compte la vulnérabilité du demandeur ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 1er janvier 1998 et arrivé le 1er septembre 2014 sur le territoire français en qualité de mineur non accompagné, a fait l'objet, le 20 novembre 2014, d'une ordonnance de placement provisoire par le président du conseil général de la Nièvre puis a été confié à l'aide sociale à l'enfance du Var par décision du juge des enfants au tribunal de grande instance de Toulon du 20 février 2015, l'inspecteur de l'aide sociale à l'enfance du Var étant autorisé à se substituer aux titulaires défaillants de l'autorité parentale notamment pour toutes les démarches administratives de ce mineur.

5. L'accompagnement dont M. B... a ainsi bénéficié devait, en principe, lui permettre de déposer une demande d'asile si les motifs pour lesquels il avait quitté son pays étaient de nature à justifier qu'il sollicite une protection internationale, étant rappelé que l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc pour assister et assurer la représentation d'un mineur dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande d'asile. Si le requérant fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun suivi sérieux par les services du conseil général, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision ou justification permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, et alors, au surplus, que sa demande d'asile n'a été enregistrée au guichet unique que le 29 juin 2016, soit plus de deux ans et demi après son arrivée sur le territoire et plus de six mois après sa majorité, le directeur de l'OFII a pu, à bon droit, retenir que le délai dans lequel M. B... a déposé sa demande d'asile justifiait que le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile lui soit refusé.

6. Si le requérant, qui se prévalait en première instance d'une situation financière délicate, invoque en cause d'appel une vulnérabilité particulière tenant à son état de santé, une insuffisance rénale aigüe lui ayant été diagnostiquée en février 2017, en tout état de cause, il ne peut plus désormais prétendre au bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile dès lors qu'il résulte de la décision de la Cour nationale du droit d'asile n° 17029711 du 4 octobre 2017 que sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, eu égard à la marge d'appréciation dont dispose le directeur de l'OFII pour accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil alors même que l'intéressé a déposé tardivement sa demande d'asile, de remettre en cause le bien-fondé de la décision litigieuse pour la période allant de la date à laquelle son affection a été diagnostiquée à la date à laquelle l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile lui a été notifiée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. Badie, président de chambre,

- M. Alfonsi, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 20 février 2020.

5

N° 19MA01770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Chambres réunies
Numéro d'arrêt : 19MA01770
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

- ASILE - DEMANDE D'ADMISSION À L'ASILE - EFFETS DE LA SITUATION DE DEMANDEUR D'ASILE - CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL.

095-02-06-02 En vertu des articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et notamment de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé si le demandeur n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 du même code.,,,L'accompagnement dont bénéficie un mineur non accompagné doit, en principe, lui permettre de déposer une demande d'asile si les motifs pour lesquels il a quitté son pays sont de nature à justifier qu'il sollicite une protection internationale, étant rappelé que l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la désignation d'un administrateur ad hoc pour assister et assurer la représentation d'un mineur dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande d'asile. En l'absence de toute précision ou justification de la part du requérant sur l'absence de suivi sérieux dont il aurait fait l'objet de la part des services du conseil général, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a pu, à bon droit, retenir que le délai dans lequel il a déposé sa demande d'asile, plus de deux ans et demi après son arrivée sur le territoire et plus de six mois après sa majorité, justifiait que le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile lui soit refusé.

PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE - PROCÉDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX - RECOURS AYANT CE CARACTÈRE (1)[RJ1].

54-02-02-01 Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'un demandeur d'asile aux conditions matérielles d'accueil, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement.


Références :

[RJ1]

(1) Rappr. CE, Section, 3 juin 2019, M. Charbonnel, n° 415040 ;

CE, Section, 3 juin 2019, Département de l'Oise, n° 419903 ;

CE, Section, 3 juin 2019, M. Ziani, n° 422873 ;

CE, Section, 3 juin 2019, Mme Vainqueur, n° 423001.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : VALAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-20;19ma01770 ?
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