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18/02/2020 | FRANCE | N°19MA00147

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 18 février 2020, 19MA00147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1803934 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, Mme D..

., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1803934 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1803934 du 19 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire :

- est entachée d'un défaut de base légale, la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'a pas été notifiée dans une langue que comprend l'intéressée ;

- est illégale en l'absence d'examen particulier de sa situation par le préfet ; la requérante est effectivement déboutée du droit d'asile ; mais le préfet ne s'est pas assuré que la requérante pouvait obtenir un titre de séjour sur un autre fondement, et il a méconnu l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

La décision fixant le pays de destination :

- méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas eu accès à sa demande d'asile ;

- son fils est accusé d'être déserteur en Arménie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018 du tribunal de grande instance de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement n° 1803934 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. C'est de ce jugement dont elle relève appel.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Et l'article L. 743-3 du même code prévoit que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. " .

3. Mme D... a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 26 octobre 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 11 juin 2018. A la suite de ces décisions, le préfet de l'Hérault a pris à son encontre l'arrêté contesté d'obligation de quitter le territoire français.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, qui, en vertu du II de son article 71, s'applique aux décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile à compter du premier jour du troisième mois suivant sa publication, soit le 1er décembre 2018 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, (...) jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ".

5. Le recours formé par Mme D... à l'encontre de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 octobre 2017 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 11 juin 2018. Par suite, l'intéressée a perdu le droit de se maintenir en France pour les besoins de sa demande d'asile, à compter de cette date. En conséquence, elle ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circonstance que la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui aurait été adressée dans des conditions irrégulières, au regard des dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour contester le bien-fondé de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet le 9 juillet 2018, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du même code.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif, complet et sérieux de la demande dont il était saisi. La circonstance qu'elle ait un fils qui réside en France, lui-même étant demandeur d'asile, et que plus d'un an se soit écoulé entre la demande d'asile et l'arrêté contesté ne peut suffire à caractériser un tel défaut d'examen.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 7ème du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Avant de prendre une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit vérifier que l'étranger n'est pas au nombre de ceux qui, en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peuvent légalement faire l'objet d'une décision de reconduite. Il appartient en outre au préfet d'apprécier si la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter, pour la situation personnelle ou familiale de l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir de contrôler si ladite appréciation n'est pas entachée d'une erreur manifeste. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante est veuve, sans enfant à charge et n'établit pas avoir en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Et même si elle est mère d'un fils âgé de trente-trois ans, marié, qui est également demandeur d'asile en France ainsi que son épouse, cette présence ne permet pas d'établir que la requérante a en France le centre de ses intérêts familiaux. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris les décisions attaquées et n'a, ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Mme D... invoque les circonstances de son départ d'Arménie, allègue des craintes pour sa vie et produit des attestations qui ne permettent pas à elles seules d'établir qu'elle serait personnellement et actuellement exposée à des risques pour sa vie ou sa liberté ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie. Ainsi, elle n'établit pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif et complet de sa situation au regard de son pays d'origine, ni qu'il se serait cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'astreinte et d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... veuve C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2020.

4

N° 19MA00147

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00147
Date de la décision : 18/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-18;19ma00147 ?
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