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10/02/2020 | FRANCE | N°19MA05044-19MA05231

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 10 février 2020, 19MA05044-19MA05231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... I... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un ti

tre de séjour dans un délai de deux mois.

Par un jugement n° 1901550 du 16 octo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... I... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois.

Par un jugement n° 1901550 du 16 octobre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019 sous le n° 19MA05044, Mme I... épouse D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet des Alpes-Maritimes quant au nombre de ses enfants ;

- le refus de titre de séjour est entaché de vice de forme car il ne vise pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure car son fils n'a pas été examiné par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors qu'il n'examine que la situation médicale de son fils et non ses besoins en termes de prise en charge médico-éducative ;

- le refus de titre de séjour contesté est entaché d'erreur de fait car le préfet n'a examiné que la situation de sa fille et n'a pas pris en compte l'existence de son fils ni sa pathologie ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ont également été méconnues les stipulations de l'article 16 de la même convention ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'égard d'un enfant mineur et méconnaît les obligations du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête de Mme I... épouse D... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 29 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 janvier 2020.

II. Par une requête enregistrée le 1er décembre 2019 sous le n° 19MA05231, Mme I... épouse D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1901550 du 16 octobre 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans la requête n° 19MA05044 sont sérieux.

La requête de Mme I... épouse D... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 5 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 janvier 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... Grimaud, rapporteur,

- et les observations de Me A..., représentant Mme I... épouse D....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19MA05044 et n° 19MA05231 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions en partie identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. Entrée pour la première fois en France le 23 décembre 2017, Mme I... épouse D..., née le 27 décembre 1989 et de nationalité tunisienne, a sollicité en février 2018, un titre de séjour en faisant valoir l'état de santé de son fils mineur F... B.... Par arrêté du 29 octobre 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande et prescrit l'éloignement de l'intéressée et de sa fille mineure C....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme I... épouse D..., Mohamed B..., âgé de sept ans à la date de l'arrêté contesté, souffre des conséquences d'une encéphalopathie anoxo-ischémique périnatale ayant pour conséquence un handicap moteur et intellectuel important associé à des troubles du comportement et à une épilepsie focale lésionnelle appelant une prise en charge multidisciplinaire et notamment neuropédiatrique, orthopédique et rééducative. Mme I... épouse D... soutient sans être contredite, d'une part, que son enfant n'a jamais bénéficié d'une prise en charge adaptée en Tunisie et n'a jamais pu être scolarisé, ce dont témoigne son incapacité à marcher et à s'alimenter seul à son arrivée en France et, d'autre part, qu'elle a été, du fait du handicap de l'enfant, rejetée par sa famille et notamment par le père de l'enfant qui exerçait contre lui des violences. Le jeune F... B... a été confié en urgence au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Alpes-Maritimes par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice le 9 août 2018 et cette décision a été confirmée par un jugement du juge des enfants de ce même tribunal le 23 août 2018. Orienté vers un établissement médico-éducatif par décision de la maison départementale des personnes handicapées des Alpes-Maritimes, il a bénéficié à compter de ce moment d'une prise en charge adaptée, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle pourrait lui être assurée en Tunisie et qui apporte un soulagement à la requérante, laquelle peinait à assumer seule la charge de cet enfant handicapé alors qu'elle a un autre enfant mineur, C..., et souffre d'une grave dépression. Mme I... épouse D... est ainsi fondée à soutenir que, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en rejetant sa demande de titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme I... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 octobre 2018 et, par conséquent, que ce jugement et cet arrêté doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

6. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et en l'absence de tout changement intervenu dans la situation de Mme I... épouse D..., d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions de Mme I... épouse D... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme I... épouse D... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 19MA05231.

Article 2 : Le jugement n° 1901550 du tribunal administratif de Nice du 16 octobre 2019 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 octobre 2018 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme I... épouse D... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme I... épouse D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme I... épouse D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... I... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2020, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme H... J..., présidente assesseure,

- M. G... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 février 2020.

5

Nos 19MA05044, 19MA05231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05044-19MA05231
Date de la décision : 10/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : AJIL ; AJIL ; AJIL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-10;19ma05044.19ma05231 ?
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