Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande n° 1504176, la société Etni a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 437 548 euros hors taxes en réparation des préjudices subis au cours de la période du 8 décembre 2013 au 22 décembre 2015 dans le cadre de l'exécution du marché du lot n° 12, " travaux de câblage et d'installation électrique ", de l'opération de restructuration et d'extension du collège Armand Coussens à Saint-Ambroix et de majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2014 ainsi que du produit de leur capitalisation.
Par une demande n° 1701550, la société Etni a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le département du Gard à lui verser la somme de 676 397,71 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution du même marché et de majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2014 ainsi que du produit de leur capitalisation.
Par deux jugements nos 1504176 et 1701550 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 2018 et 24 octobre 2019 sous le n° 18MA01783, la société Etni, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1504176 du 22 février 2018 ;
2°) de condamner le département du Gard à lui verser une indemnité de 437 548 euros hors taxes en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution du marché ;
3°) de majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2014 et du produit de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- le département du Gard doit l'indemniser des conséquences dommageables de l'ajournement du chantier ;
- le département a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à son égard en s'abstenant de réaliser un second diagnostic relatif à l'amiante, en omettant de programmer le désamiantage du bâtiment et en remplaçant tardivement l'entreprise Multitec, défaillante ;
- l'économie de son marché a été bouleversée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 février 2019, 13 septembre 2019 et 22 novembre 2019, la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, représentée par Me G..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société ICS, la société Dumez, la société Norisko, la société Apave Sudeurope et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Etni en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2019, la société Oteis France, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société A+ Désamiantage, la société ICS et la société Tegula à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Etni et de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mai 2019, la société Ingénierie Coordination et Sécurité (ICS) demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Oteis France et de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2019 et 7 novembre 2019, la société Dekra Industrial, représentée par Me L..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, la société Sogea Sud, la société Tegula, la société ICS, la société Apave Sudeurope et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 7 500 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, de la société Sogea Sud, de la société Oteis France ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 septembre 2019 et 28 octobre 2019, la société Apave Sudeurope, représentée par Me J..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Dekra Industrial, la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, la société Sogea Sud et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire de la société ICS doit être écarté des débats faute d'être présenté par un avocat ;
- l'appel provoqué présenté par la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus est irrecevable car sa situation n'est pas aggravée par l'appel de la société Etni ;
- les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 septembre 2019 et 7 novembre 2019, le département du Gard, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus et la société Oteis France à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Etni en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête car elle porte sur une demande reprise par la société Etni dans sa contestation du décompte général notifié le 18 janvier 2017 ;
- la demande de première instance de la société Etni était irrecevable en ce qu'elle portait sur la faute du maître de l'ouvrage et les sujétions imprévues car son mémoire en réclamation n'avait trait qu'aux conséquences des fautes du maître de l'ouvrage et l'article 50.3.1 du cahier des clauses administratives générales interdit de soumettre au juge des demandes et motifs qui n'ont pas été portés dans la réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2019, la société Sogea Sud, représentée par Me I..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Tegula, la société Dekra Industrial et la société ICS à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 décembre 2019.
Un mémoire présenté pour la société ICS, représentée par le cabinet MBA et associés, et enregistré le 24 décembre 2019 n'a pas été communiqué.
II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 2018 et 24 octobre 2019 sous le n° 18MA01784, la société Etni, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1701550 du 22 février 2018 ;
2°) de condamner le département du Gard à lui verser une indemnité de 676 397,71 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution du marché ;
3°) de majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du 12 décembre 2014 et du produit de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- le département du Gard doit l'indemniser des conséquences dommageables de l'ajournement du chantier ;
- le département a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à son égard en s'abstenant de réaliser un second diagnostic relatif à l'amiante, en omettant de programmer le désamiantage du bâtiment et en remplaçant tardivement l'entreprise Multitec, défaillante ;
- l'économie de son marché a été bouleversée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 février 2019, 13 septembre 2019 et 22 novembre 2019, la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, représentée par Me G..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société ICS, la société Dumez, la société Norisko, la société Apave Sudeurope et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Etni en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2019, la société Oteis France, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société A+ Désamiantage, la société ICS et la société Tegula à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Etni et de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2019, la société ICS demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Oteis France et de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2019 et 7 novembre 2019, la société Dekra Industrial, représentée par Me L..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, la société Sogea Sud, la société Tegula, la société ICS, la société Apave Sudeurope et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 7 500 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, de la société Sogea Sud, de la société Oteis France ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 septembre 2019, 28 octobre 2019 et 19 novembre 2019, la société Apave Sudeurope, représentée par Me J..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Dekra Industrial, la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus, la société Sogea Sud et la société Oteis France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire de la société ICS doit être écarté des débats faute d'être présenté par un avocat ;
- l'appel provoqué présenté par la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus est irrecevable car sa situation n'est pas aggravée par l'appel de la société Etni ;
- les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 septembre 2019 et 7 novembre 2019, le département du Gard, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus et la société Oteis France à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la société Etni en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance de la société Etni était irrecevable en ce qu'elle portait sur la faute du maître de l'ouvrage et les sujétions imprévues car son mémoire en réclamation n'avait trait qu'aux conséquences des fautes du maître de l'ouvrage et l'article 50.3.1 du cahier des clauses administratives générales interdit de soumettre au juge des demandes et qui n'ont pas été portées dans la réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2019, la société Sogea Sud, représentée par Me I..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Etni ;
2°) de condamner in solidum la société Tegula, la société Dekra Industrial et la société ICS à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Boyer-Gibaud-Percheron-Assus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Etni ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par la société ICS et enregistré le 1er mai 2019 n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 22 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 décembre 2019.
Un mémoire présenté pour la société ICS, représentée par le cabinet MBA et associés, et enregistré le 24 décembre 2019 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. K... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. F... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me M..., représentant la société Etni, de Me H..., représentant la société Sogea Sud, de Me O... représentant la sociéte ICS et de Me B..., substituant Me L..., représentant la société Dekra Industrial.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 18 mai 2011, le département du Gard a attribué le marché public correspondant au lot n° 12, " travaux de câblage et d'installation électrique ", de l'opération de restructuration et d'extension du collège Armand Coussens à Saint-Ambroix à la société Etni pour un prix global et forfaitaire de 1 195 561,64 euros hors taxes. A la suite de difficultés rencontrées en cours de chantier, à l'origine d'un allongement du délai d'exécution, la société Etni a adressé au département du Gard, le 12 décembre 2014, un mémoire en réclamation dans lequel elle sollicitait, en réparation des préjudices subis, une indemnité de 437 548 euros. Cette demande a été rejetée par le département du Gard le 9 octobre 2015. A la suite de l'achèvement des travaux du marché, la société a, le 2 novembre 2016, adressé au département du Gard son projet de décompte final, lequel reprenait les demandes formulées dans le mémoire en réclamation du 12 décembre 2014. Par courrier du 18 janvier 2017, le département du Gard a notifié le décompte général du marché à la société Etni, sans faire droit à ses prétentions indemnitaires.
Sur la jonction :
2. Les requêtes présentées par la société Etni, enregistrées respectivement sous les numéros 18MA01783 et 18MA01784, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le non-lieu à statuer :
3. Il résulte de l'instruction que la demande présentée par la société Etni dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal sous le n° 1504176 et objet de la requête d'appel n° 18MA01783 avait trait aux préjudices subis ou estimés certains dans le cadre de l'exécution du marché entre le 8 décembre 2013 et le 22 décembre 2015, tels qu'ils avaient été présentés dans le mémoire en réclamation du 12 décembre 2014. Dès lors que la réparation de ces préjudices est réclamée avec l'ensemble des préjudices liés à l'exécution du marché dans le cadre de l'instance n° 18MA01784, qui concerne l'ensemble des sommes portées au projet de décompte final de la requérante et objet de sa contestation du décompte général, il n'y a plus lieu de statuer sur la première de ces requêtes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité découlant d'un éventuel ajournement du chantier :
4. Selon l'article 49 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause : " 49.1.1. L'ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 12, à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés.
Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. / Une indemnité d'attente de reprise des travaux peut être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3. et 14.4. / 49.1.2. Si, par suite d'un ajournement ou de plusieurs ajournements successifs, les travaux ont été interrompus pendant plus d'une année, le titulaire a le droit d'obtenir la résiliation du marché, sauf si, informé par écrit d'une durée d'ajournement conduisant au dépassement de la durée d'un an indiquée ci-dessus, il n'a pas, dans un délai de quinze jours, demandé la résiliation (...) ".
5. Il y a ajournement des travaux, au sens de ces stipulations, lorsque le maître d'ouvrage décide de différer leur début ou d'en suspendre l'exécution.
6. En premier lieu, si le département du Gard a, en raison de la défaillance de la société Multitec, demandé au maître d'oeuvre de prévoir la diffusion d'un ordre de service de " suspension de chantier " au cours des réunions de chantier des 22 mai 2013, 5 juin 2013, 1er juillet 2013, 10 juillet 2013, 17 juillet 2013 et 17 septembre 2013, il résulte de l'instruction, d'une part, que le maître de l'ouvrage n'a jamais formellement décidé cet ajournement des travaux, qui n'a fait l'objet d'aucun ordre de service, et, d'autre part, que l'activité des entreprises, notamment de la société requérante, s'est poursuivie pendant cette période, soit sous la forme de travaux, soit du moins sous la forme d'études d'exécution réalisées en vue de l'engagement de la phase suivante de l'opération, ainsi qu'en témoignent les comptes rendus de ces réunions de chantier, qui font état d'un avancement des travaux et de constantes directives adressées par le maître d'oeuvre aux différents intervenants. La société Etni n'est dès lors pas fondée à soutenir que les travaux auraient été ajournés, au sens des stipulations précitées, pendant cette période.
7. En second lieu, si le département du Gard a, par décision du 3 mars 2014, suspendu l'exécution des travaux jusqu'au 17 mars 2014, il soutient sans être contredit que cette décision, qui ne vise d'ailleurs explicitement que le bâtiment existant, n'a, de fait, affecté que cette seule partie du chantier et non les travaux d'extension de l'établissement, et n'a ainsi eu aucun impact sur les travaux confiés à la société Etni. Cette dernière n'apportant aux débats aucune pièce ou élément de nature à établir l'incidence de cette décision sur les parties d'ouvrages dont elle avait la charge, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que les travaux de son marché auraient été ajournés pendant cette période.
En ce qui concerne la responsabilité découlant de la faute du maître de l'ouvrage :
8. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes que, d'une part, la société CEBTP a effectué une mission de recherche d'amiante dans les locaux du collège en 2003, à la demande du département, et que, d'autre part, le rapport établi à l'issue de ces investigations conclut à la présence d'amiante dans la laine de verre des combles du bâtiment, rendant ainsi superflue une seconde mission du même type. A la suite de ce rapport, le département du Gard a décidé la passation d'un marché de désamiantage, qui a été conclu avec la société A+ Désamiantage, laquelle a établi un plan de désamiantage à exécuter avant le début des travaux, au cours des mois de juillet et août 2012, durant lesquels le collège n'était pas occupé. Bien que ce calendrier n'ait pas été respecté, il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal, corroboré par les pièces produites par les parties, que la responsabilité de ce retard incombe exclusivement aux entreprises du groupement de maîtrise d'oeuvre, à la société chargée du désamiantage, à la société chargée d'enlever les panneaux de toiture et au coordinateur de sécurité et de protection de la santé qui, d'une part, n'ont pas défini et appliqué de manière suffisamment contraignante les conditions de la coactivité entre l'entreprise de désamiantage et celle chargée de déposer les panneaux de toit et, d'autre part, n'ont pas pris en compte la nécessité de déposer la laine de verre polluée dès la préparation du plan de désamiantage. Il s'ensuit que le retard lié à ces opérations de dépollution ne saurait être regardé comme imputable à une faute du maître de l'ouvrage.
10. En deuxième lieu, si la société Multitec, chargée du lot " chauffage ventilation climatisation ", a connu des difficultés économiques à compter du début de l'année 2013, il résulte de l'instruction qu'elle n'a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde que le 25 mars 2013, qu'elle était représentée à la réunion de chantier du 22 mai 2013 et qu'elle n'a été placée en liquidation que le 27 mai 2013, mesure qui n'a d'ailleurs été portée à la connaissance du département que le 21 juin 2013. La consultation destinée à lui substituer une nouvelle entreprise a été lancée le 19 juillet 2013, le marché de substitution a été attribuée au nouveau titulaire le 23 septembre suivant et l'ordre de service de démarrage de ses travaux lui a été adressé deux mois plus tard, le 22 novembre 2013. Le maître de l'ouvrage, sur lequel ne pèse aucune obligation d'anticiper les difficultés économiques des entreprises ne faisant l'objet d'aucune procédure collective lors de la signature de l'acte d'engagement et qui, au demeurant, n'est pas à même de présumer des effets d'une procédure de sauvegarde censée, en vertu de l'article L. 620-1 du code de commerce " faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ", n'a, dès lors, commis aucune faute en ne prévoyant le remplacement de la société Multitec qu'à compter de sa liquidation et en assurant la conclusion du marché de substitution et l'engagement des travaux du nouveau titulaire de ce lot dans un délai de moins de six mois à compter de cette liquidation.
11. En troisième lieu, si la société Etni se plaint d'un allongement et d'une désorganisation du chantier trouvant leur origine, selon elle, dans un usage insuffisant des pouvoirs de direction et de coercition du maître de l'ouvrage, elle se borne à invoquer divers autres reports imputables à certains intervenants du chantier sans démontrer que ces défaillances et leurs éventuelles conséquences, sur lesquelles elle n'apporte d'ailleurs aucune précision, étaient décelables pour un maître d'ouvrage normalement diligent, et de nature à exiger l'édiction de mesures de direction ou de coercition à l'encontre des entreprises en cause.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Etni n'est pas fondée à soutenir que la prolongation de chantier dont elle demande l'indemnisation serait la conséquence d'une faute commise par le département du Gard.
En ce qui concerne le bouleversement de l'économie du marché :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 ci-dessus que le bouleversement de l'économie du marché n'est de nature à ouvrir droit à indemnité au profit du titulaire d'un marché à prix forfaitaire que s'il résulte de sujétions techniques imprévues. La société Etni ne soutenant pas avoir été confrontée à de telles sujétions, elle n'est pas davantage fondée à demander à être indemnisée sur ce fondement.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le département du Gard, que la société Etni n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les appels en garantie :
15. Aucune des parties qui formulent des appels en garantie ne supportant de condamnation, ces conclusions sont sans objet.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Etni sur leur fondement soit mise à la charge du département du Gard, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Etni, sur ce fondement, le paiement au département du Gard d'une somme de 2 000 euros.
17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des autres parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA01783.
Article 2 : La requête n° 18MA01784 est rejetée.
Article 3 : La société Etni versera une somme de 2 000 euros au département du Gard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etni, au département du Gard, à la société Boyer-Gibaud-Percheron Assus, à la société Sogea Sud, à la société Apave Sudeurope, à la société Oteis France, à la société Ingénierie Coordination et Sécurité (ICS), à la société Dekra Industrial et à Me E..., liquidateur judiciaire de la société Tégula.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2020, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme N... P..., présidente assesseure,
- M. K... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 janvier 2020.
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Nos 18MA01783, 18MA01784