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21/01/2020 | FRANCE | N°19MA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 21 janvier 2020, 19MA01765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 et des pénalités correspondantes.

Le tribunal administratif de Nice, par les articles 1 et 2 du jugement n° 1602805 du 21 février 2019, a réduit les bases de l'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 dans la catégorie des bénéfices non commer

ciaux d'un montant respectivement de 170 676,84 euros et de 59 289,32 euros et d'un mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 et des pénalités correspondantes.

Le tribunal administratif de Nice, par les articles 1 et 2 du jugement n° 1602805 du 21 février 2019, a réduit les bases de l'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux d'un montant respectivement de 170 676,84 euros et de 59 289,32 euros et d'un montant respectivement de 15 017,68 euros et de 141 961,58 euros correspondant aux rectifications restant en litige concernant les sommes portées au crédit du compte courant d'associé dans les écritures de la SARL Haras de Bory, a prononcé par l'article 3 de son jugement la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondant à la réduction des bases prononcée aux articles 1 et 2, et par son article 4 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 avril 2019 et le 12 décembre 2019, M. et Mme G..., représentés par la SCP Pommier-Cohen et Associés, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2019 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure de vérification de comptabilité de la société civile professionnelle (SCP) G... et associés, est irrégulière dès lors que Me D..., désigné mandataire ad hoc pour représenter la société, n'a pas été convoqué aux entretiens dans le cadre du recours hiérarchique et de l'interlocution départementale, ainsi qu'à la séance de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires du 19 septembre 2013 ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qui exige que le contribuable doit être informé de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus auprès de tiers concernant les rehaussements provenant des SCI Jemara, Daisy Gree, Ecrin Arquetan, Lucky Of Peynier, Fox Trot, Kalinosa, Fanny du Terroir, Frice Co New, Nathalie et Elysée Chérie ;

- s'agissant des factures de la société Compact, les frais de réception, engagés dans l'intérêt de la SCP, présentaient bien un caractère professionnel ;

- en outre, l'administration, en méconnaissance de la charge de la preuve, s'est bornée à affirmer que ces dépenses n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société ;

- M. G... était en droit de déduire la somme de 228 946,72 euros qui constitue le paiement effectif de ses charges personnelles au titre de l'année 2009 alors même que cette somme ne lui a été affectée qu'en 2010 ;

- la doctrine administrative, dont le paragraphe 160 de la doctrine référencée au BOI-BNC-SECT-70-10-10, prévoit que les dépenses engagées par l'associé, qu'elles soient payées par l'associé ou prises en charge par la société pour le compte de l'associé, sont déductibles ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont injustifiées concernant les revenus d'origine indéterminée restant en litige ;

- les rectifications proposées au titre de l'année 2009 étant contestées, ils réfutent en conséquence l'annulation du report du déficit brut global au titre des années 2010 et 2011 ;

- les rectifications proposées au titre de l'année 2010 étant contestées, aucune conséquence ne peut être tirée quant à l'imputation des déficits agricoles subis au titre de cette même année ;

- la demande de substitution de base légale ne peut être accueillie dès lors que l'imposition des sommes en litige a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il demande également, par la voie de l'appel incident, le rétablissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes résultant de l'imposition dans la catégorie des bénéfices agricoles des sommes dont les premiers juges ont censuré l'imposition dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme G... ne sont pas fondés ;

- les revenus d'origine indéterminée que le tribunal a qualifiés de bénéfices agricoles et qu'il a déduits des bases imposables, doivent y être réintégrés pour être taxés dans la catégorie des bénéfices agricoles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 notamment son article 13 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile professionnelle (SCP) G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F..., dont M. G... est associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. M. et Mme G... ont également fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. A l'issue de ces contrôles, M. et Mme G... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, au titre des années 2008 à 2011 et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2010. Ils relèvent appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à leur demande.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la société civile professionnelle :

2. En premier lieu, les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Selon l'article 60 de ce code, les sociétés mentionnées à l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels. En vertu de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, la procédure de vérification des déclarations déposées par ces sociétés est suivie avec celles-ci. Les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles, d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une proposition de rectification motivée, d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le rehaussement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

3. Il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir en vertu de l'article 60 du code général des impôts. C'est à la société que l'administration doit indiquer le montant des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications envisagées pour lui permettre de formuler ses observations avant la mise en recouvrement des impositions. Lorsque l'un des membres d'une société de personnes entend contester les bases indiquées dans la déclaration de la société ou le rehaussement des résultats de cette dernière, il peut seulement présenter une réclamation à l'administration sans pouvoir prétendre au bénéfice des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire, qui n'est suivie qu'avec la société de personnes.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...). ".

5. Pour l'application de ces dispositions, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire. Dans ce cas, l'administration n'entache pas la procédure d'imposition d'irrégularité en notifiant l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute proposition de rectification, d'accepter ou de refuser toute rectification.

6. Il résulte de l'instruction, qu'en raison des différends existant entre les associés et co-gérants de la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F..., par ordonnance du tribunal de grande instance de Nice du 15 février 2011, Me D... a été désigné en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter la société dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité a été régulièrement menée avec Me D.... Par ordonnance du tribunal de grande instance de Nice du 10 février 2012, Me D... a été désigné en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F... pour répondre à la proposition de rectification, exercer tout recours hiérarchique, saisir le conciliateur fiscal ou la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, introduire une réclamation contentieuse, saisir les juridictions administratives et judiciaires et prendre toutes initiatives et mesures appropriées à la défense des intérêts de la SCP. Ce mandat, qui ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ne comporte aucune élection de domicile auprès du mandataire. Les requérants n'établissent ni même n'allèguent que la société aurait informé l'administration fiscale de ce qu'elle ferait élection de domicile auprès de Me D.... L'administration pouvait donc, à bon droit, adresser ses courriers, à l'adresse du siège social de la société, aux " représentants légaux de la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F... ", qui n'étaient pas dessaisis de la procédure. Il n'est pas contesté que la société civile professionnelle a été convoquée pour le recours hiérarchique, le recours à l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires par courrier adressé à l'adresse de son siège social. Par suite, la société civile professionnelle a été régulièrement convoquée auprès de ces instances, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que M. G... ait été placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nice du 22 octobre 2010 avec interdiction de se rendre dans les locaux de la SCP et que Me D... n'ait pas été personnellement convoqué. Dès lors, la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F... n'a pas été privée de la garantie, offerte par la charte du contribuable vérifié, d'obtenir un débat oral et contradictoire avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis avec l'interlocuteur départemental ni de celle de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

S'agissant des sociétés civiles immobilières :

7. M. et Mme G... reprennent en appel le moyen invoqué devant les premiers juges et tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen qui ne comporte aucun élément nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 12 et 13 du jugement attaqué.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 93 du code général des impôts : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".

9. Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession. Ainsi, en estimant qu'il revenait à M. et Mme G... de justifier, par tous moyens probants, le caractère déductible des dépenses en litige, l'administration n'a pas inversé la charge de la preuve, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

10. L'administration fiscale a réintégré au résultat de la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F... au titre de l'année 2008 une somme de 73 000 euros correspondant à des factures de la société Compact pour l'organisation d'une réception au Haras de Bory, géré par Mme G.... Il résulte de l'instruction que cette réception a accueilli environ 300 personnes et s'est tenue dans les Yvelines alors que l'étude se trouve à Nice et qu'aucun gérant associé de la société n'y était présent à l'exception de M. G..., qui est également associé de la société Haras de Bory et de M. F..., qui a indiqué s'y être rendu à titre personnel en tant qu'amateur de chevaux. Par suite, M. et Mme G... n'établissent pas, par la production de documents photographiques, que les dépenses relatives à cette réception étaient rendues nécessaires par l'exercice de la profession.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le vérificateur a remis en cause le déficit de 228 946,72 euros déclaré par M. G... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Si les requérants font valoir que cette somme correspond à des charges sociales et fiscales que M. G... a dû supporter, il ressort toutefois des éléments produits que cette somme n'a été effectivement acquittée par ce dernier qu'au cours de l'année 2010 par débit de son compte courant d'associé dans les écritures de la SCP G...-Domenge-Pujol-Thuret-Alpini-Bucceri-Caflers-F... et que ce déficit n'a pas été pris en compte pour la détermination du bénéfice social de l'année 2009 dès lors que M. G... n'a reçu aucune quote-part de bénéfice au titre de cette année à la suite d'un protocole transactionnel signé le 12 septembre 2009 avec la société. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le déficit de 228 946,72 euros déclaré à ce titre par M. G... au titre de l'année 2009.

12. En troisième lieu, à supposer que les requérants aient entendu se fonder sur les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ils ne sauraient se prévaloir ni du paragraphe 160 de la doctrine référencée au BOI-BNC-SECT-70-10-10 postérieure aux années d'imposition en litige, ni des réponses ministérielles à M. A... n° 37000 publiée au Journal Officiel du 11 mai 1981 et à M. C... n° 20415 publiée au Journal Officiel du 12 avril 1999 qui prévoient que les cotisations personnelles des associés constituent une charge déductible de leur quote-part de bénéfice, même si la société les a prises en charge, qui ne donnent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

13. Enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les requérants ne sont pas fondés à contester l'annulation du report du déficit par voie de conséquence du caractère infondé des rectifications.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ".

15. S'agissant des pénalités afférentes aux revenus d'origine indéterminée de l'année 2008 restant en litige, il résulte de l'instruction que les comptes bancaires de M. et Mme G... comportaient des versements sur ses comptes bancaires de M. G... de revenus d'origine indéterminée, dont les requérants ne pouvaient ignorer l'existence ni la nécessité d'en justifier, le cas échéant, le caractère non imposable. En outre, M. G... a également nécessairement eu connaissance des sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé dont il est le titulaire dans les comptes de la société dont il est gérant et associé. Par suite, en se fondant sur ces circonstances et sur l'importance des rehaussements en cause, alors même que le montant des rehaussements a été réduit au cours du contrôle, l'administration établit suffisamment l'intention d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé des pénalités contestées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les conclusions présentées par la voie de l'appel incident :

17. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Ces dispositions autorisent l'administration à adresser au contribuable des demandes de justifications, à peine de taxation d'office pour absence de réponse, dans tous les cas où elle a réuni des éléments de nature à établir la possibilité d'une insuffisance de déclaration, et où cette insuffisance ne concerne pas les revenus d'une activité professionnelle exercée par le contribuable, imposables dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles.

18. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue.

19. Si les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, par application des dispositions combinées des articles 108 et 109 du code général des impôts, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la même présomption ne joue pas lorsque le compte courant d'associé est ouvert dans une société civile immobilière relevant de l'article 8 du même code. En effet, dans ce cas, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, lorsqu'elles résultent de prélèvements sur les résultats sociaux, le caractère de revenus imposables dans la même catégorie que celle dont relèvent ces résultats.

20. A l'issue de l'examen de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. et Mme G..., l'administration a taxé d'office comme revenus d'origine indéterminée, sur le fondement de l'article L. 69 du même livre, les sommes inscrites au crédit de leurs comptes courants d'associé détenus dans la société Haras de Bory au titre des années 2008 et 2009. Le tribunal a considéré que les résultats de cette société civile relevaient de la catégorie des bénéfices agricoles et qu'ils avaient à tort été imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Le ministre demande en appel, par voie de substitution de base légale, que les impositions contestées soient réintégrées dans la base taxable à l'impôt sur le revenu des requérants dans la catégorie des bénéfices agricoles.

21. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale valable à celle qui a été primitivement retenue, à condition que la procédure d'imposition afférente à la nouvelle base légale ait été régulièrement suivie.

22. Il résulte de l'instruction que des écarts significatifs entre les crédits figurant sur les comptes bancaires et les revenus déclarés par M. G... au titre des années 2008 et 2009 ont été mis en évidence par l'administration fiscale. Le 18 avril 2011, M. et Mme G... ont produit des copies de leurs relevés bancaires et le 11 août 2011, lors de l'entretien avec le vérificateur, le détail des crédits apparaissant sur les comptes financiers des intéressés a été examiné. L'administration a adressé, le 12 août 2011, à M. et Mme G... une demande de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et, le 28 octobre 2011, une " mise en demeure suite à une demande d'éclaircissements ou de justifications " concernant l'origine des sommes inscrites au crédit de leurs comptes courants d'associé détenus dans la société Haras de Bory. Par ailleurs, cette société, dont il est constant qu'elle relève de l'article 8 du code général des impôts, a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité pour la période du 28 octobre au 13 décembre 2011. Ainsi, les sommes en litige ont été identifiées sur les comptes courants d'associé ouverts au nom de M. et Mme G... dans les comptes de la société Haras de Bory. Ces sommes résultant de prélèvements sur les résultats sociaux sont imposables dans la même catégorie que celle dont relèvent ces résultats. Il n'est pas contesté que les résultats de la société Haras de Bory sont imposables entre les mains de ses associés à l'impôt sur les revenus dans la catégorie des bénéfices agricoles. Ainsi, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications, l'administration n'ignorait pas que les sommes en litige relevaient d'une catégorie précise de revenus et ne pouvait les taxer d'office. Les revenus étant imposables dans la catégorie des bénéfices agricoles, elle ne pouvait pas davantage mettre en oeuvre une demande de justification sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. M. et Mme G... sont donc fondés à soutenir que l'imposition des sommes en litige a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière.

23. Il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être fait droit à la demande de substitution de base légale dès lors que la procédure d'imposition suivie pour imposer les sommes en cause est, comme il vient d'être dit, irrégulière.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme G....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... G... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Maury, premier conseiller,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.

5

N° 19MA01765

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01765
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Commission départementale.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables - Sociétés de personnes.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP POMMIER, COHEN et ASSOCIES - ALISTER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-21;19ma01765 ?
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