La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2020 | FRANCE | N°16MA03458-16MA03459

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 20 janvier 2020, 16MA03458-16MA03459


Vu la procédure suivante :

I- Par une requête, enregistrée le 26 août 2016 sous le n° 16MA03458, la société ajaccienne des grands magasins (SAGM), la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Imperial Distribution, représentées par la SELARL Letang Avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Sarrola Carcopino a délivré un permis de construire à

la société Corsica Commercial Center (" 3C ") pour une surface de plancher de 58 m...

Vu la procédure suivante :

I- Par une requête, enregistrée le 26 août 2016 sous le n° 16MA03458, la société ajaccienne des grands magasins (SAGM), la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Imperial Distribution, représentées par la SELARL Letang Avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Sarrola Carcopino a délivré un permis de construire à la société Corsica Commercial Center (" 3C ") pour une surface de plancher de 58 m² en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sarrola Carcopino et de la société Corsica Commercial Center (" 3C ") une somme de 5 000 euros chacune à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les membres de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) auraient été régulièrement convoqués et auraient reçu dans le délai prescrit toutes les pièces dont la transmission est prévue par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le dossier présenté à la CNAC était imprécis, ne comprenant pas assez d'éléments relatifs à la fréquentation touristique dans la zone de chalandise, de sorte que les effets du projet sur les flux de circulation n'ont pas pu être correctement appréciés ;

- le plan présenté dans le cadre du dossier de demande ne permet pas de déterminer la nature des zones d'habitat situées dans la zone de chalandise du projet, en méconnaissance de l'article R. 752-6 du code de commerce ;

- l'étude de trafic produite, qui ne tient pas compte de l'ouverture de commerces depuis 2013, de la création projetée d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 54 846 m² à proximité de l'établissement de la société pétitionnaire et des flux de circulation générés par les touristes, ne permet pas d'avoir une vision complète et précise des flux journaliers de véhicules ;

- le projet contribue à la baisse d'attractivité du centre-ville et à la disparition de l'animation urbaine au coeur de ville et contribue à concentrer en périphérie d'Ajaccio l'activité commerciale ;

- le projet ne permettra pas de répondre aux besoins des habitants du projet immobilier de mille logements en cours de réalisation à proximité du site, dès lors que ce projet comporte lui-même la création de commerces ;

- les besoins de la population de la zone de chalandise sont largement couverts par l'offre commerciale existante et celle en cours de réalisation, de sorte que le projet procède d'une gestion déraisonnable de l'aménagement du territoire ajaccien ;

- le projet va aggraver les conditions du trafic sur les routes desservant le projet, trafic qui est déjà saturé ;

- le dossier ne comporte aucune garantie quant à la réalisation des aménagements routiers nécessaires à la desserte du projet ;

- le dossier ne justifie pas d'une desserte du projet satisfaisante par les modes de transport alternatifs, notamment par le bus ;

- le projet aboutit à une imperméabilisation accrue de surface ;

- le dossier ne fait preuve d'aucune ambition en matière énergétique et le critère du développement durable n'apparaît pas comme étant satisfait ;

- il n'existe aucune certitude sur le raccordement du terrain d'assiette du projet à la station d'épuration de Campo Dell'Oro et aucune mesure alternative n'est envisagée ;

- aucune précision n'a été fournie sur les mesures d'entretien des ouvrages de récupération des eaux de pluie, ce qui laisse craindre des risques de débordement ;

- aucune précision n'est apportée sur la gestion des déchets, laquelle ne fait l'objet d'aucune stratégie ;

- le bâtiment projeté ne s'intègre pas harmonieusement dans son environnement immédiat et lointain ;

- l'objectif lié à la protection des consommateurs n'a pas été pris en compte, notamment en termes de valorisation des producteurs locaux et en termes de mesures de prévention des éventuels effets nocifs des deux lignes à haute tension qui traversent le terrain d'assiette du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2019, la société Corsica Commercial Center (" 3C "), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'une amende de 10 000 euros soit infligée à chacune des sociétés requérantes sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de chacune de ces sociétés une somme de 10 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un non-lieu à statuer doit être prononcé, le permis délivré le 5 octobre 2016 ayant retiré le permis contesté du 30 juin 2016 ;

- la requête en tant qu'elle émane des sociétés Optique Raillard, la Brasserie du Fino, PR-Optique et Impérial Distribution est irrecevable dès lors que ces sociétés n'ont pas saisi la CNAC d'un recours administratif préalable ;

- n'étant pas situées à proximité du projet et n'exploitant aucune activité de même nature que celles autorisées par le projet, les sociétés requérantes ne disposent d'aucun intérêt à demander l'annulation du permis contesté ;

- les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués et les documents listés à l'article R. 752-35 du code de commerce ont été mis à leur disposition dans les délais requis ;

- le dossier de demande déposé devant la CNAC était complet ;

- l'argument tiré de la dévitalisation du centre-ville d'Ajaccio est inopérant, dès lors que les critères relatifs à la densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans la zone de chalandise et l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerces ne font plus partie des critères énumérés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- en tout état de cause, le projet ne contribue pas à la dévitalisation du centre-ville ;

- la réalisation des aménagements routiers prévus pour la desserte du projet était suffisamment certaine à la date de l'avis rendu par la CNAC ;

- le foncier est maîtrisé ;

- la mise en deux fois deux voies de la RT20 est en cours de réalisation ;

- le projet sera accessible aux piétons et vélos ;

- le site est desservi de façon suffisante par les bus et une navette gratuite sera mise en place depuis le centre commercial jusqu'au centre-ville ;

- la surface dédiée aux espaces verts est suffisante ;

- le projet ne méconnaît pas le critère de développement durable au regard de la performance énergétique ;

- le système de gestion des eaux usées était décrit à la date de l'avis émis par la CNAC ;

- elle a produit en annexe de son dossier de demande le dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau contenant des informations sur l'entretien des bassins de rétention ;

- le code de commerce impose seulement en matière de gestion des déchets des mesures tendant à limiter les pollutions ;

- elle a mis en place un tri sélectif ;

- le projet s'intègre dans l'environnement ;

- les producteurs locaux sont mis en valeur ;

- il n'appartient pas à la CNAC de se prononcer sur les servitudes liées à la présence de lignes à haute tension, qui seront de toute façon enfouies.

Par des mémoires en réplique, enregistrés le 10 avril 2019 et le 22 décembre 2019, la SAGM et autres concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et ajoutent en outre que :

- elles ont toutes exercé un recours administratif préalable devant la CNAC ;

- elles bénéficient d'un intérêt leur donnant qualité à demander l'annulation du permis contesté ;

- aucun non-lieu à statuer n'est à prononcer, le permis délivré le 5 octobre 2016 ne bénéficiant pas de l'autorisation d'exploitation commerciale accordée par la CNAC le 10 juin 2016 ;

- ce permis aurait dû faire l'objet d'un avis de la CNAC ;

- l'annulation par la cour de la décision de la CNAC du 17 décembre 2014 entache par voie de conséquence d'illégalité la décision de cette même commission du 12 mai 2016, décision qui porte sur la seule extension du projet initial, et entraîne l'annulation du permis du 30 juin 2016 ;

- il n'est toujours pas démontré que les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués et qu'ils ont reçu les documents prescrits par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- il n'est toujours pas démontré que le dossier de demande était complet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mai 2019, le 10 décembre 2019 et le 20 décembre 2019, la société Corsica Commercial Center persiste dans ses précédentes écritures et ajoute que :

- le permis accordé le 30 juin 2016 constitue un nouveau permis autorisant un nouveau projet, différent de celui qui a fait l'objet d'une décision favorable de la CNAC du 17 décembre 2014 ;

- le permis du 5 octobre 2016 n'emporte pas modification des surfaces commerciales, de sorte que l'avis favorable de la CNAC rendu le 12 mai 2016 lui bénéficie toujours ;

- une autorisation d'exploitation commerciale comportant des modifications substantielles est un projet distinct du projet initial, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que l'annulation de la décision du 17 décembre 2014 n'a aucune incidence.

II- Par une requête, enregistrée le 26 août 2016 sous le n° 16MA03459, la société ajaccienne des grands magasins (SAGM), la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Imperial Distribution, représentées par la SELARL Letang Avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Sarrola Carcopino a délivré un permis de construire à la société Corsica Commercial Center " 3C " pour une surface de plancher de 1 172 m² en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sarrola Carcopino et de la société Corsica Commercial Center " 3C " une somme de 5 000 euros chacune à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les membres de la CNAC auraient été régulièrement convoqués et auraient reçu dans le délai prescrit toutes les pièces dont la transmission est prévue par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- le dossier présenté à la CNAC était imprécis, ne comprenant pas assez d'éléments relatifs à la fréquentation touristique dans la zone de chalandise, de sorte que les effets du projet sur les flux de circulation n'ont pas pu être correctement appréciés ;

- le plan présenté dans le cadre du dossier de demande ne permet pas de déterminer la nature des zones d'habitat situées dans la zone de chalandise du projet, en méconnaissance de l'article R. 752-6 du code de commerce ;

- l'étude de trafic produite, qui ne tient pas compte de l'ouverture de commerces depuis 2013, de la création projetée d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 54 846 m² à proximité de l'établissement de la société pétitionnaire et des flux de circulation générés par les touristes, ne permet pas d'avoir une vision complète et précise des flux journaliers de véhicules ;

- le projet contribue à la baisse d'attractivité du centre-ville et à la disparition de l'animation urbaine au coeur de ville et contribue à concentrer en périphérie d'Ajaccio l'activité commerciale ;

- le projet ne permettra pas de répondre aux besoins des habitants du projet immobilier de mille logements en cours de réalisation à proximité du site, dès lors que ce projet comporte lui-même la création de commerces ;

- les besoins de population de la zone de chalandise sont largement couverts par l'offre commerciale existante et celle en cours de réalisation, de sorte que le projet procède d'une gestion déraisonnable de l'aménagement du territoire ajaccien ;

- le projet va aggraver les conditions du trafic sur les routes desservant le projet, trafic qui est déjà saturé ;

- le dossier ne comporte aucune garantie quant à la réalisation des aménagements routiers nécessaires à la desserte du projet ;

- le dossier ne justifie pas d'une desserte du projet satisfaisante par les modes de transport alternatifs, notamment par le bus ;

- le projet aboutit à une imperméabilisation accrue de surface ;

- le dossier ne fait preuve d'aucune ambition en matière énergétique et le critère du développement durable n'apparaît pas comme étant satisfait ;

- il n'existe aucune certitude sur le raccordement du terrain d'assiette du projet à la station d'épuration de Campo Dell'Oro et aucune mesure alternative n'est envisagée ;

- aucune précision n'a été fournie sur les mesures d'entretien des ouvrages de récupération des eaux de pluie, ce qui laisse craindre des risques de débordement ;

- aucune précision n'est apportée sur la gestion des déchets, laquelle ne fait l'objet d'aucune stratégie ;

- le bâtiment projeté ne s'intègre pas harmonieusement dans son environnement immédiat et lointain ;

- l'objectif lié à la protection des consommateurs n'a pas été pris en compte, notamment en termes de valorisation des producteurs locaux et en termes de mesures de prévention des éventuels effets nocifs des deux lignes à haute tension qui traversent le terrain d'assiette du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2019, la société Corsica Commercial Center, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'une amende de 10 000 euros soit infligée à chacune des sociétés requérantes sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et à ce que soit mise à la charge de chacune de ces sociétés une somme de 10 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête en tant qu'elle émane des sociétés Optique Raillard, la Brasserie du Fino, PR-Optique et Impérial Distribution est irrecevable dès lors que ces sociétés n'ont pas saisi la CNAC d'un recours administratif préalable ;

- n'étant pas situées à proximité du projet et n'exploitant aucune activité de même nature que celles autorisées par le projet, les sociétés requérantes ne disposent d'aucun intérêt à demander l'annulation du permis contesté ;

- les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués et les documents listés à l'article R. 752-35 du code de commerce ont été mis à leur disposition dans les délais requis ;

- le dossier de demande déposé devant la CNAC était complet ;

- l'argument tiré de la dévitalisation du centre-ville d'Ajaccio est inopérant, dès lors que les critères relatifs à la densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans la zone de chalandise et l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerces ne font plus partie des critères énumérés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- en tout état de cause, le projet ne contribue pas à la dévitalisation du centre-ville ;

- la réalisation des aménagements routiers prévus pour la desserte du projet était suffisamment certaine à la date de l'avis rendu par la CNAC ;

- le foncier est maîtrisé ;

- la mise en deux fois deux voies de la RT20 est en cours de réalisation ;

- le projet sera accessible aux piétons et vélos ;

- le site est desservi de façon suffisante par les bus et une navette gratuite sera mise en place depuis le centre commercial jusqu'au centre-ville ;

- la surface dédiée aux espaces verts est suffisante ;

- le projet ne méconnaît pas le critère de développement durable au regard de la performance énergétique ;

- le système de gestion des eaux usées était décrit à la date de l'avis émis par la CNAC ;

- elle a produit en annexe de son dossier de demande le dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau contenant des informations sur l'entretien des bassins de rétention ;

- le code de commerce impose seulement en matière de gestion des déchets des mesures tendant à limiter les pollutions ;

- elle a mis en place un tri sélectif ;

- le projet s'intègre dans l'environnement ;

- les producteurs locaux sont mis en valeur ;

- il n'appartient pas à la CNAC de se prononcer sur les servitudes liées à la présence de lignes à haute tension, qui seront de toute façon enfouies.

Par des mémoires en réplique, enregistrés le 9 avril 2019 et le 22 décembre 2019, la SAGM et autres concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et ajoutent en outre que :

- elles ont toutes exercé un recours administratif préalable devant la CNAC ;

- elles bénéficient d'un intérêt leur donnant qualité à demander l'annulation du permis contesté ;

- l'annulation par la cour de la décision de la CNAC du 17 décembre 2014 entache par voie de conséquence d'illégalité la décision de cette même commission du 12 mai 2016, décision qui porte sur la seule extension du projet initial, et entraîne l'annulation du permis du 30 juin 2016 ;

- il n'est toujours pas démontré que les membres de la CNAC ont été régulièrement convoqués et qu'ils ont reçu les documents prescrits par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- il n'est toujours pas démontré que le dossier de demande était complet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mai 2019, le 10 décembre 2019 et le 20 décembre 2019, la société Corsica Commercial Center persiste dans ses précédentes écritures et ajoute que :

- le permis accordé le 30 juin 2016 constitue un nouveau permis autorisant un nouveau projet, différent de celui qui a fait l'objet d'une décision favorable de la CNAC du 17 décembre 2014 ;

- une autorisation d'exploitation commerciale comportant des modifications substantielles est un projet distinct du projet initial, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que l'annulation de la décision du 17 décembre 2014 n'a aucune incidence.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAGM et autres, et celles de Me A..., représentant la société " 3C ".

Une note en délibéré dans chacune des instances, présentée pour la société " 3C ", a été enregistrée le 13 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Corsica Commercial Center " 3C " était titulaire depuis le 17 décembre 2014 d'une autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création d'un ensemble commercial de 13 863 m² de surface de vente, comprenant un hypermarché " Leclerc " pour 8 835 m² de surface de vente, une galerie marchande de 20 boutiques, pour 4 030 m² de surface de vente et une autre galerie marchande " déportée " de 4 boutiques, pour 749 m² de surface de vente, situé dans la zone industrielle et artisanale de Baleone dans la commune de Sarrola Carcopino, à 6 km au nord-est d'Ajaccio. La société " 3C " a déposé le 12 novembre 2015 deux demandes tendant à la modification substantielle de ce projet, portant d'une part sur l'extension de 2 077 m² de surface de vente de la galerie marchande déportée et au remplacement du magasin " Leclerc auto " par une jardinerie animalerie et d'autre part, sur l'extension de 5 000 m² de surface de vente de la galerie marchande de l'hypermarché. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) saisie a émis un avis favorable le 6 janvier 2016 sur les deux projets, confirmé par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) le 12 mai 2016. Le maire a alors délivré le 30 juin 2016 les deux permis de construire valant autorisations d'exploitation commerciale. La société ajaccienne des grands magasins (SAGM) et autres demandent à la cour statuant en premier et dernier ressort d'annuler ces permis en tant qu'ils tiennent lieu d'autorisations d'exploitation commerciale.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes n° 16MA03458 et n° 16MA03459 concernent le même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. La société " 3C " soutient qu'elle a bénéficié d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré le 5 octobre 2016 ayant retiré le permis contesté du 30 juin 2016 contesté dans l'instance n° 16MA03458 et que par suite, un non-lieu à statuer doit être prononcé sur les conclusions à fin d'annulation du permis du 30 juin 2016. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le permis délivré le 5 octobre 2016 aurait le même objet que celui délivré le 30 juin 2016, dès lors qu'il porte sans plus de précision sur des " travaux sur constructions existantes " et que la demande émane d'une société " SARL BALEO 1 " qui n'est pas la société titulaire du permis délivré le 30 juin 2016. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.

Sur la légalité des arrêtés du maire de Sarrola Carcopino du 30 juin 2016 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". La CNAC a produit en cours d'instance une attestation d'envoi des convocations par la société DEMATIS, qui exploite le site " e-convocations.com ", datée du 27 avril 2016, ainsi que copie des convocations datées du 27 avril 2016 pour une séance le 12 mai suivant, qui précisent que les documents, qu'elles listent, seront disponibles sur une plateforme de téléchargement au moins cinq jours avant la séance. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les membres de la commission nationale n'auraient pas été régulièrement convoqués à la séance du 12 mai 2016, l'absence de signature de l'attestation par DEMATIS et l'absence sur cette attestation d'éléments relatifs à son identification, tels que son numéro d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés, étant sans incidence. En outre, les sociétés requérantes n'assortissent leur moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la commission nationale, notamment leurs allégations selon lesquelles il ne serait pas démontré que les convocations auraient bien été reçues, que les documents auraient été disponibles cinq jours avant la date de la séance et que chacun des membres aurait effectivement consulté les documents mis à disposition, d'aucun élément de nature à en démontrer le bien-fondé.

5. En deuxième lieu, selon l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné : - des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; - de la population de chaque commune ou partie de commune comprise dans cette zone, de la population totale de cette zone et de son évolution entre le dernier recensement authentifié par décret et le recensement authentifié par décret dix ans auparavant ; - d'une description de la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne) et des lieux exerçant une attraction significative sur la population de la zone de chalandise, notamment les principaux pôles d'activités commerciales, ainsi que du temps de trajet véhiculé moyen entre ces lieux et le projet ; - lorsqu'il est fait état d'une fréquentation touristique dans la zone de chalandise, des éléments justifiant les chiffres avancés ". Les sociétés requérantes soutiennent que le dossier présenté à la CNAC était imprécis, ne comprenant pas assez d'éléments relatifs à la fréquentation touristique dans la zone de chalandise, de sorte que les effets du projet sur les flux de circulation n'ont pas pu être correctement appréciés. Il ressort toutefois de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale que le pétitionnaire a pris en compte le nombre de résidences secondaires et d'emplacements de camping, suivant des données 2011 de l'INSEE publiées en 2015, ainsi que des éléments chiffrés sur la fréquentation touristique analysée au regard des transports par bateaux et avions à destination de la Corse, selon des données de 2013. Dès lors, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier doit être écarté.

6. En troisième lieu, selon l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) b) Une carte ou un plan de l'environnement du projet, dans un périmètre d'un kilomètre autour de son site d'implantation, accompagné d'une description faisant apparaître, le cas échéant : - la localisation des activités commerciales (pôles commerciaux et rues commerçantes, halles et marchés) ; - la localisation des autres activités (agricoles, industrielles, tertiaires) ; - la localisation des équipements publics ; - la localisation des zones d'habitat (en précisant leur nature : collectif, individuel, social) ; - la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne) ". Contrairement à ce que soutiennent la SAGM et autres, le pétitionnaire a précisé dans le dossier de demande que les habitations les plus proches du projet se situaient à 1 km de ce dernier et qu'un programme de 926 logements était en cours de réalisation à l'intérieur de ce périmètre. Le dossier comprenait ainsi la localisation et la nature des zones d'habitat.

7. En quatrième et dernier lieu, toujours selon l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ". Il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a produit à l'appui de son dossier une étude de trafic réalisée en septembre 2015 par le cabinet d'études " EGIS MOBILITE ", prenant en compte, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, les commerces existants et également les flux de circulation générés par les touristes. Il ressort également des pièces du dossier que la CNAC a mentionné dans son rapport les projets existants mais également ceux autorisés et non encore construits, tels celui de la SARL PRIMO autorisé par la CDAC de la Corse-du-Sud le 14 septembre 2012. Il ressort ainsi des pièces du dossier que la commission nationale disposait des informations nécessaires pour se prononcer sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, notamment au regard des flux de circulation des véhicules.

En ce qui concerne l'exception tirée de l'illégalité de la décision de la CNAC du 17 décembre 2014 :

8. Par arrêt du 31 octobre 2017 devenu définitif, la cour de Marseille a annulé la décision de la CNAC du 17 décembre 2014 qui s'était prononcée sur un premier projet de la société " 3C ", au motif de ce qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la réalisation des aménagements de voirie nécessaires pour résorber l'augmentation de la circulation automobile consécutive à l'ouverture de la surface commerciale prévue par la société " 3C " était suffisamment certaine au jour de la décision de la commission nationale et que, par suite, cette commission n'avait pas correctement apprécié l'impact du projet contesté sur les flux de transports. Il ressort du rapport de la CNAC relatif à l'avis rendu par cette commission le 12 mai 2016, que cette dernière a dressé un historique du projet, a décrit les ensembles commerciaux projetés par la société " 3C ", constitués par un ensemble de 13 614 m2 de surface de vente totale composé d'un hypermarché " E. LECLERC " de 8 835 m2, d'une galerie marchande de 4 030 m2 (20 boutiques) et d'une galerie marchande "déportée" de 749 m2 (4 boutiques) et que la demande d'extension sollicitée visait à créer, dans la galerie marchande "déportée", quatre boutiques totalisant 510 m2 et une jardinerie de 2 316 m2. Il ressort de la lecture de ce rapport et de l'avis rendu que la commission a examiné l'incidence du projet global sur les critères posés par l'article R. 752-6 du code de commerce, et pas la seule incidence des modifications apportées au premier projet. La commission nationale s'étant ainsi prononcée sur le projet dans sa globalité, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'annulation par la cour de la décision de la CNAC du 17 décembre 2014 entache d'illégalité l'avis de cette commission rendu le 12 mai 2016.

En ce qui concerne la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur :

9. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

10. Selon l'article L. 752-6 du même code : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ". Aux termes de l'article R. 752-6 du même code : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; b) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement (...) 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ;b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; c) Le cas échéant, fourniture d'une liste descriptive des produits et équipements de construction et de décoration utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur (...) 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants (...) b) Le cas échéant, contribution du projet à l'amélioration du confort d'achat, notamment par un gain de temps et de praticité et une adaptation à l'évolution des modes de consommation ; c) Le cas échéant, description des mesures propres à valoriser les filières de production locales ; d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

11. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

Quant à l'aménagement du territoire :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de la CNAC, qu'en s'implantant dans la plaine de Sarrola Carcopino, les projets de la société " 3C " " s'inscrivent dans la vocation et les usages du quartier, en contrebas du futur quartier de la ZAC de Mezzana appelée à devenir " la porte d'entrée de l'agglomération ajaccienne " ". Le projet s'inscrit dans une zone de chalandise qui connaît une croissance démographique très dynamique et sa réalisation permettra de proposer notamment aux populations qui résident au nord-est de l'agglomération ajaccienne une offre complète et diversifiée. Quand bien même un projet immobilier de mille logements comportant également des commerces aurait été en cours de réalisation à proximité du site, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet litigieux, par sa localisation et son activité au regard des autres commerces, méconnaîtrait l'objectif d'aménagement du territoire, et notamment celui d'animation de la vie urbaine.

13. En deuxième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que le projet va aggraver les conditions du trafic routier, que le dossier ne comporte aucune garantie quant à la réalisation des aménagements de voirie nécessaires à la desserte du projet, lequel ne justifie enfin pas d'une desserte satisfaisante par les modes de transport alternatifs.

14. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'étude de trafic produite, que seuls 10 % des flux générés par le projet correspondent à un trafic supplémentaire sur le réseau et que la génération nette de trafic est estimée entre 90 et 120 véhicules par heure et par sens aux heures de pointe, et entre 1 500 et 2 500 véhicules par jour, deux sens confondus. L'étude a préconisé la réalisation et l'aménagement de deux carrefours giratoires : l'un, au nord, sur la RT 22, qui permettra d'accéder directement à la galerie marchande " déportée " et l'autre, au sud, sur la RD 72, qui permettra d'accéder à l'hypermarché. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni que le projet nécessiterait des aménagements de plus grande ampleur que ceux qui viennent d'être exposés, ni que les infrastructures routières et en particulier ces aménagements seraient insuffisants pour absorber le trafic supplémentaire généré par le projet.

15. La société " 3C " a produit un courrier du 9 décembre 2014 de la Collectivité Territoriale de Corse qui donne son accord de principe à l'aménagement d'un carrefour giratoire sur la RN 194, au droit du futur ensemble commercial, dont la maîtrise d'ouvrage sera assurée par la CTC elle-même et dont le financement sera pris en charge par le pétitionnaire, un courrier du 9 décembre 2014 du conseil général de la Corse-du-Sud qui accorde au pétitionnaire une permission de voirie pour la réalisation d'un accès sur la RD 72 qui devra prendre la forme d'un carrefour giratoire ayant un rayon extérieur de 20 mètres, copie de la délibération du département de la Corse-du-Sud du 26 mai 2015 par laquelle le département s'engage à réaliser le giratoire de la RD 72, et enfin une convention en date du 27 juillet 2015 signée entre le département et la société pétitionnaire fixant la participation de cette dernière au financement de l'aménagement routier pour un montant de 366 670 € HT. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les aménagements routiers prévus ne revêtent pas un caractère suffisamment certain et n'apportent pas d'élément au soutient de leur moyen tiré de ce que la maîtrise du foncier ne serait pas assurée par la société " 3C ". Enfin, le projet est également desservi par bus, deux arrêts étant situés à proximité, tandis que le projet est accessible aux piétons et vélos, des cheminements spécifiques étant prévus. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet litigieux, par le supplément de trafic qu'il va engendrer et par ses modalités de desserte, méconnaîtrait l'objectif d'aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs.

Quant à l'objectif de développement durable :

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les espaces verts représentent 20 % de la surface du terrain d'assise du projet, soit 21 500 m², et que les toitures seront végétalisées. Le projet répond aux conditions de la certification HQE et des panneaux photovoltaïques seront installés sur la toiture pour plus de 7 000 m². Le dossier de demande, auquel a été joint le dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, mentionne que le projet sera raccordé à une station d'épuration temporaire dans l'attente du raccordement à la station d'épuration de Campo Dell'Oro. Enfin, la société " 3C " a mis en place un tri sélectif, avec des zones de traitement des déchets, des zones de récupération des déchets et des bacs de collecte mis à disposition des particuliers. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet litigieux méconnaîtrait l'objectif de développement durable, notamment en ce qui concerne la limitation de l'imperméabilisation des sols, la performance énergétique des bâtiments, la limitation des pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets.

17. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet comporte un parti pris architectural constitué par la simplicité des volumes, un traitement soigné des matières et une attention particulière à la lumière naturelle. Par suite, la décision contestée ne peut être regardée comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière d'insertion paysagère et architecturale.

Quant à la protection des consommateurs :

18. Il ressort du dossier de demande que deux bâtiments, d'environ 300 m² chacun, seront destinés à l'exposition de produits régionaux et seront installés au centre du parc de stationnement de l'ensemble commercial, tandis qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux lignes à haute tension qui traversent le terrain d'assiette du projet nécessiteraient de prévoir des mesures de sécurité spécifiques.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SAGM et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation des permis de construire délivrés par le maire de Sarrola Carcopino à la société " 3C " le 30 juin 2016 en tant que ceux-ci tiennent lieu d'autorisations d'exploitation commerciale. Leurs requêtes doivent par suite être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

20. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société " 3C " tendant à ce que les sociétés requérantes soient condamnées à une telle amende ne sont en tout état de cause pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que les sociétés requérantes demandent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soient mises à la charge de la commune de Sarrola Carcopino et de la société " 3C ", qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances. Il y a lieu de mettre à la charge solidaire des sociétés requérantes, sur même fondement, la somme de 4 000 euros à verser à la société " 3C " au titre des deux instances.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SAGM et autres sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la société " 3C " présentées sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SAGM, la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique et la société Imperial Distribution verseront solidairement la somme de 4 000 euros à la société " 3C " en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ajaccienne des grands magasins (SAGM), la société PMV, la SARL Chocoshop, la SARL Guerrieri Bernard Joseph, l'EURL Cardellina, la SARL Ebana, la SARL Optique Raillard, la société La Brasserie du Fino, la société PR-Optique, la société Imperial Distribution, la société Corsica Commercial Center " 3C " et à la commune de Sarrola Carcopino.

Copie en sera adressée à la préfète de la Corse-du-Sud et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Marcovici, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 janvier 2020.

2

N° 16MA03458 - 16MA03459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16MA03458-16MA03459
Date de la décision : 20/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK ; SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK ; SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-20;16ma03458.16ma03459 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award