Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL La Favela a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600963 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, la SARL La Favela, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n°1600963 du 17 mai 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le mémoire enregistré au greffe le 12 mars 2018 postérieurement à la clôture d'instruction du 24 février 2017 n'a pas été communiqué ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, et les droits de la défense ;
- la méthode de reconstitution est excessivement sommaire et radicalement viciée ;
- le taux de pertes, offerts et consommations du personnel de 8 %, retenu par l'administration au titre de l'exercice 2008, est insuffisant et doit être égal à 11 %, soit le taux retenu pour l'exercice 2009 ;
- les pénalités ne peuvent reposer sur une méthode de reconstitution sommaire et viciée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la SARL La Favela ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL La Favela, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 7 mai 2008 au 31 décembre 2009, étendue jusqu'au 31 août 2010 pour la taxe sur la valeur ajoutée. Le service a rejeté la comptabilité comme dépourvue de valeur probante, et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires taxable ainsi que du résultat imposable de l'entreprise. A l'issue des opérations de contrôle, la société La Favela a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue par les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL La Favela a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe dont il s'agit, sa demande a été rejetée par le jugement n° 1600963 du 17 mai 2018. C'est de ce jugement dont la société relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...). ".
3. Par une ordonnance du 24 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2017. La société La Favela a déposé un nouveau mémoire le 12 mars 2018, postérieurement à la date de clôture de l'instruction. Il appartient au tribunal, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi, que de le viser sans l'analyser. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte après l'avoir visé et, cette fois, analysé, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Au cas particulier, la requérante dans ce dernier mémoire a invoqué la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Cette circonstance n'était pas au nombre de celles dont la société requérante ne pouvait faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
5. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 31 mai 2011, qu'elle indique en page 7 que les 20 octobre 2010, 25 novembre 2010, 10 décembre 2010 et 7 février 2011 l'administration a exercé son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Draguignan s'agissant de documents saisis et cotés D 627 et D 628 qui mentionnaient que Mme B... minorait les recettes de son établissement, D 621 à 626, D 541 à D 545 qui indiquaient que Mme B... effectuait des achats de marchandises qui ne figuraient pas en comptabilité et D 629 qui ajoutaient qu'une partie des salaires des employés étaient payés en espèces et n'étaient pas comptabilisés. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu l'administration a suffisamment informé la société requérante de la teneur et de l'origine des documents obtenus auprès de tiers. La double circonstance tirée de ce qu'elle n'aurait pas été informée des conditions de l'exercice du droit de communication, ni de l'identité de l'autorité ayant communiqué est sans influence, sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, la société La Favela n'est pas fondée à soutenir que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu, ni qu'elle a été privée de ses droits à se défendre, ni d'une garantie substantielle. Par ailleurs, la société n'a pas demandé la communication des pièces concernées.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
6. En premier lieu, l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dispose : " (...) Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".
7. Il n'est pas contesté et il est constant que la comptabilité présentée comportait de graves irrégularités. L'administration a effectué la mise en recouvrement des impositions conformément à l'avis émis le 21 septembre 2012 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, en application des dispositions citées, il appartient au contribuable qui supporte la charge de la preuve, d'apporter tous éléments comptables et autres, de nature à établir l'exagération des bases d'imposition retenues par le service.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a procédé à la reconstitution des recettes selon la méthode dite des vins, en déterminant le rapport existant entre le chiffre d'affaires correspondant à la vente des vins et le chiffre d'affaires total à partir des données figurant sur les tickets " Z " pour chaque exercice en litige. Le service a ensuite reconstitué le montant des achats revendus, à partir des factures d'achats, ainsi que des achats de vins non comptabilisés. Enfin, ce montant a été diminué de 8 % pour l'exercice 2008 et de 5 % pour les exercices 2009 et 2010, correspondant aux pertes, aux offerts, aux quantités utilisées en cuisine et à la consommation du personnel. Au titre de l'exercice 2009, le chiffre d'affaires reconstitué d'après la méthode des vins n'a pas été retenu, dès lors que le vérificateur a convenu avec la gérante de retenir un chiffre d'affaires d'un montant de 251 930 euros toutes charges comprises, correspondant aux recettes éludées telles que mentionnées dans la comptabilité occulte tenue par la gérante. La société requérante pour contester cette méthode indique que le taux d'offerts et de consommation du personnel de 8 % retenu pour l'année 2008 est insuffisant il revendique la prise en compte de 720 bouteilles offertes alors que le service en a retenu seulement 665, mais ce faisant elle ne justifie pas d'un taux d'offerts supérieur à celui retenu par l'administration. Pour la reconstitution des recettes de l'année 2009, la société indique que le montant des recettes retenu pour la reconstitution a pris en compte 11 % de pertes et offerts, cependant, le service n'a pas retenu cette méthode pour l'année 2009 mais a retenu les recettes dissimulées telles qu'elles ressortent des documents saisis par l'autorité judiciaire pour 251 930 euros. Par suite, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas que la méthode de reconstitution n'aurait pas tenu compte des conditions réelles d'exploitation de la société, et qu'elle devrait être regardée comme viciée dans son principe ou excessivement sommaire.
En ce qui concerne les pénalités :
9. Il résulte des points 7 et 8, que la SARL La Favela n'est pas fondée à soutenir que les pénalités en litige lui ont été infligées sur le fondement d'une reconstitution de chiffre d'affaires excessivement sommaire et radicalement viciée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Favela n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL La Favela est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Favela, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
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N° 18MA02889
mtr