Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier d'Allauch à lui verser la somme de 170 600 euros en réparation du préjudice subi au cours de l'exécution du marché correspondant au lot n° 9 " revêtements sols et murs " de l'opération de construction d'une unité de soins et d'une maison d'accueil spécialisée pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer et de réhabilitation du service de long séjour et de l'espace mortuaire.
Par un jugement n° 1606187 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, la société SCPA, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Allauch à lui verser une indemnité de 170 600 euros en réparation du préjudice subi au cours de l'exécution de son marché ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Allauch la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- les intempéries ayant affecté le chantier le 8 octobre 2008 constituaient des sujétions imprévues et ont bouleversé l'économie du marché, de telle sorte qu'elle doit être indemnisée de l'allongement de la durée du chantier ;
- l'allongement de la durée du chantier découle aussi d'une faute du maître de l'ouvrage, ce qui doit également conduire à son indemnisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2019, le centre hospitalier d'Allauch, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société SCPA en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens et demandes de la société SCPA sont infondés.
Par ordonnance du 4 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2019.
Un mémoire présenté par la société SCPA et enregistré le 20 septembre 2019 n'a pas été communiqué au centre hospitalier d'Allauch.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me F..., représentant le centre hospitalier d'Allauch.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 5 juillet 2007, le centre hospitalier d'Allauch a confié à la société SCPA les travaux du lot n° 9 " revêtements sols et murs " d'un chantier de construction incluant la réalisation d'une unité destinée aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer et d'une maison d'accueil spécialisée ainsi que la réhabilitation du service de long séjour et de l'espace mortuaire. Les ouvrages ayant été réceptionnés le 30 juin 2013, la société SCPA a, le 7 juillet 2014, adressé au maître d'oeuvre de l'opération son projet de décompte final, lequel incluait une demande indemnitaire de 170 600 euros à raison des préjudices qu'elle imputait aux conditions d'exécution du marché. Le 23 janvier 2015, le centre hospitalier d'Allauch a notifié à la société SCPA le décompte général du marché, dont il a arrêté le solde à la somme de 5 546 euros, rejetant ainsi les prétentions indemnitaires de la société. Celle-ci relève appel du jugement, en date du 10 juillet 2018, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Allauch à lui verser la somme mentionnée ci-dessus.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
3. En premier lieu, selon l'article 3.3.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les prix du marché sont hors T.V.A. et sont établis : / (...) en considérant comme normalement prévisibles les intempéries et autres phénomènes naturels indiqués ci-après : / Dans le cas de travaux extérieurs / (...) / pluie : pluie continue d'une durée supérieure à 2 heures et correspondant à une hauteur d'eau totale de 15 mm entre 7 h 00 et 18 h 00 (...) ". En vertu de l'article 4.2 du même document : " En vue de l'application éventuelle du 2° alinéa du 22 de l'article 19 du CCAG, les délais d'exécution seront prolongés d'un nombre de jours égal à celui pendant lequel au moins un des phénomènes naturels ci-après dépassera l'intensité limite figurant au tableau ci-dessous / (...). L'entrepreneur fournira le relevé correspondant de la station météorologique la plus proche (...) ".
4. Il résulte de l'instruction, et notamment des enregistrements de la station météorologique de Marseille-Dromel produits par la société requérante, qui doivent être regardés comme représentatifs des intempéries sur le chantier en vertu des stipulations précitées, que les pluies tombées le 8 octobre 2008 entre 7 h 00 et 18 h 00 ont atteint une hauteur d'eau de 36 mm et doivent, dès lors, être regardées comme constituant des sujétions imprévisibles au sens des clauses du contrat. Toutefois, si la société SCPA soutient que ces intempéries ont engendré le retard de quarante-sept mois qu'elle estime être la cause de son préjudice, elle n'établit nullement que cette unique journée de précipitation et la désorganisation du chantier qui a pu en résulter auraient, à elles seules, entraîné ce retard et imposé les frais dont elle demande l'indemnisation, qui s'élèvent à 60 500 euros pour la mobilisation d'un conducteur de travaux, 25 000 euros pour la mobilisation d'un chef d'équipe pour les travaux durant la prolongation de délai, 15 000 euros pour les frais de réunion de chantier, 15 200 euros pour les frais de compte prorata, 18 900 euros pour les frais de véhicules, 8 000 euros pour les frais de locations diverses et 28 000 euros pour les frais généraux. Il s'ensuit que la société requérante n'établit pas, en se bornant à faire état de ces réclamations correspondant à l'intégralité des retards ayant affecté le chantier, que les seules intempéries du 8 octobre 2008 auraient bouleversé l'économie du marché. Elle n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation de ce préjudice sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir la société SCPA, que l'entreprise chargée des travaux d'étanchéité avait accumulé un retard de trois mois sur le calendrier prévisionnel des travaux et que ce retard a contribué à aggraver les conséquences des intempéries survenues le 8 octobre 2008 en accentuant les dégradations des ouvrages déjà réalisés. Toutefois, il résulte également de l'instruction que ce retard incombe au premier chef à l'entreprise chargée de l'étanchéité ainsi qu'au maître d'oeuvre, dont le marché prévoyait, à l'article 1.4.1 de son cahier des clauses administratives particulières, qu'il lui revenait d'assurer la direction de l'exécution des travaux et notamment de " s'assurer du respect des délais d'exécution " et enfin au conducteur d'opération qui, en vertu de l'article 1.5.1.3 du cahier des clauses techniques particulières de son contrat, était chargé de formuler toute " proposition éventuelle de mise en oeuvre des mesures coercitives nécessaires à l'exécution du marché ". En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'attention du centre hospitalier ait été attirée sur le retard affectant les travaux de l'entreprise d'étanchéité ou que le défaut d'exécution de cette prestation dans les délais prescrits et ses éventuelles conséquences étaient décelables pour un maître d'ouvrage normalement diligent. Il s'ensuit que, eu égard à l'ampleur de ce retard et à la circonstance qu'il s'est accumulé pour l'essentiel au cours de la période estivale, pendant laquelle le risque d'intempérie est relativement faible, la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier d'Allauch a commis une faute en se dispensant de faire usage de son pouvoir de sanction à l'encontre de l'entreprise chargée des travaux d'étanchéité. Au surplus et en tout état de cause, la société requérante n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre cette éventuelle faute et la prolongation de chantier de quarante-sept mois dont elle demande l'indemnisation. Ses prétentions ne sauraient dès lors davantage prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société SCPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société SCPA sur leur fondement soit mise à la charge du centre hospitalier d'Allauch, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société SCPA, à verser au centre hospitalier d'Allauch sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société coopérative de peinture et d'aménagement (SCPA) est rejetée.
Article 2 : La société SCPA versera une somme de 2 000 euros au centre hospitalier d'Allauch au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SCPA et au centre hospitalier d'Allauch.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... G..., présidente assesseure,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
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N° 18MA04119