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02/12/2019 | FRANCE | N°19MA04271

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 02 décembre 2019, 19MA04271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1905680, 1905682 du 8 août 2019, le magistrat désigné par la p

résidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1905680, 1905682 du 8 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, Mme A... épouse D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, laquelle a bien été édictée ;

- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de Mme A... épouse D... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entrée pour la première fois en France le 25 septembre 2016, Mme A... épouse D..., née le 24 août 1989 et de nationalité albanaise, a sollicité l'octroi du statut de réfugié. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande par une décision du 17 août 2018 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 avril 2019. Par un arrêté du 29 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a constaté le rejet de la demande d'asile de la requérante par ces instances, refusé par voie de conséquence à celle-ci l'octroi de la carte de résident prévue par le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et prescrit l'éloignement de l'intéressée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. ".

3. D'une part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle. En vertu du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public et sous réserve de la régularité du séjour, à l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII du code. Le 1° de l'article L. 313-13, pour sa part, prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est, sauf menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code. Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu, ainsi qu'il a été dit au point 1, d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. Il est en revanche loisible au préfet de procéder à un tel examen.

4. D'autre part, indépendamment de l'énumération donnée par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

5. En l'espèce, il ressort tant des pièces du dossier que de la rédaction de la décision attaquée, pour maladroite que soit la formulation de son article 1er, que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est borné à vérifier, avant d'édicter l'obligation de quitter le territoire français contestée, que Mme A... épouse D..., qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour sur un fondement autre que l'asile et n'avait pas davantage manifesté sa volonté que sa situation soit examinée à un autre titre, n'entrait pas dans les catégories d'étranger susceptibles de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'une décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour aurait été prise par le préfet des Bouches-du-Rhône. Il s'ensuit que le premier juge n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en estimant n'être pas saisi d'une telle décision et en rejetant comme irrecevables les conclusions présentées contre celle-ci par Mme A... épouse D....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

7. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'attestations émanant de psychologues et de personnes chargées de l'accompagner dans ses démarches, que Mme A... épouse D... souffre de troubles post-traumatiques en raison de violences subies en Albanie, il ne ressort d'aucune de ces pièces, qui ne mentionnent pas qu'un suivi ou un traitement médical serait dispensé en France à la requérante, que celle-ci ne pourrait effectivement bénéficier d'une prise en charge adaptée en Albanie, ni que l'absence d'un tel traitement l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le retour de la requérante dans ce pays serait, du fait des traumatismes qu'elle y a vécus, de nature à engendrer à lui seul un retentissement psychologique constitutif de conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées. Mme A... épouse D... n'entre pas, dès lors, dans les catégories d'étrangers susceptibles de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées et elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit ou fait une inexacte application des dispositions précitées en édictant à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. Mme A... épouse D... fait valoir, en invoquant les violences qu'elle a déjà subies en Albanie, le risque d'être enlevée et contrainte à se livrer à la prostitution par un réseau de proxénétisme dont elle aurait déjà été la victime. Elle ne produit toutefois aucune pièce susceptible d'établir la réalité et la persistance de ce risque, qui ne ressortent pas davantage des pièces du dossier dès lors, notamment, que les faits en cause datent de plusieurs années et qu'il n'est ni soutenu ni établi que des menaces contre lesquelles les autorités albanaises ne pourraient protéger Mme A... épouse D... pèseraient toujours sur elle, quelle que soit la région d'Albanie où elle s'installerait à son retour. Il s'ensuit que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de l'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 mai 2019. Sa requête doit donc être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

11 Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... épouse D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme F... G..., présidente assesseure,

- M. E... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

2

N° 19MA04271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04271
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-02;19ma04271 ?
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