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02/12/2019 | FRANCE | N°18MA02695-18MA02997

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 02 décembre 2019, 18MA02695-18MA02997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1501003, la Société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA) a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles à lui verser la somme totale de 196 740,91 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice découlant de la prolongation de l'exécution du marché relatif au lot n° 4 du chantier de réhabilitation de l'établissement, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation.
>Par un jugement du 6 avril 2018, le tribunal a rejeté cette demande.

Par une demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1501003, la Société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA) a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles à lui verser la somme totale de 196 740,91 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice découlant de la prolongation de l'exécution du marché relatif au lot n° 4 du chantier de réhabilitation de l'établissement, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation.

Par un jugement du 6 avril 2018, le tribunal a rejeté cette demande.

Par une demande enregistrée sous le n° 1501167, la société SCPA a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre exécutoire n° 6690 émis à son encontre le 16 mars 2015 par le directeur du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles en vue de recouvrer la somme de 124 122,86 euros correspondant au solde du marché.

Par un jugement du 27 avril 2018, le tribunal a annulé ce titre exécutoire.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 11 juin 2018, 12 avril 2019 et 7 novembre 2019 sous le n° 18MA02695, le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1501003 du 6 avril 2018 en ce qu'il a refusé de faire droit à la fin de non-recevoir opposée à la demande de la société SCPA et de mettre les frais découlant des marchés de substitution à la charge de cette société ;

2°) de condamner la société SCPA à lui verser la somme de 124 122,86 euros correspondant au solde du marché ;

3°) de mettre à la charge de la société SCPA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de la société SCPA était irrecevable car tardive, cette entreprise n'ayant pas saisi le tribunal dans les six mois suivant la décision prise par l'établissement à la suite de l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société SCPA doit supporter le coût des marchés de substitution passés pour l'achèvement des ouvrages.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 février 2019 et 9 mai 2019, la société SCPA, représentée par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles à lui verser la somme de 196 740,91 euros toutes taxes comprises en règlement du marché ;

3°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier n'a pas intérêt à faire appel dès lors que le jugement attaqué rejette la demande qu'elle avait présentée au tribunal ;

- les conclusions à fin de condamnation présentées par le centre hospitalier sont nouvelles en appel et dès lors irrecevables ;

- les autres moyens et demandes de l'établissement sont infondés.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 juin 2019.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juin 2018 et 12 avril 2019 sous le n° 18MA02997, le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1501167 du 27 avril 2018 en ce qu'il a annulé le titre exécutoire émis le 16 mars 2015 ;

2°) de condamner la société SCPA à lui verser la somme de 124 122,86 euros correspondant au solde du marché ;

3°) de mettre à la charge de la société SCPA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de ce que le caractère définitif du décompte général faisait obstacle à la contestation du titre exécutoire ;

- les premiers juges se sont bornés à rejeter au fond la demande de la société SCPA sans se prononcer sur le caractère définitif du décompte général ni sur le solde du marché et ont, dès lors, statué infra petita ;

- la demande de la société SCPA était irrecevable dès lors que le décompte général du marché était définitif, six mois s'étant écoulés depuis la décision prise à la suite de l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics ;

- le décompte général étant devenu définitif, la société n'était en tout état de cause pas fondée à contester l'exigibilité et le bien-fondé du titre exécutoire ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société SCPA doit supporter le coût des marchés de substitution passés pour l'achèvement des ouvrages.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 février 2019 et 9 mai 2019, la société SCPA, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décompte général du marché n'étant pas devenu définitif, il ne pouvait faire l'objet d'un titre exécutoire ;

- les autres moyens et demandes de l'établissement sont infondés.

Par un courrier du 4 novembre 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à venir était susceptible de reposer sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires du centre hospitalier, nouvelles en appel.

Le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire du 7 novembre 2019.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juin 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du marché d'extension et de rénovation de ses locaux, le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles a confié le 28 juillet 1998 l'exécution des travaux du lot n° 4 " revêtements de sols et murs, souples et durs " à la Société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA). Par décision du 22 juin 2001, le directeur de cet établissement public de santé a prononcé la résiliation de ce marché aux frais et risques de la société SCPA et un marché de substitution a notamment été confié à la société Maison Moderne le 24 septembre 2001. Après l'achèvement des travaux, le maître d'oeuvre a notifié à la société SCPA, le 6 février 2006, le décompte de liquidation de son marché, faisant apparaître un solde débiteur de 124 122,86 euros. Le 20 septembre 2010, le directeur du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles a émis à l'encontre de cette société un titre de recettes du même montant, qui a cependant été annulé par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 juillet 2012. Le 7 septembre 2012, le maître d'oeuvre a notifié de nouveau à la société SCPA le décompte de liquidation de son marché et un second titre exécutoire, du même montant que précédemment, a été émis le 16 mars 2015.

Sur la jonction :

2. Les requêtes présentées par le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles, enregistrées respectivement sous les n° 18MA02695 et 18MA02997, sont relatives au règlement du même marché, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête n° 18MA02695 :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, devant le tribunal administratif de Toulon, le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles a conclu à titre principal à l'irrecevabilité de la demande de la société SCPA et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond. Les conclusions de l'établissement tendaient donc, en tout état de cause, au rejet de la demande de la société SCPA. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a écarté la fin de non-recevoir soulevée par l'établissement et, après avoir déterminé le solde du décompte général du marché, a rejeté au fond les conclusions de la société SCPA tendant à la condamnation du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles. Il en résulte que le jugement, qui a répondu à l'intégralité des conclusions présentées par l'établissement, a fait droit à celles-ci dès lors qu'il a rejeté la demande de la société SCPA, fût-ce seulement au fond et non pour un motif d'irrecevabilité, et fût-ce en retenant un solde négatif moins important que celui qui figurait au décompte. Si, dans l'appel qu'il forme contre ce jugement, le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles demande de constater que la demande présentée par la société SCPA était irrecevable, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont, ainsi que le soutient à bon droit la société défenderesse, pas recevables. Elles doivent dès lors être rejetées.

4. En second lieu, les conclusions à fin de condamnation présentées devant la Cour à l'encontre de la société SCPA par le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, ainsi que le fait valoir la société SCPA. Elles doivent donc également être rejetées.

Sur les conclusions incidentes de la société SCPA dans l'instance n° 18MA02695 :

5. L'appel principal formulé dans le cadre de cette instance est, ainsi qu'il vient d'être dit, irrecevable. Les conclusions présentées par la société SCPA contre le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles par la voie de l'appel incident sont dès lors elles-mêmes irrecevables.

Sur la requête n° 18MA02997 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

6. Les premiers juges ont répondu, notamment au point 8 de leur jugement, qui écarte le caractère définitif du décompte général, au moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société SCPA à l'encontre du titre exécutoire en raison de ce caractère définitif. Le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement serait à cet égard entaché d'une omission et donc insuffisamment motivé.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes des stipulations de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché litigieux : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ". En vertu de l'article 50.31 de ce cahier : " Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. ". Enfin, selon l'article 50.32 de ce cahier : " Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. ".

8. Il résulte de ces stipulations que le délai de forclusion de six mois fixé par l'article 50.32 précité ne court qu'à compter de la notification d'une décision explicite du maître de l'ouvrage à l'entreprise. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification du décompte général, la société SCPA a présenté un mémoire en réclamation le 17 octobre 2012, reçu par le centre hospitalier le 18 octobre 2012 et auquel ce dernier n'a apporté aucune réponse explicite, de telle sorte qu'aucun délai de forclusion n'a commencé à courir à l'encontre de la société SCPA pour contester ce décompte. Il en résulte que celle-ci, qui était en tout état de cause recevable à saisir le juge du contrat d'une contestation du titre exécutoire mettant le solde du marché à sa charge quand bien même ce document aurait revêtu un caractère définitif, est fondée à soutenir que c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé que, faute d'avoir acquis ce caractère, le décompte général ne constituait pas une créance liquide susceptible d'être recouvrée par la voie d'un titre exécutoire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a annulé le titre exécutoire du 16 mars 2015.

En ce qui concerne les conclusions à fin de condamnation présentées par le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles :

10. Ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. Elles ne peuvent donc qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles sur leur fondement soit mise à la charge de la société SCPA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de cet établissement, à verser à la société SCPA en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°s 18MA02695 et 18MA02997 du centre hospitalier de Brignoles sont rejetées.

Article 2 : Le centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles versera une somme de 3 000 euros à la société SCPA en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société SCPA est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Brignoles et à la Société Coopérative de Peinture et d'Aménagement (SCPA).

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... F..., présidente assesseure,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.

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Nos 18MA02695, 18MA02997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02695-18MA02997
Date de la décision : 02/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité - Intérêt pour faire appel.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL ADP - AVOCAT ; MCL AVOCATS ; SELARL ADP - AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-02;18ma02695.18ma02997 ?
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