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18/11/2019 | FRANCE | N°18MA00578

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 18 novembre 2019, 18MA00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du maire de Béziers du 14 mars 2017 relatif à l'obligation d'identification génétique des chiens dans le centre-ville de Béziers.

Par un jugement n° 1701685 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février et 24 septembre 2018, la commune de Béziers, représen

tée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2017 du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du maire de Béziers du 14 mars 2017 relatif à l'obligation d'identification génétique des chiens dans le centre-ville de Béziers.

Par un jugement n° 1701685 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février et 24 septembre 2018, la commune de Béziers, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en se fondant sur des éléments qui n'avaient pas été discutés par les parties devant lui ;

- il a estimé à tort que la mesure de police était disproportionnée ;

- les moyens soulevés par le préfet de l'Hérault ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué ne peut être fondé sur l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il vise en réalité à faciliter l'identification des auteurs d'infractions pénales ;

- il méconnaît le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme, dès lors qu'il ne précise pas ses modalités de mise en oeuvre ;

- il porte atteinte au droit au respect de la vie privée, dès lors que le dispositif requiert la collecte de données personnelles et la constitution de fichiers ;

- son article 1er méconnaît le principe de légalité des délits ;

- son article 3 méconnaît le principe de personnalité des peines ;

- il méconnaît également la liberté d'aller et de venir ;

- la mesure de police est disproportionnée ;

- le coût du dispositif est excessif ;

- les moyens d'appel soulevés par la commune de Béziers ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune de Béziers.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Béziers fait appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le déféré présenté par le préfet de l'Hérault, a annulé l'arrêté du maire de Béziers du 14 mars 2017 relatif à l'obligation d'identification génétique des chiens en centre-ville.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif, pour retenir le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de police que le préfet de l'Hérault avait invoqué devant lui, s'est fondé sur des éléments ressortant des pièces du dossier préalablement soumis à la procédure contradictoire entre les parties. Il n'a ce faisant pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° (...) le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies (...) ".

4. Les mesures de police que le maire d'une commune édicte doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à leur finalité compte tenu, notamment, des nécessités de l'ordre public et des exigences de salubrité publique.

5. L'article 1er de l'arrêté contesté prévoit que les propriétaires ou détenteurs de chiens qui font circuler leur animal sur les voies définies à l'article 4 doivent prendre toutes dispositions pour permettre son identification génétique. L'article 2 prévoit que les échantillons recueillis seront analysés génétiquement par un laboratoire attributaire d'un marché public et que les données d'identification de l'animal, également collectées par la commune, permettront d'interroger les fichiers d'identification des carnivores domestiques gérés par la société I-CAD pour identifier le propriétaire de l'animal. L'article 3 prévoit une interdiction de circuler avec un chien sur les voies définies à l'article 4 sans l'avoir préalablement fait identifier, sous la peine d'amende prévue pour les contraventions de première classe. Enfin, l'article 4 liste les voies concernées, correspondant au centre-ville de Béziers.

6. Pour justifier la mesure d'identification génétique des chiens prescrite par l'arrêté contesté, le maire de Béziers s'est fondé sur la nécessité, face aux risques, pour la sécurité et la salubrité publiques, de parvenir à identifier les chiens auteurs de morsures commises sur le territoire de la commune de Béziers dont l'identification en flagrance n'a pas été possible, les chiens en état de divagation, perdus ou errants, ayant subi des mutilations ne permettant plus d'identifier leur tatouage ou leur code transpondeur dont les propriétaires ne sont pas identifiables ainsi que les chiens dont les maîtres sont responsables des déjections non ramassées dans les lieux où leur dépôt est interdit.

7. En premier lieu, la commune n'établit pas plus en première instance qu'en appel l'existence d'un trouble à l'ordre public lié aux risques de morsures de chiens sur son territoire. Elle n'apporte pas non plus de pièces permettant d'établir l'existence de chiens errants sur la commune ayant subi des mutilations s'opposant à la lecture des méthodes d'identification classiques obligatoires en application des dispositions de l'article L. 212-10 du code rural et de la pêche maritime et ainsi à l'identification du propriétaire. Il s'ensuit qu'il y a lieu sur ces points en litige d'adopter les motifs appropriés figurant aux paragraphes 5 et 6 du jugement attaqué.

8. En second lieu et s'agissant des déjections canines, il n'est pas démontré, comme le soutient le préfet de l'Hérault dans son mémoire en défense, sans être sérieusement contredit, que l'arrêté " anti-déjection " en date du 24 mai 2016 du maire de Béziers, qui prévoit une contravention de troisième classe en cas de manquement aux obligations prescrites, ait reçu une application effective, ni que les mesures préventives constituées d'affiches de sensibilisation et de distributeurs de sachets à déjections canines soient dépourvues d'efficacité, ni que tous les moyens de prévention comme la mise en place de bornes de propreté permettant d'offrir un espace dédié aux déjections canines aient été mis en oeuvre. Par ailleurs, les pièces produites par la commune de Béziers n'apportent pas d'éléments précis et circonstanciés de nature à étayer que dans le centre-ville les déjections canines constituent des risques réels d'atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques auxquels il ne pourrait être remédié autrement que par une mesure d'interdiction de promener un chien sans avoir pris les dispositions pour permettre son identification génétique. Dans ces conditions, l'arrêté du maire de Béziers en date du 14 mars 2017 ne peut être regardé comme justifié et proportionné aux objectifs poursuivis et doit être annulé.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Béziers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du maire de Béziers.

Sur les frais liés au litige :

10. L'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il ne peut en conséquence être fait droit aux conclusions présentées par la commune de Béziers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Béziers est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Béziers et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 novembre 2019.

4

N° 18MA00578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00578
Date de la décision : 18/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-05 Police. Police générale. Salubrité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : ROTHÉ DE BARRUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-18;18ma00578 ?
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