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14/11/2019 | FRANCE | N°19MA01674-19MA01676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 novembre 2019, 19MA01674-19MA01676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803052 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête

, enregistrée le 5 avril 2019, sous le n° 19MA01674, M. D... A..., représenté par Me C..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803052 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, sous le n° 19MA01674, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 du préfet de Vaucluse ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et valant autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me C..., en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation qui révèle un défaut d'examen sérieux du dossier du requérant par le préfet de Vaucluse ;

- l'avis de l'office français de l'immigration et de l'intégration est incomplet car les éléments de procédure font défaut en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de Vaucluse a commis un détournement de procédure en attendant 21 mois pour examiner la situation de M. D... A... et en lui appliquant une procédure qui n'était pas en vigueur à la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, qui est plus restrictive que la procédure précédente ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à l'ineffectivité de l'accès aux soins pour les transsexuels au Brésil, du fait de la stigmatisation dont ils font l'objet ;

- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis de l'OFII ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à l'ostracisme dont sont victimes les transsexuels au Brésil.

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et se fonde sur la décision de refus de titre de séjour qui n'est pas elle-même suffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans que M. D... A... ait bénéficié du droit d'être entendu ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas donné lieu à un examen circonstancié de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'ostracisme dont sont victimes les transsexuels au Brésil ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, sous le n° 19MA01676, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1803052 du 20 décembre 2018 frappé d'appel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me C..., en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'éloignement comporte des conséquences difficilement réparables sur la situation de l'intéressé eu égard à la marginalisation dont sont victimes les transsexuels au Brésil, qui rendra très difficile l'accès aux soins requis par l'état de santé de M. D... A... ;

- les moyens soulevés à l'appui de la demande d'annulation sont sérieux ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation qui révèle un défaut d'examen sérieux de son dossier par le préfet de Vaucluse ;

- l'avis de l'office français de l'immigration et de l'intégration est incomplet car les éléments de procédure font défaut en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de Vaucluse a commis un détournement de procédure en attendant 21 mois pour examiner sa situation et en lui appliquant une procédure qui n'était pas en vigueur à la date de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, qui est plus restrictive que la procédure précédente ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- eu égard à la marginalisation sociale des transsexuels au Brésil, ses spécificités n'y seraient pas prises en compte comme en France ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à l'ineffectivité de l'accès aux soins pour les transsexuels au Brésil du fait de la stigmatisation dont ils font l'objet ;

- le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis de l'OFII ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à l'ostracisme dont sont victimes les transsexuels au Brésil ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et se fonde sur la décision de refus de titre de séjour qui n'est pas elle-même suffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans qu'il ait bénéficié du droit d'être entendu ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas donné lieu à un examen circonstancié de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'ostracisme dont sont victimes les transsexuels au Brésil ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant brésilien, a demandé le 6 octobre 2016 le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 16 juillet 2018, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 20 décembre 2018, dont M. D... A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 16 juillet 2018. M. D... A... demande en outre à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2018 :

3 .Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de renouvellement de titre de séjour déposée par M. D... A..., le 6 octobre 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " (...) le 3° de l'article 13 (...) entre[nt] en vigueur le 1er janvier 2017 (...) Le 3° de l'article 13 (...) s'applique[nt] aux demandes présentées après son entrée en vigueur ".

4. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour déposée par M. D... A... le 6 octobre 2016, le préfet de Vaucluse s'est prononcé en se fondant sur l'avis émis le 14 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Or la demande de M. D... A... ayant été déposée antérieurement au 1er janvier 2017, elle relevait des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction antérieure à celle issue du 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274, lesquelles prévoient que la décision du préfet se fonde non pas sur un avis émis par un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mais par le médecin de l'agence régionale de santé. Dès lors, le refus de renouvellement de titre de séjour en litige a été pris au terme d'une procédure irrégulière.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il résulte des rédactions successives du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des arrêtés du 9 novembre 2011 et du 27 décembre 2016 susvisés que les avis médicaux émis par le médecin de l'agence régionale de santé et le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration diffèrent tant dans leur méthodologie que dans leur objet, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins. Ces différences étant susceptibles d'aboutir à des avis différents, la consultation d'une autorité en lieu et place de l'autre est susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision, et en outre elle prive l'intéressé d'une garantie. Dans ces conditions, le refus de renouvellement de titre de séjour opposé par le préfet de Vaucluse ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire français sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt se prononçant sur la requête au fond de M. D... A..., il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au sursis à exécution du jugement en litige.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. D... A... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, valant autorisation de travail en application des dispositions de l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique au titre des frais qu'il a engagés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir l'indemnité au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 décembre 2018 et l'arrêté du 16 juillet 2018 du préfet de Vaucluse sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... A... aux fins de sursis à exécution du jugement du 20 décembre 2018.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de procéder au réexamen de la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. D... A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans un délai de quinze jours une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir l'indemnité au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Avignon.

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N° 19MA01674, 19MA01676

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01674-19MA01676
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : BELAICHE ; BELAICHE ; BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-14;19ma01674.19ma01676 ?
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