Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600736 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 avril 2018, le 11 avril 2019 et le 9 octobre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la base des prélèvements sociaux a été indûment majorée de 25 % ;
- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en s'abstenant de communiquer l'intégralité des procès-verbaux d'audition sur lesquels les rectifications sont fondées ;
- en s'abstenant de communiquer l'intégralité de ces procès-verbaux, l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- l'administration, en s'abstenant de communiquer l'intégralité de ces procès-verbaux, a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10 n° 210 ;
- la rectification du bénéfice social de la société à responsabilité (SARL) Ondine a été irrégulièrement établie par voie d'évaluation d'office ;
- M. A... a été privé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- M. A... ne pouvait être regardé comme le maître de l'affaire ;
- la méthode de reconstitution des bénéfices de la SARL Ondine est excessivement sommaire et radicalement viciée ;
- le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par l'article 158-7 du code général des impôts ne pouvait être appliqué pour l'établissement des prélèvements sociaux sur les revenus réputés distribués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2010, 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, résultant de rehaussements correspondant à des revenus regardés comme distribués à M. A... par la SARL Ondine. M. et Mme A... font appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 27 septembre 2019, postérieure à l'introduction de la requête, l'administratrice générale des finances publiques de la direction de contrôle fiscal sud-est a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales en litige au titre des années 2010, 2011 et 2012 à concurrence, respectivement, de 14 020 euros, 16 147 euros et 20 587 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des impositions contestées :
3. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
4. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, au cas notamment où les documents que le contribuable demande sont détenus non par l'administration fiscale, qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par l'autorité judiciaire, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. En revanche, au cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable. Cependant, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet. Peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux n'ont été communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret. Dans l'hypothèse où l'administration fiscale estime que certains documents ou certaines copies de documents qui se trouvent en sa possession et qu'elle a utilisés pour fonder un redressement ne peuvent être communiqués au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un secret protégé par la loi, il lui appartient, dans tous les cas, d'apporter des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation.
5. Par lettre du 13 février 2014, en réponse à la proposition de rectification du 19 décembre 2013, M. et Mme A... ont, par l'intermédiaire de leur conseil, sollicité la communication des documents recueillis auprès des tiers qui ont permis à l'administration d'établir les rectifications. En réponse à cette demande, l'administration, à laquelle l'autorité judiciaire avait transmis, sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, des procès-verbaux établis dans le cadre d'une information ouverte notamment pour escroquerie en bande organisée, blanchiment et corruption, a communiqué ces procès-verbaux à M. et Mme A... le 30 septembre 2014. Il n'est pas contesté que ces documents, dont il a été tenu compte pour fonder les rectifications, sont incomplets et en grande partie occultés. L'administration, qui n'a mentionné aucune information relative aux passages occultés dans la lettre du 30 septembre 2014 accompagnant ces documents, se borne à indiquer devant la Cour que les informations ainsi communiquées aux requérants étaient suffisamment explicites pour leur permettre de comprendre le procédé de la fraude à laquelle M. A... avait participé, et avait précisé dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif que les consultations et retranscriptions des procès-verbaux ont été faites par des agents assermentés. A supposer qu'elle ait entendu ainsi faire valoir que le caractère partiel de cette communication serait justifié par le respect des obligations liées au secret professionnel, elle n'a toutefois apporté aucun élément d'information sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation. Dans ces conditions, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que les obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues et, par voie de conséquence, dès lors que cette irrégularité les a privés d'une garantie alors même que M. A... était partie à l'instance pénale, à solliciter la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition auxquels ils demeurent assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du surplus des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, à hauteur respectivement des sommes de 14 020 euros, 16 147 euros et 20 587 euros.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du surplus des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1600736 du 16 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.
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N° 18MA01718
mtr