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24/10/2019 | FRANCE | N°19MA02992-19MA02993

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 octobre 2019, 19MA02992-19MA02993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1809644 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête n° 19MA02992, enregistrée le 2 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me D..., de

mande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Par un jugement n° 1809644 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête n° 19MA02992, enregistrée le 2 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour pour une durée de deux ans et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 400 euros à verser à Me D... qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, commis une erreur manifeste d'appréciation et porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et commis une erreur de droit et une erreur de fait.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par lettre du 1er octobre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour en France, en l'absence d'existence d'une telle décision.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été présentées pour Mme B... le 1er octobre 2019.

II°) Par une requête n° 19MA02993, enregistrée le 2 juillet 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me D... qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 5° de l'accord franco-algérien et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'erreur de droit et de l'erreur de fait présentent un caractère sérieux.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme B... par une décision du 24 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Baizet, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 16 décembre 1980, relève appel du jugement du 29 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 19MA02992 et n° 19MA02993, présentées pour Mme B..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français :

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pris aucune décision portant interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de Mme B.... Par suite, les conclusions d'annulation dirigées contre une telle décision sont irrecevables.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2018 :

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité algérienne, vit en concubinage depuis 2012 avec M. E..., ressortissant tunisien titulaire d'une carte de séjour valable jusqu'au 15 février 2029. Trois enfants sont nés de leur union en 2014, 2016 et 2017 et sont scolarisés en France. Dès lors que le concubin de la requérante n'a pas vocation à quitter la France, la cellule familiale ne pourrait que difficilement se reconstituer dans l'un ou l'autre des pays d'origine de Mme B... et M. E.... Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir, par ce moyen nouveau en appel, que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant précitée et que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige. Ce jugement doit être annulé pour ces motifs sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. L'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 par lequel il refuse d'accorder à Mme B... un titre de séjour, implique nécessairement, au vu des motifs qui la fondent, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait concernant la situation de l'intéressée, la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

7. Par voie de conséquence de l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois (...) pour recouvrer la somme qui lui est allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive. (...) ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me D... d'une somme de 1 500 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 octobre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me C... D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.

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N° 19MA02992 19MA02993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02992-19MA02993
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : IBRAHIM ; IBRAHIM ; IBRAHIM

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-24;19ma02992.19ma02993 ?
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