Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile de construction vente (SCCV) Immosudinvest a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1700320 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2018, la SCCV Immosudinvest, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2018 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de 30 % des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et la réduction correspondante de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, et des pénalités correspondantes ;
4°) de procéder à une compensation entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les montants de droits d'enregistrement devenus exigibles ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne peut plus exercer son droit de reprise dont la durée est fixée par le premier alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, le point de départ du délai étant le 20 décembre 2010 ;
- dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée n'était pas due initialement du fait du non-respect de l'engagement de construire, elle ne bénéficie d'aucun avantage en la déduisant ultérieurement et l'Etat n'est pas lésé dès lors que des droits d'enregistrement sont à présent exigibles ;
- elle avait le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, le mécanisme du coefficient de déduction, entré en vigueur le 1er janvier 2008, n'étant pas applicable à un ensemble immobilier acquis en décembre 2006 ;
- en application des dispositions du I de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts antérieures aux modifications introduites par le décret n° 2007-566 du 16 avril 2007, dès lors que les cessions sont intervenues au cours de la sixième année suivant celle de l'achat de l'immeuble, la déduction peut porter sur 6/20ème de la taxe sur la valeur ajoutée initialement payée ;
- en tout état de cause, en application de l'article 291 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée effectivement supportée doit être admise en déduction du montant des droits d'enregistrement devenus exigibles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de ce que la taxe sur la valeur ajoutée effectivement supportée devrait compenser les droits d'enregistrement au titre de la même opération est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par la SCCV Immosudinvest ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SCCV Immosudinvest.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte du 20 décembre 2006, la SCCV Immosudinvest a procédé à l'acquisition d'un ensemble immobilier qui a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions, alors en vigueur, du 7° de l'article 257 du code général des impôts dès lors qu'elle s'engageait à construire un immeuble neuf dans le délai de quatre ans et a déduit, la même année, la taxe correspondante. Elle a ensuite revendu cet ensemble en plusieurs opérations à compter de l'année 2008, notamment par cinq actes de ventes en 2012, ces dernières mutations n'étant pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que les biens vendus sont déclarés achevés depuis plus de cinq ans.
2. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notamment remis en cause la déduction de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la SCCV Immosudinvest avait procédé en 2006, à la suite de cette acquisition. Celle-ci fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'impôt :
3. En premier lieu, la durée du délai de reprise dans lequel l'administration peut exercer son droit de reprise en matière de taxe sur la valeur ajoutée est, dans tous les cas, celle qui résulte de la législation en vigueur à la date d'exigibilité de la taxe.
4. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts applicable au présent litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) Sont notamment visés : a) (...) les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte qui constate l'opération, l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport obtient le permis de construire ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles (...) ". L'article 1594-0 G du même code applicable au présent litige dispose que : " Sont exonérés (...) de droits d'enregistrement : / A. I. Lorsqu'elles entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, les acquisitions : 1° De terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis (...) II. Cette exonération est subordonnée à la condition : / 1° Que l'acte d'acquisition contienne l'engagement, par l'acquéreur, d'effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte les travaux nécessaires, selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles (...) ". Aux termes de l'article 290 de l'annexe II au même code, alors en vigueur : " Pour les actes constatant soit des ventes, soit des apports en société de terrains à bâtir ou de biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G du code général des impôts (...), l'exonération (...) de droits d'enregistrement prévue à ce texte est subordonnée aux conditions, formalités et justifications visées au A de l'article 1594-0 G précité (...) ". L'article 291 de la même annexe, alors en vigueur, dispose que : " Lorsque les conditions prévues à l'article 290 ne sont pas remplies, les actes ayant bénéficié de l'exonération visée audit article sont soumis (...) aux droits d'enregistrement dans les conditions de droit commun. / Toutefois, la taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de l'opération constatée par les actes considérés est admise en déduction de ces impositions dans la limite de leur montant, à moins qu'elle n'ait déjà fait l'objet d'une déduction à l'occasion d'une nouvelle mutation du même immeuble ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsque l'engagement de construire dans le délai de quatre ans n'a pas été respecté par l'acquéreur, l'opération d'acquisition du terrain placée sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée est soumise de plein droit au régime des droits d'enregistrement.
5. En l'espèce, la SCCV Immosudinvest n'a pas respecté l'engagement qu'elle avait pris dans l'acte de vente du 20 décembre 2006 d'effectuer, dans un délai de quatre ans, les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf. Ainsi, à la date du 20 décembre 2010, l'opération d'acquisition du terrain est devenue soumise de plein droit au régime des droits d'enregistrement, excluant par voie de conséquence l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée.
6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) III. A cet effet, les assujettis, qui sont autorisés à opérer globalement l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenus de procéder à une régularisation : (...) b) Lorsque l'opération n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ". L'article 207 de l'annexe II au même code dispose que : " (...) III. 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : 1° Lorsqu'il est cédé ou apporté (...) VI. Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ". Ainsi, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le prix d'une opération n'est déductible que dans le cas où cette opération est elle-même soumise à cette taxe. L'opération d'acquisition du 20 décembre 2006 n'étant plus soumise à la taxe sur la valeur ajoutée le 20 décembre 2010, la SCCV Immosudinvest était tenue de procéder à une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée à tort déduite lorsque les biens ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à la taxe. Le reversement était donc exigible au moment de la revente en 2012.
7. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ". Par suite, l'administration pouvait exercer son droit de reprise jusqu'au 31 décembre 2015 et la SCCV Immosudinvest n'est pas fondée à soutenir que, lorsqu'elle a reçu la proposition de rectification du 1er décembre 2015, ce droit était prescrit.
8. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la SCCV Immosudinvest supporterait une charge fiscale excessive dès lors que l'achat réalisé le 20 décembre 2006 est à présent soumis aux droits d'enregistrement est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition contestée.
9. En troisième lieu, l'administration a fait référence, dans la proposition de rectification du 1er décembre 2015, aux dispositions de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts relatives aux modalités de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à compter du 1er janvier 2008. Il résulte cependant de l'instruction, notamment de cette proposition, que l'administration n'a pas fait usage de ces dispositions pour fonder la rectification contestée dans la présente instance.
10. En quatrième lieu, les dispositions du I de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, antérieures aux modifications introduites par le décret n° 2007-566 du 16 avril 2007, sont applicables aux cessions d'immeubles intervenues avant le 1er janvier 2008 qui ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, l'assujetti étant alors redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite. En l'espèce, la SCCV Immosudinvest, qui a acquis les biens en litige le 20 décembre 2006 et les a partiellement revendus entre les mois de janvier et d'avril 2012, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions qui ne sont plus en vigueur.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". L'article L. 204 du même livre dispose que : " La compensation peut aussi être effectuée ou demandée entre les impôts suivants, lorsque la réclamation porte sur l'un d'eux : / 1° A condition qu'ils soient établis au titre d'une même année, entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution prévue à l'article 234 nonies du code général des impôts, la taxe sur les salaires, la taxe d'apprentissage, la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction. / 2° Entre les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière exigible sur les actes qui donnent lieu à la formalité fusionnée en application de l'article 647 du code général des impôts et les droits de timbre, perçus au profit de l'Etat ". Enfin, aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". Les articles L. 203 et L. 204 du livre des procédures fiscales ne prévoient pas la possibilité de demander au juge de l'impôt de procéder à une compensation entre la taxe sur la valeur ajoutée et les droits d'enregistrement. Par suite, la SCCV Immosudinvest ne peut utilement demander qu'il soit procédé à une telle compensation en conséquence de l'application de l'article 291 de l'annexe II au code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV Immosudinvest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SCCV Immosudinvest au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCCV Immosudinvest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction vente Immosudinvest et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. A..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
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N° 18MA02598
mtr