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15/10/2019 | FRANCE | N°18MA00898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 octobre 2019, 18MA00898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de recettes d'un montant de 201 500,96 euros émis à son encontre le 21 janvier 2016 par l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et de mettre à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrati

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Par un jugement n°1600675 du 26 décembre 2017, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de recettes d'un montant de 201 500,96 euros émis à son encontre le 21 janvier 2016 par l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et de mettre à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1600675 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2018 et le 27 mars 2019 la SCEA Méditerranée, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1600675 du 26 décembre 2017 ;

2°) d'annuler le titre de recettes émis par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 21 janvier 2016, et d'ordonner la restitution de la somme de 201 500,96 euros ;

3°) de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que :

- le titre de recettes est insuffisamment motivé ;

- la procédure contradictoire a été méconnue ;

- FranceAgriMer ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait perçu de la part d'organismes producteurs le montant de l'aide litigieuse ;

- elle n'est pas tenue à l'obligation de restitution des aides, l'activité de production de fruits ayant cessé.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2019 et le 29 mars 2019, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me B... conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la SCEA Méditerranée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, devenue communauté européenne ;

- le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ;

- le règlement du conseil n° 784/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement CE n° 659/1999 du Conseil ;

- la décision n° C 29/05 de la Commission des Communautés européennes du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plan de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;

- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne n° T-139/09, T-328/09 et T-243/09 du 27 septembre 2012 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a émis le 21 janvier 2016 à l'encontre de la SCEA Méditerranée un titre de recettes d'un montant de 201 500,96 euros correspondant aux aides qui lui ont été versées ainsi qu'aux SCEA La Bohémienne, Mas de Canaux et de Fabrègues au titre des années 1998 à 2002, assorties des intérêts. La SCEA Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler ce titre de recettes, et par jugement n° 1600675 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. C'est de ce jugement dont la requérante relève appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du titre de recettes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

3. Il résulte de l'instruction que la SCEA Méditerranée a été destinataire le 26 mai 2015 d'un courrier l'informant de la mise en oeuvre de la procédure de récupération des aides versées au titre des " plans de campagne " entre 1998 et 2002. Elle a été invitée à faire connaître ses observations, et un entretien a eu lieu le 5 juin 2015 au cours duquel la SCEA Méditerranée a été informée de ce qu'elle était redevable des montants dus par les autres SCEA. Des échanges de courriers ont eu lieu entre le 22 juin 2015 et le 6 juillet 2015, date à laquelle FranceAgriMer a émis un premier titre de recettes à l'encontre de la société requérante, d'un montant de 266 497,41 euros. La SCEA Méditerranée a transmis le 6 août 2015 à l'administration l'état des parts des cotisations professionnelles versées par elle et par les trois autres SCEA concernées par le reversement de l'aide, et a formé le 14 septembre 2015 un recours gracieux contre le titre de recettes auquel il a été répondu le 1er octobre suivant. Ainsi la SCEA Méditerranée qui a été mise à même de présenter ses observations écrites avant l'émission du titre de recettes en litige, n'est pas fondée à soutenir que la procédure contradictoire n'a pas été respectée alors même qu'un deuxième titre a été émis à la suite de ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure du contradictoire ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ".

5. L'ordre de reversement mentionne la somme due par la SCEA Méditerranée en indiquant que cette somme correspond aux " aides plans de campagne jugées incompatibles avec le droit communautaire ", est jointe à cet ordre de reversement une fiche de liquidation sur laquelle, après le visa de la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, est précisé que sont concernées les aides versées dans le cadre des " plans de campagne " entre 1998 et 2002, le montant des aides publiques, celui des parts professionnelles, celui des cotisations versées dont la société requérante a demandé le remboursement ainsi que le montant des intérêts arrêté au 31 décembre 2015. Une fiche annexe mentionne année par année, le montant des sommes reçues par la société requérante et par chacune des trois SCEA qu'elle a ensuite absorbées, la nature de chaque production (abricots, pommes, pêches, nectarines) de la part du groupement de producteur " syndicat OP 84 " ainsi que le mode de calcul des intérêts. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à la société requérante d'être informée des bases de la liquidation et pouvoir en contester le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ce titre de recettes doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

6. En premier lieu, selon le point 48 de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne : " Cependant il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l'initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles. ". Aux termes du point 84 de cette même décision : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière. ".

7. Compte-tenu de ce qui vient d'être dit au point 5, le producteur membre d'une organisation de producteurs ayant reçu les aides dont il s'agit est présumé en être le bénéficiaire. La SCEA Méditerranée et les trois autres SCEA ont signé le 25 juin 2015, pour son compte et celui de chacune de ces sociétés, une demande de remboursement des cotisations ayant servi au financement des actions professionnelles des " plans de campagne ". Dès lors, FranceAgriMer a pu sans commettre d'erreur de droit désigner la SCEA Méditerranée comme destinataire final. Le moyen tiré de ce que FranceAgriMer ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait perçu de la part d'organismes producteurs le montant de l'aide litigieuse doit être écarté.

8. En second lieu, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, lorsqu'une entreprise ayant bénéficié d'une aide d'Etat illégale est rachetée au prix du marché, c'est-à-dire au prix le plus élevé qu'un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, notamment après avoir bénéficié d'aides d'Etat, l'élément d'aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d'achat. Dans de telles conditions, l'acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d'un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché. Il convient, en application de ces principes, de vérifier si les conditions financières de la cession ont été conformes aux conditions du marché.

9. Il résulte de l'instruction que les SCEA La Bohémienne, Mas des Canaux et de Fabrègues ont été radiées du registre du commerce et des sociétés le 23 décembre 2005 à la suite d'une opération de fusion absorption par la SCEA Méditerranée. La société requérante soutient, sans l'établir, qu'elle n'exercerait plus l'activité pour laquelle les aides ont été versées, elle ne produit toutefois aucun élément qui lui permettrait de justifier que les conditions financières dans lesquelles s'est déroulée la fusion absorption de ces trois SCEA ont été conformes aux conditions du marché. La circonstance que les sociétés absorbées et elle-même auraient cessé l'activité qu'elles exerçaient est sans influence sur l'obligation faite à la France de récupérer les aides, les bénéficiaires de l'aide ayant vu leur situation concurrentielle s'améliorer. Ainsi, le moyen tiré de ce qu'elle n'est pas tenue à l'obligation de restitution des aides en cause, ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de La SCEA Méditerranée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Méditerranée et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

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N° 18MA00898

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00898
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE NEUILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-15;18ma00898 ?
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