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04/10/2019 | FRANCE | N°18MA01980-18MA02314

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 04 octobre 2019, 18MA01980-18MA02314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 août 2015 par lequel le préfet de la Lozère a autorisé la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 à exploiter huit éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Le Born et Pelouse (Lozère).

Par un jugement n° 1600610 du 20 mars 2018, le tribunal a

dministratif de Nîmes a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 août 2015 par lequel le préfet de la Lozère a autorisé la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 à exploiter huit éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Le Born et Pelouse (Lozère).

Par un jugement n° 1600610 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Sous le n° 18MA01980, par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 avril 2018 et le 21 février 2019, la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et autres devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de chacune des associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive et par suite irrecevable ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'autorisation en litige portait atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 janvier 2019 et le 8 mars 2019, les associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère ", représentées par la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive au regard des indications erronées mentionnées dans l'arrêté en litige ;

- l'autre moyen soulevé par la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 n'est pas fondé.

II°) Sous le n° 18MA02314, par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et autres devant le tribunal administratif de Nîmes.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'autorisation en litige portait atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019 et le 8 mars 2019, l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et autres, représentées par la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur demande de première instance n'était pas tardive au regard des indications erronées mentionnées dans l'arrêté en litige ;

- le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ratifiée par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance ;

- le décret n° 2018-797 du 18 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 et de Me A..., représentant l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et autres.

Une note en délibéré présentée pour la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 a été enregistrée le 27 septembre 2019 dans l'instance n° 18MA01980.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Lozère a autorisé, par un arrêté du 25 août 2015 pris en application de la législation sur les installations classées, la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 à exploiter huit éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Le Born et Pelouse. Par un jugement du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et de trois autres associations, annulé cet arrêté. La société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 et le ministre chargé de la transition écologique et solidaire relèvent appel de ce jugement.

2. Les requêtes de la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 et du ministre chargé de la transition écologique et solidaire sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 mars 2018. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les règles applicables au litige :

3. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". Selon l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée relative à l'autorisation environnementale ratifiée par l'article 56 de la loi du 10 août 2018 susvisée : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre (...) du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du (...) chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

4. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'était avant elle l'autorisation délivrée au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond applicables aux autorisations environnementales au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

5. Par ailleurs, lorsqu'il estime qu'une autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

6. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que, si les installations projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus d'autorisation d'exploitation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'exploitation de l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette autorisation compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

8. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Lozère du 25 août 2015, le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur la circonstance que l'implantation du parc éolien en litige, composé de huit éoliennes d'une hauteur maximale de 150 mètres, sur le plateau du Palais du Roi, avait une incidence notable sur les paysages en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement. Il résulte toutefois de l'instruction que le plateau du Palais du Roi, site dans lequel doit être réalisé le projet de parc éolien, est couvert en grande partie d'une zone forestière dense de résineux et de tourbières, présentant des enjeux paysagers modérés, sans contrainte significative, ainsi que le relevait le schéma régional éolien de Languedoc-Roussillon. Si le projet présente des covisibilités avec la retenue d'eau artificielle de Charpal et " Le Truc de Fortunio ", cette retenue est bordée d'une forêt de conifères faisant l'objet d'une exploitation sylvicole et " Le Truc de Fortunio ", point culminant de la Margeride, est équipé à son sommet d'une tour de diffusion télévisuelle d'une hauteur de 105 mètres, élément qui atténue le caractère remarquable du site. La circonstance que le plateau du Palais du Roi est compris dans la zone spéciale de conservation Natura 2000 " plateau de Charpal ", dans la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II " Montagne et la Margeride et plateau du Roi " et qu'il est situé à proximité immédiate de la ZNIEFF de type I " lac de Charpal " n'est pas, par elle-même, de nature à établir que le projet contesté porterait atteinte aux paysages naturels environnants. Si l'autorité environnementale a relevé que le parc éolien en projet serait " très prégnant dans le paysage ", en particulier depuis le lac de Charpal, elle a néanmoins relevé que les enjeux environnementaux du projet, notamment ses effets sur le paysage, étaient bien identifiés et pris en compte, soulignant l'aspect régulier de la distribution des éoliennes, de nature à permettre leur insertion dans le paysage, sans effet de surplomb compte tenue de la distance de 2,5 Km séparant les installations de la retenue d'eau. Par ailleurs, si les éoliennes offrent un nouvel axe de vue depuis " Le Truc de Fortunio ", elles sont situées sous la ligne d'horizon et n'entrent pas en concurrence avec le paysage environnant, l'implantation régulière et rectiligne du projet permettant d'assurer son insertion dans le site. Au demeurant, la commission départementale de la nature et des sites a émis le 19 juin 2015 un avis favorable au projet après avoir pris en considération la circonstance que l'éloignement des habitations et le caractère déjà artificialisé du site constituaient des éléments favorables et que le paysage du quotidien était peu impacté.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté du préfet de la Lozère du 25 août 2015, sur ce que l'autorisation délivrée comportait des inconvénients tels pour la protection des paysages qu'elle méconnaissait les prescriptions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement.

10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association " Les Robins des Bois de la Margeride " et les trois autres associations devant le tribunal administratif de Nîmes.

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté du préfet de la Lozère du 25 août 2015 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie :

S'agissant de la composition du dossier de demande d'autorisation :

11. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date de l'autorisation : " La délivrance de l'autorisation, pour ces installations (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Les dispositions de l'article R. 512-3 du code de l'environnement applicables à la date de délivrance de l'autorisation attaquée exigeaient que le dossier de demande comporte, en vertu du 5° de ce dernier article, " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Les éléments du dossier de demande devaient par ailleurs figurer dans le dossier soumis à enquête publique en vertu des articles L. 512-1 et R. 123-6. Une telle insuffisance du dossier de demande entraîne, au regard de ces règles de droit, un défaut d'information du public, qui est susceptible d'entacher la légalité de la décision. Il appartient au juge de déterminer si, dans les circonstances de l'espèce, elle a eu un tel effet.

12. Les règles de composition du dossier ont été modifiées par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, ensuite modifié par le décret du 18 septembre 2018, en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir.

13. En application des règles rappelées au point 4, la circonstance que les règles de composition du dossier de demande aient évolué, en l'espèce dans un sens favorable au demandeur, ne dispense pas ce dernier de l'obligation de régulariser le vice qui affectait la composition de son dossier, à la date de la délivrance de l'autorisation attaquée. S'il est établi que l'autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l'autorisation, les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, la régularisation peut être regardée par le juge comme acquise, sous réserve que le caractère incomplet du dossier d'enquête publique n'ait pas été de nature à nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou à exercer une influence sur les résultats de l'enquête.

14. En l'espèce, le dossier présenté par le pétitionnaire à l'autorité préfectorale et soumis à enquête publique comportait un document relatif aux capacités techniques de l'exploitant qui se référait aux moyens de sa société mère et à son expérience acquise au regard des trente-trois parcs éoliens déjà construits et exploités par cette dernière. Ce document énonçait de manière suffisamment précise les moyens tant humains que techniques que la société la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 entendait mettre en oeuvre pour l'exploitation des éoliennes. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance des informations relatives aux capacités techniques dans le dossier de demande manque en fait et doit être écarté.

15. Le dossier de demande soumis à enquête publique comportait également une rubrique intitulé " capacités financières " assortie de trois annexes, intitulées respectivement " présentation de la structure contractuelle du projet ", " investissement et plan de financement " et " plan d'affaires ". Il en ressortait que le montant de l'investissement prévu par la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 s'établissait à 48 813 802 euros financé à hauteur de 30,02 % sur capitaux propres et de 69,88 % par emprunt bancaire. La demande précisait que la société était détenue à .... Etait également joint un compte de résultat prévisionnel de la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 sur les 21 années à venir faisant apparaître le chiffre d'affaires, les différentes charges d'exploitation, ainsi que la capacité d'autofinancement de la société pour chacun des exercices prévisionnels en cause. Cette projection était fondée sur une estimation de la production d'électricité et le tarif réglementaire de rachat de cette énergie par EDF, circonstance qui conférait aux prévisions financières de la société un caractère réaliste.

16. Au regard, d'une part, de la nature du projet et de son coût estimé, et d'autre part, des éléments mentionnés au point précédent, la seule circonstance que la société n'a pas joint à sa demande un engagement ferme de financement d'un établissement bancaire, ne permet pas de retenir qu'elle n'a pas justifié, en l'espèce, de manière suffisamment précise de ses capacités financières pour conduire son projet et satisfaire aux obligations résultant de l'application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

17. Néanmoins, dans la mesure où le pétitionnaire ne disposait pas lui-même du capital lui permettant de financer le projet en cause, il lui appartenait de justifier d'un engagement précis de sa société mère de mettre à la disposition de sa filiale les financements nécessaires à la conduite du projet. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel document aurait été versé au dossier de demande d'autorisation.

18. Toutefois, postérieurement à la délivrance de l'autorisation, le pétitionnaire a complété sa demande en produisant une lettre du 6 décembre 2017 de la société Windwärts Energie GmbH, signée des deux gérants de la société mère, par laquelle celle-ci s'engageait de manière ferme et définitive à mettre à la disposition de sa filiale, à sa seule demande, les financements nécessaires à la conduite du projet à hauteur de 100 % en fonds propres pour assurer la construction, l'exploitation, la maintenance et le démantèlement du parc éolien. Au regard de la nature du projet, de son coût estimé, des capacités de la société mère, ces éléments étaient, en l'espèce, suffisants pour justifier des capacités financières du pétitionnaire à mener à bien son projet. Dans la mesure où il n'est pas contesté que l'autorité administrative compétente a reçu, postérieurement à l'autorisation, ces éléments qui manquaient au dossier de demande initialement déposé, la société doit être regardée comme ayant procédé sur ce point à sa régularisation.

19. Si la lettre du 6 décembre 2017 ne figurait pas au dossier d'enquête publique, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la population aurait reçu une information erronée quant aux moyens réels dont disposait l'auteur de la demande. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu, en particulier, de la nature des observations émises au cours de l'enquête publique qui portaient presque exclusivement sur l'impact du projet sur les paysages et l'environnement et alors qu'aucune des nombreuses personnes ayant participé à cette consultation n'a mis en cause l'insuffisance des informations relatives aux capacités financières de la société, il n'est pas établi que le caractère incomplet du dossier aurait nui à l'information du public, ni encore qu'il aurait été susceptible d'exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Il en résulte que le caractère incomplet du dossier n'a pas, dans ces circonstances, affecté la légalité de la décision.

S'agissant de l'étude d'impact :

20. Le projet litigieux, qui correspond à un parc éolien comportant des aérogénérateurs dont le mât a une hauteur supérieure à 50 mètres, est soumis à autorisation au titre de la législation sur les installations classées sur le fondement de la rubrique n° 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. La rubrique 1 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet à l'obligation de réaliser une étude d'impact les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes de l'article R. 512-6 du même code : " I.- A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ". Selon l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version en vigueur du 1er juin 2012 au 15 août 2016, applicable en l'espèce : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés (...) ; / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : / 1° L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 2° Les mesures réductrices et compensatoires mentionnées au 7° du II de l'article R. 122-5 font l'objet d'une description des performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie ; (...) ".

21. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant aux chiroptères et à l'avifaune :

22. S'il est fait grief à l'étude d'impact de ne pas avoir analysé les effets cumulés des différents projets éoliens du secteur sur les chiroptères, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'en raison de l'éloignements des autres projets distants de 5 à 7 kilomètres du site en cause et d'autre part du rayon d'action des espèces fréquentant le site, l'incidence prévisible de tels effets n'est nullement établie. Dans cette mesure, une telle analyse ne se justifiait pas dans l'étude d'impact. Par suite, son absence n'a pu, en tout état de cause, nuire à l'information de la population et entacher d'irrégularité la procédure d'adoption de l'arrêté en litige. Par ailleurs si l'étude d'impact a mis en évidence le risque de mortalité des chiroptères fréquentant le site sous certaines conditions de vent et de température correspondant à leur période d'activité, elle a également prévu à titre de mesures correctives le bridage des aérogénérateurs au cours de ces mêmes périodes.

23. L'étude d'impact analyse les effets du projet sur les espèces d'oiseaux à grand territoire recensées dans la zone de protection spéciale (ZPS), distante de plus de 10 kilomètres du projet, qu'il s'agisse de l'alouette lulu, du circaète Jean-le-Blanc, de l'engoulevant d'Europe, du vautour fauve ou du pic noir. Il n'est nullement établi que ce recensement serait incomplet ni que l'impact du projet sur ces espèces aurait été sous-estimé.

Quant aux effets du projet sur les reptiles et les amphibiens :

24. Si l'autorité environnementale a relevé que la période de recensement des reptiles et des amphibiens, effectué lors de 3 sorties en septembre 2013 n'était pas optimale, il résulte de l'instruction que cette opération a été effectuée en complément de 22 autres sorties effectuées entre les mois d'octobre 2010 et septembre 2011 dont les résultats étaient joints à l'étude d'impact. A supposer que le recensement effectué n'ait pas été exhaustif, l'étude d'impact devait seulement analyser les caractéristiques essentielles du milieu naturel et l'évolution prévisible des espèces résultant de la réalisation du projet. Des mesures ont ainsi été prévues, selon les indications de l'étude d'impact, pour limiter, supprimer ou compenser l'impact des travaux, sur les amphibiens, notamment dans le cas de l'éolienne n° 1 située à 240 mètres d'une mare et de l'éolienne n° 4 qui doit être implantée à une centaine de mètres d'une zone humide. Ainsi, l'étude d'impact était sur ce point suffisante, qu'il s'agisse tant de la description de l'état initial que des mesures compensatoires destinées à assurer la préservation de la population des reptiles et amphibiens.

Quant aux insuffisances alléguées de l'analyse des impacts sur les landes sèches et les zones humides :

25. Contrairement aux allégations des associations requérantes, l'analyse du milieu des landes sèches et des tourbières a été effectuée dans l'étude floristique qui fait une description précise de ces deux milieux. Cette analyse est complétée par un examen de l'impact de chacune des implantations d'éoliennes sur les milieux concernés, duquel il ne ressort aucun impact significatif sur les landes sèches. Par ailleurs, s'agissant des éoliennes implantées à proximité des tourbières, cette étude présente des mesures spécifiques. Elle détaille notamment les mesures de protection devant être prises lors de la réalisation des tranchées pendant la phase des travaux permettant à la fois l'écoulement des eaux et le captage des sédiments. Il résulte enfin de l'étude d'impact que les câbles seront implantés sur des zones déjà aménagées, notamment les emprises de voies de circulation selon un tracé permettant d'éviter les zones humides.

Quant aux incidences sur les espaces de loisirs et l'impact économique du projet :

26. Si les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement prévoient que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets négatifs et positifs du projet sur l'environnement, et notamment sur les espaces de loisirs, l'impact du projet sur l'activité économique n'est pas au nombre des effets qui doivent faire l'objet d'une analyse en vertu des dispositions du 3° du II de cet article. Dès lors, la circonstance alléguée que l'étude d'impact ne comporterait pas d'analyse des incidences économique du projet ne peut être utilement invoquée.

27. Par ailleurs, l'étude d'impact du projet comporte des développements détaillés sur le lac Charpal en tant que lieu touristique et espace de loisir portant tant sur la description de l'état initial du site que sur l'analyse des incidences du projet sur le tourisme local, retracés pages 360 à 363 de l'étude. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point, manque en fait.

Quant à l'estimation des dépenses correspondant aux mesures de compensation :

28. Il ressort de l'étude d'impact que les différentes mesures préconisées par le pétitionnaire en vue de compenser les effets du projet sur l'environnement ont fait l'objet d'une estimation financière mentionnée dans le tableau récapitulatif figurant aux pages 418 à 429 de l'étude. Y sont précisés tant le coût unitaire des mesures que leur coût total sur l'ensemble de la durée de vie du parc éolien. Par suite, les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement qui prévoient que la description des mesures compensatoires doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes n'ont pas, en l'espèce, été méconnues.

Quant à la méthode utilisée pour évaluer les différents niveaux de sensibilité :

29. Le pétitionnaire a exposé de manière très explicite la méthode qu'il a retenue pour élaborer l'étude d'impact du projet en litige, page 431 à 439 du document, laquelle est au demeurant celle préconisée par les services du ministère chargé de l'environnement dans " le guide 2010 de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens ". Si l'autorité environnementale a relevé lors de l'examen de la demande un manque de clarté concernant les différents niveaux de sensibilité, notamment dans l'analyse des incidences du projet sur les chiroptères, elle n'a pas remis en cause globalement la méthode d'évaluation des enjeux, relevant que " dans l'état initial, l'évaluation des enjeux est cohérente et argumentée ". Il ne résulte nullement de l'instruction que la méthode retenue aurait, en l'espèce, conduit à sous-estimer les impacts du projet notamment sur l'avifaune et les chiroptères.

S'agissant du principe de participation :

30. Les dispositions du 5° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement relatives au " principe de participation, en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente", se bornent à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois et n'impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l'association du public au processus d'élaboration des projets ayant une incidence sur l'environnement. Par suite, la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 5° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne saurait être utilement invoquée au soutien de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.

S'agissant de l'avis du commissaire enquêteur :

31. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 123-19 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, il doit porter une analyse sur les questions soulevées par ces observations et émettre un avis personnel sur le projet soumis à enquête en indiquant les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

32. Il résulte de l'instruction, qu'en l'espèce, le commissaire enquêteur a examiné les observations déposées lors de l'enquête publique, qu'il a regroupées par thèmes et y a apporté, dans chaque cas des réponses très circonstanciées. Dans les conclusions de son rapport, il a donné un avis favorable au projet en précisant très explicitement les raisons qui ont justifié cet avis. Il a également assorti son avis favorable de recommandations relatives aux mesures préventives, réductrices, compensatoires et protectrices. Ainsi, les conclusions du commissaire enquêteur, qui a formulé un avis personnel, sont suffisamment motivées.

S'agissant de l'abstention du préfet à exiger la présentation d'une demande de dérogation au titre des espèces protégées :

33. Aux termes du I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que des sites d'intérêt géologique, y compris des types de cavités souterraines, ainsi protégés ; / 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; / 3° La partie du territoire national sur laquelle elles s'appliquent, qui peut comprendre le domaine public maritime, les eaux intérieures et la mer territoriale ; / 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle / (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Les listes des espèces animales non domestiques et des espèces végétales non cultivées faisant l'objet des interdictions définies par les articles L. 411-1 et L. 411-3 sont établies par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et soit du ministre chargé de l'agriculture, soit, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes. / (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code alors en vigueur : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. ".

34. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement qu'elles organisaient, avant l'intervention de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, un régime juridique spécifique en vue de la protection du patrimoine naturel. Toute dérogation aux interdictions édictées par l'article L. 411-1 devait faire l'objet d'une autorisation particulière, délivrée par le préfet ou, dans certains cas, par le ministre chargé de la protection de la nature. Le titulaire de l'autorisation délivrée sur le fondement distinct de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, était également tenu d'obtenir, en tant que de besoin, une telle dérogation au titre de la législation sur la protection du patrimoine naturel. Si l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement avait connaissance, notamment au vu de l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation qui doit en principe faire apparaitre l'existence d'espèces protégées dans la zone concernée, des risques éventuels auxquels étaient exposées certaines espèces protégées, et pouvait alors alerter le pétitionnaire sur la nécessité de se conformer à la législation sur la protection du patrimoine naturel, en revanche, elle ne pouvait légalement subordonner la délivrance de l'autorisation sollicitée au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement au respect de cette législation sur la protection du patrimoine naturel.

35. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'il a délivré, à la date de l'arrêté contesté, l'autorisation sur le fondement de l'article de l'article L. 512-1 3 du code de l'environnement, le préfet de la Lozère n'était nullement tenu d'inviter le pétitionnaire à déposer une demande de dérogation au titre de la législation sur la protection du patrimoine naturel, ni même de s'assurer qu'une telle dérogation était nécessaire ou avait été accordée. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment des prescriptions imposées au pétitionnaire dans l'autorisation en litige, qu'une telle dérogation aurait été en l'espèce nécessaire ainsi que l'a indiqué la DREAL dans son avis.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation :

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance des garanties techniques et financières :

36. L'ordonnance du 26 janvier 2017 et en particulier les dispositions de l'article 15-1, ont prévu que les autorisations délivrées au titre de la législation sur les installations classées avant le 1er mars 2017 deviennent, à compter de cette date, des autorisations environnementales soumises au régime prévu par les articles L. 181-1 et suivants du code de 1'environnement. L'article L. 181-27 du code de l'environnement issu de cette ordonnance dispose que : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". L'article D. 181-15-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 18 septembre 2018 susvisé, dispose que : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3 ° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ". Ainsi, le pétitionnaire peut justifier de ses capacités techniques et financières au jour de la mise en service de l'installation.

37. Il appartient à la Cour de faire application des dispositions précitées des articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle elle se prononce, ainsi qu'il résulte expressément des dispositions du 1° de l'article 15 de cette ordonnance, qui prévoient que ces dispositions s'appliquent à compter du 1er mars 2017 aux autorisations d'exploiter antérieurement délivrées en application de l'article L. 512-1 du même code, " notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées ".

38. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l'installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l'exploitant auquel il a transféré l'autorisation.

39. Il résulte de l'instruction que le parc éolien litigieux n'a pas encore été mis en service à la date du présent arrêt. Comme il a été dit aux points 14 à 18, la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 a produit les éléments justifiant des modalités selon lesquelles elle prévoit de disposer des capacités tant techniques que financières pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site. Ces justifications apparaissent, en l'espèce, pertinentes au regard des prescriptions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement. Le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues doit, par suite, être écarté.

S'agissant des atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

40. En application des dispositions précitées des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, il incombe au juge administratif d'apprécier, à la date à laquelle il statue, si le projet pour lequel l'autorisation est sollicitée représente des dangers ou des inconvénients pour les intérêts qui y sont mentionnés et notamment pour la protection de la nature et de l'environnement.

41. Il résulte de l'instruction que le projet de parc éolien en litige comporte huit éoliennes d'une hauteur de cent cinquante mètres, pales comprises, situé au nord du département de la Lozère, sur le territoire des communes de Le Born et Pelouse, au lieu-dit le Plateau du Palais du Roi à une altitude de 1 300 à 1420 mètres environ, dans une zone de conifères, landes et broussailles, entrecoupées de zones humides et tourbeuses. Les aérogénérateurs doivent être implantés dans une zone naturelle sensible, dans la mesure où le site est inclus dans la zone Natura 2 000 " du plateau de Charpal " présentant un enjeu de conservation de complexes humides et de la ZNIEF de type II " Montagne de la Margerie et plateau du Palais du Roi ", ainsi qu'à proximité de la ZNIEF de type I " lac de Charpal ". Toutefois, l'étude d'impact fait apparaître que l'implantation retenue évite au mieux les zones à forts enjeux, aucune espèce protégée de flore n'étant concernée et que dans le cas des deux aérogénérateurs situés à proximité d'habitats sensibles, des mesures de protections pertinentes ont été proposées, ainsi que l'a relevé l'autorité environnementale dans son avis du 11 juillet 2014. Si le projet à un impact sur les landes sèches, celui-ci est très réduit, de l'ordre de 1, 8 ha, à rapporter aux 711 ha de landes sèches recensés dans la zone Natura 2000. Il ressort de l'étude d'impact que l'emprise générée par le projet sur ce milieu est acceptable et sans conséquence notable sur le fonctionnement écologique de la zone Natura 2000. S'agissant des chauves-souris, l'étude conclut à un impact résiduel faible après application des mesures de régulation des machines, lesquelles ont en outre été renforcées au titre des prescriptions prévues dans l'autorisation qui prévoient l'arrêt des machines toute la nuit lors des pics d'activité des chiroptères. Si les éoliennes 2 et 4 sont situées dans des zones de sensibilité forte pour l'avifaune et l'éolienne 8 à proximité d'un secteur à sensibilité très forte liée aux ascendances thermiques, l'autorisation contestée a prévu, tant dans la phase de construction que de fonctionnement, et conformément aux préconisations de l'autorité environnementale, des mesures adaptées avec la mise en place d'un dispositif de détection, d'effarouchement de l'avifaune et d'arrêt des machines pour toutes les éoliennes du parc, ainsi que des obligations de suivi renforcées. Il ne résulte pas de l'instruction que ces différentes prescriptions seraient insuffisantes pour prévenir les dangers ou inconvénients susceptibles de découler du projet en litige pour les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et notamment la protection de la nature et de l'environnement.

42. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 et le ministre chargé de la transition écologique et solidaire sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 25 août 2015 du préfet de la Lozère.

Sur les frais liés au litige :

43. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " une somme globale de 2 000 euros à verser à la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal Administratif de Nîmes n° 1600610 du 20 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les associations " Les Robins des Bois de la Margeride " " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2015 du préfet de la Lozère est rejetée.

Article 3 : Les associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " verseront à la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17 une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions des associations " Les Robins des Bois de la Margeride ", " Margeride Environnement ", " Margeride Environnement Sud " et " Vents de Lozère " tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vents d'Oc Centrale d'Energie Renouvelable 17, à l'association " Les Robins des Bois de la Margeride ", à l'association " Margeride Environnement ", à l'association " Margeride Environnement Sud ", à l'association " Vents de Lozère " et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

2

N° 18MA01980, 18MA02314

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01980-18MA02314
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Instruction des demandes d'autorisation.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-10-04;18ma01980.18ma02314 ?
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