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17/09/2019 | FRANCE | N°18MA03717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 septembre 2019, 18MA03717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Gestion Clinique du Parc a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, la réduction des rappels de taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013, et, d'autre part, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquels elle été assujettie au titre respectivement de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 et de l'année 2014, et la décharge des rappels de taxe sur les sal

aires auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Gestion Clinique du Parc a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer, d'une part, la réduction des rappels de taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013, et, d'autre part, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquels elle été assujettie au titre respectivement de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 et de l'année 2014, et la décharge des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1703526, 1703517 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé par son article 1er la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SA Gestion Clinique du Parc a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 à hauteur de 67 297 euros, par son article 2 la réduction des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014 à hauteur des montants respectifs de 59 809 et 84 838 euros, par son article 3 la décharge des rappels de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015, et a mis à la charge de l'Etat, par son article 4, une somme de 1 200 euros à verser à la SA Gestion Clinique du Parc au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703526, 1703517 du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2018 ;

2°) de remettre à la charge de la SA Gestion Clinique du Parc les sommes de 67 297 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, ainsi que les sommes de 59 809, 84 838 et 89 509 euros au titre de la taxe sur les salaires des années 2013, 2014 et 2015.

Il soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la livraison de médicaments cytostatiques prescrits dans le cadre d'un traitement ambulatoire par des médecins exerçant à titre indépendant, qui est indissociable de la prestation de soins, doit être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que la SA Gestion Clinique du Parc n'est pas fondée à revendiquer une augmentation de son coefficient de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et une diminution corrélative de son rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2018, la SA Gestion Clinique du Parc, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C-366/12 du 13 mars 2014, C-88/09 du 11 février 2010 et C-111/05 du 29 mars 2007 ;

- l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Gestion Clinique du Parc, établissement hospitalier privé à but lucratif, a formé une réclamation en matière de taxe sur les salaires au titre de l'année 2013. Après avoir prononcé le dégrèvement de cette taxe à hauteur de 99 682 euros, l'administration a informé la société de son intention de rétablir cette imposition et a émis à ce titre un avis de mise en recouvrement daté du 20 décembre 2016. Par ailleurs, la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 juin 2015 ainsi que d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2015, à l'issue desquels elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 et à des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2014 et 2015 au motif, notamment, que les livraisons de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitements ambulatoires contre le cancer devaient être exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale a rejeté les réclamations présentées par la SA Gestion Clinique du Parc à l'encontre des impositions auxquelles elle a ainsi été assujettie. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a fait droit aux conclusions de la SA Gestion Clinique du Parc tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014, et à la décharge des rappels de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, applicable à compter du 1er janvier 2007, qui reprend l'article 13 A de la sixième directive du 17 mai 1977 : " 1. Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : (...) b) l'hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ; / c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ". Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (...) / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".

3. Il découle de l'arrêt Finanzamt Dortmund-West c. Klinikum Dortmund GmbH de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 mars 2014 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de la livraison de médicaments cytostatiques prescrits par un médecin exerçant à titre indépendant dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, est subordonnée à la condition que cette opération soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale.

4. D'une part, d'un point de vue matériel, l'Institut national du cancer est chargé, en application de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique, de coordonner les actions de lutte contre le cancer, notamment en définissant, au titre du 2° de cet article, des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en cancérologie ainsi que des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la cancérologie. En application de ces dispositions et de l'article D. 1415-1-9 de ce code, le conseil d'administration de l'Institut a fixé, par un avis publié le 16 juin 2008, les critères d'agrément auxquels les établissements pratiquant la cancérologie doivent satisfaire conformément aux dispositions du 3° de l'article R. 6123-88 du même code, dans sa rédaction alors applicable. Selon ces critères, l'oncologue détermine pour chaque patient, en concertation avec l'équipe médicale, un programme personnalisé de soins comprenant un protocole d'administration des médicaments. Ce programme fixe le calendrier prévisionnel des consultations, des examens médicaux, de l'administration des médicaments cytostatiques, ainsi que les modalités de surveillance et de prise en charge des effets secondaires en cours de traitement. Les médicaments, préparés par la pharmacie à usage intérieur de l'établissement, sont exclusivement administrés au patient par l'équipe médicale, sur prescription de l'oncologue et sous le contrôle étroit de ce dernier. Par suite, la livraison au patient des médicaments cytostatiques, qui ne constitue pas une fin en soi pour ce dernier, doit être regardée comme indispensable à la réalisation de la prestation de soins par l'oncologue.

5. Il s'ensuit que la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé, d'une part, et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé, d'autre part, sont matériellement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie.

6. D'autre part, d'un point de vue économique, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de ses arrêts Aktiebolaget NN du 29 mars 2007 et Graphic procédé du 11 février 2010 que, pour apprécier si une livraison de biens et une prestation de services constituent une prestation unique, il convient de se placer du point de vue du consommateur moyen.

7. En vertu des dispositions de l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, les médicaments cytostatiques dispensés dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique font l'objet d'une prise en charge directe par l'assurance maladie. En application du 3° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale alors applicable, aujourd'hui repris au 4° de l'article L. 160-14 de ce code, la participation de l'assuré à la prise en charge des frais de santé est supprimée, dans le cadre d'un forfait global de soins, lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une tumeur maligne ou d'une affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique. Aux termes de ces différentes dispositions, le patient pris en charge dans le cadre d'un traitement ambulatoire contre le cancer par un médecin oncologue exerçant à titre libéral dans le cadre d'un établissement de santé privé à caractère lucratif ne supporte pas le coût des médicaments cytostatiques qui lui sont administrés dans le cadre des soins de chimiothérapie.

8. Il en résulte en tout état de cause que, du point de vue du patient, la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé sont économiquement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie.

9. Il résulte de ce qui précède que le traitement du cancer par chimiothérapie forme objectivement, pour le patient moyen, une prestation unique, dont la décomposition entre la livraison de médicament cytostatique et la prestation médicale, étroitement liées d'un point de vue matériel et économique, revêtirait un caractère artificiel.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les livraisons de médicaments cytostatiques prescrits par des médecins exerçant à titre libéral au sein d'un établissement privé de soins doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.

11. En second lieu, aux termes du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts : " (...) L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations (...) le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels est établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société requérante qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a réduit les rappels de taxe sur les salaires mis à la charge de la SA Gestion Clinique du Parc au titre des années 2013 et 2014 et déchargé la société des rappels au titre de l'année 2015 au motif que la vente de médicaments cytostatiques devait être exclue du numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe.

13. La SA Gestion Clinique du Parc n'a pas soulevé d'autre moyen au soutien de sa demande de restitution.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, d'une part, a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SA Gestion Clinique du Parc a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015, des rappels de taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014, et la décharge des rappels de taxe sur les salaires au titre de l'année 2015 et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à la SA Gestion Clinique du Parc la somme de 1 200 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703526, 1703517 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SA Gestion Clinique du Parc a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 sont remis à sa charge à hauteur de 67 297 euros.

Article 3 : Les rappels de taxe sur les salaires auxquels la SA Gestion Clinique du Parc a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 sont remis à sa charge à hauteur des montants respectifs de 59 809, 84 838 et 89 509 euros.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SA Gestion Clinique du Parc.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2019.

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N° 18MA03717

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03717
Date de la décision : 17/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP DBGL CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-17;18ma03717 ?
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