Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1601938 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2018 et le 21 décembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2018 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Restaurant Le Jardin, qui n'est entachée que d'irrégularités sans gravité, est suffisamment probante et ne pouvait être rejetée ;
- la méthode de reconstitution des recettes de cette société, qui n'utilise pas la seule " méthode des vins ", est radicalement viciée ;
- si on en modifie certains paramètres, elle aboutit à des évolutions de la rectification qui sont incohérentes ;
- elle n'a pas pris en compte les bouteilles vendues dans le cadre de repas de groupe ;
- elle aboutit à des pourcentages de résultats et de marge dépourvus de vraisemblance ;
- le service ne pouvait se limiter à procéder au dépouillement des notes de table pendant seulement quatre mois de chaque année ;
- l'application de la " méthode des vins " à la reconstitution de recettes, qui est adaptée, conduit à réduire le revenu rectifié et, par suite, les cotisations contestées dans la présente instance ;
- aucun manquement délibéré n'est établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- un dégrèvement est prononcé correspondant au montant de la majoration de 25 % en l'absence d'adhésion à un centre de gestion agréé ;
- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Restaurant Le Jardin, qui exerce à Cannes une activité de restauration, de bar et de vente à emporter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2010 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rectifié son résultat pour les exercices clos en 2008 et 2009 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le capital de cette société est détenu à .... La SARL Restaurant Le Jardin ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, l'administration fiscale a mis à la charge de ses associés, à raison de leur part dans la détention du capital, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.
2. M. et Mme D... A... font appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la décharge de ces cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
3. Par une décision du 12 octobre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement de la somme de 11 777 euros correspondant à la majoration de 25 % appliquée aux rehaussements des revenus en l'absence d'adhésion à un centre de gestion ou association agréés. Les conclusions de la requête sont, dans la mesure du dégrèvement prononcé, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité de la SARL Restaurant Le jardin et la charge de la preuve :
4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
5. Il résulte des dispositions de l'article 54 du code général des impôts que les contribuables relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux sont tenus de présenter à la demande de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiquées dans leur déclaration. En l'espèce, le vérificateur a constaté l'absence de caisse enregistreuse des recettes de la SARL Restaurant Le Jardin, celles relatives à l'activité de restauration n'étant justifiées que par des feuilles non numérotées détachées de leur support dites " notes de table ". Ces lacunes, qui empêchent toute vérification de l'exactitude des résultats indiqués et présentent donc un caractère grave contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., justifient le rejet de la comptabilité comme dépourvue de valeur probante.
6. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu le 18 octobre 2012 un avis approuvant le rejet de la comptabilité de la SARL Restaurant Le Jardin et la méthode de reconstitution des recettes. Par suite, en application des dispositions précédemment citées du livre des procédures fiscales, l'imposition ayant été établie conformément à cet avis, il appartient à M. et Mme A... d'établir le caractère exagéré des impositions dont ils demandent la décharge.
En ce qui concerne la méthode de reconstitution des recettes de la SARL Restaurant Le Jardin :
7. Lors de la vérification de comptabilité de la SARL Restaurant Le Jardin, l'agent a dépouillé l'ensemble des " notes de table " des mois d'avril, juin, août et octobre pour chacun des exercices clos en 2008 et 2009. Il a déterminé ainsi la part des vins, hors champagne, et des eaux dans le chiffre d'affaires de l'activité de restauration. Il a également dépouillé l'ensemble des factures d'achats des vins et des eaux pour les deux exercices vérifiés. Il a ainsi reconstitué, en prenant pour référence les prix de vente de ces produits mentionnés sur la carte du restaurant, le chiffre d'affaires correspondant et a procédé à un abattement de 15 % au titre des pertes, des produits offerts et de la consommation du personnel et à des abattements supplémentaires pour tenir compte des produits également vendus au bar ou utilisés pour la cuisine ou la réalisation de cocktails. Les activités du bar et de ventes à emporter n'ont pas été reconstituées.
8. En premier lieu, dès lors qu'elle s'ajoute à celle des vins, la prise en compte des eaux, souvent incluses dans le prix forfaitaire des menus proposés, a permis de reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de restauration sur la base d'une part plus importante des ventes réalisées. Elle n'a pas radicalement vicié la reconstitution des recettes.
9. En deuxième lieu, la reconstitution des recettes à partir des seules ventes de vins se fonderait sur une proportion des ventes moins importante que celle retenue par l'administration fiscale. En indiquant à titre principal qu'une utilisation de la seule " méthode des vins " aboutirait à des rectifications moindres que celles résultant de la prise en compte des ventes d'eaux, M. et Mme A... ne produisent aucun élément de nature à établir qu'une telle méthode permettrait d'obtenir une reconstitution des recettes plus précise que celle en litige.
10. En troisième lieu, le chiffre d'affaires des quatre mois pour lesquels les " notes de tables " ont été dépouillées correspond à 41 % et à 42 % de l'activité de la SARL Restaurant Le Jardin déclarée pour les exercices clos, respectivement, en 2008 et en 2009. M. et Mme A... ni n'établissent, ni même n'allèguent, que la part de l'ensemble des ventes de vins et d'eaux dans l'activité de restauration au cours des mois qui n'ont pas fait l'objet d'un examen serait différente de celle observée pour les mois d'avril, juin, août et octobre.
11. En quatrième lieu, dans la présente instance, M. et Mme A... procèdent à des modifications des paramètres de la reconstitution consistant soit à augmenter le chiffre d'affaires de l'activité de restauration de 1 000 euros, soit à l'augmenter de 100 %, soit à augmenter celui des vins et eaux de 10 %. Cependant, ces trois " tests de cohérence de la méthode " de l'administration sont entachés d'erreurs de raisonnement. Par exemple, la circonstance qu'un doublement du chiffre d'affaires reconstitué aboutirait à un quintuplement du montant des rappels réclamés à la SARL Restaurant Le Jardin s'explique par la multiplication également par cinq de la différence entre ce nouveau chiffre d'affaires reconstitué et celui déclaré initialement par la SARL. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir de ces " tests " pour soutenir que la méthode retenue par l'administration fiscale serait radicalement viciée.
12. En cinquième lieu, la circonstance que les taux de marge résultant de la reconstitution des recettes excèderaient ceux habituellement constatés dans le secteur professionnel de la restauration n'est pas de nature à établir, par elle-même, le caractère radicalement vicié ou exagérément sommaire de la méthode de l'administration.
13. En dernier lieu, il résulte de la réponse faite à la suite des observations de la SARL Restaurant Le Jardin que l'administration fiscale a pris en compte les vins et eaux vendus dans le cadre des repas de groupe. M. et Mme A... ne produisent aucun élément de nature à établir la réalité de leur allégation selon laquelle la part de ces ventes dans le chiffre d'affaires de l'activité de restauration serait plus importante pendant les mois qui n'ont pas été examinés par le vérificateur que pendant les mois d'avril, juin, août et octobre.
En ce qui concerne les pénalités :
14. Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
15. En l'espèce, la comptabilité de la SARL Restaurant Le Jardin est entachée d'insuffisances graves. Le chiffre d'affaires de l'activité de restauration a été minoré pour l'exercice clos en 2008 et celui clos en 2009, respectivement, de 21 % et de 15 %. Mme A..., eu égard à son rôle dans la gestion de la SARL, ne pouvait ignorer ces omissions importantes et répétées. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de leur demande.
Sur les frais liés au litige :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à M. et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement prononcé par l'administration le 12 octobre 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. C..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 septembre 2019.
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N° 18MA02600
nc