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17/09/2019 | FRANCE | N°18MA02599

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 septembre 2019, 18MA02599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Restaurant Le Jardin a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les exercices clos en 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601936 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2018 et le 21 décemb

re 2018, la SARL Restaurant Le Jardin, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Restaurant Le Jardin a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les exercices clos en 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601936 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2018 et le 21 décembre 2018, la SARL Restaurant Le Jardin, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 avril 2018 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les exercices clos en 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les exercices clos en 2008 et 2009 et les pénalités correspondantes et de les ramener, respectivement, aux sommes de 13 285 euros et de 13 825 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa comptabilité, qui n'est entachée que d'irrégularités sans gravité, est suffisamment probante et ne pouvait être rejetée ;

- la méthode de reconstitution des recettes, qui n'utilise pas la seule " méthode des vins ", est radicalement viciée ;

- elle aboutit à des évolutions de la rectification qui sont incohérentes si on en modifie certains paramètres ;

- elle n'a pas pris en compte les bouteilles vendues dans le cadre de repas de groupe ;

- elle aboutit à des pourcentages de résultats et de marge dépourvus de vraisemblance ;

- le service ne pouvait se limiter à procéder au dépouillement des notes de table pendant seulement quatre mois de chaque année ;

- l'application de la " méthode des vins ", qui est adaptée, conduit à ramener les rappels contestés aux sommes de 13 285 euros et de 13 825 euros ;

- dès lors que, selon la réponse de l'administration à ses observations à la suite de la proposition de rectification, le chiffre d'affaires des vins et des eaux s'élève à 19 % du chiffre d'affaires total pour l'exercice clos en 2008, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période doit être réduit d'un montant en droit de 9 254 euros ;

- aucun manquement délibéré n'est établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Restaurant Le Jardin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Restaurant Le Jardin, qui exerce à Cannes une activité de restauration, de bar et de vente à emporter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2010. Elle fait appel du jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à la somme de 62 281 euros qui lui ont été réclamés pour les exercices clos en 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 54 du code général des impôts que les contribuables relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux sont tenus de présenter à la demande de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiquées dans leur déclaration. En l'espèce, le vérificateur a constaté l'absence de caisse enregistreuse des recettes, celles relatives à l'activité de restauration n'étant justifiées que par des feuilles non numérotées détachées de leur support dites " notes de table ". Ces lacunes, qui empêchent toute vérification de l'exactitude des résultats indiqués et présentent donc un caractère grave contrairement à ce que soutient la SARL Restaurant Le Jardin, justifient le rejet de la comptabilité comme dépourvue de valeur probante.

4. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu le 18 octobre 2012 un avis approuvant le rejet de la comptabilité et la méthode de reconstitution des recettes. Par suite, en application des dispositions précédemment citées du livre des procédures fiscales, l'imposition ayant été établie conformément à cet avis, il appartient à la SARL Restaurant Le Jardin d'établir le caractère exagéré des impositions dont elle demande la décharge.

En ce qui concerne la méthode de reconstitution des recettes :

5. Le vérificateur a dépouillé l'ensemble des " notes de table " des mois d'avril, juin, août et octobre pour chacun des exercices clos en 2008 et 2009. Il a déterminé ainsi la part des vins, hors champagne, et des eaux dans le chiffre d'affaires de l'activité de restauration. Il a également dépouillé l'ensemble des factures d'achats des vins et des eaux pour les deux exercices vérifiés. Il a ainsi reconstitué, en prenant pour référence les prix de vente de ces produits mentionnés sur la carte du restaurant, le chiffre d'affaires correspondant et a procédé à un abattement de 15 % au titre des pertes, des produits offerts et de la consommation du personnel et à des abattements supplémentaires pour tenir compte des produits également vendus au bar ou utilisés pour la cuisine ou la réalisation de cocktails. Les activités du bar et de ventes à emporter n'ont pas été reconstituées.

6. En premier lieu, dès lors qu'elle s'ajoute à celle des vins, la prise en compte des eaux, souvent incluses dans le prix forfaitaire des menus proposés, a permis de reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de restauration sur la base d'une part plus importante des ventes réalisées. Elle n'a pas radicalement vicié la reconstitution des recettes.

7. En deuxième lieu, la reconstitution des recettes à partir des seules ventes de vins se fonderait sur une proportion des ventes moins importante que celle retenue par l'administration fiscale. En indiquant à titre principal qu'une utilisation de la seule " méthode des vins " aboutirait à des rectifications moindres que celles résultant de la prise en compte des ventes d'eaux, la SARL Restaurant Le Jardin ne produit aucun élément de nature à établir qu'une telle méthode permettrait d'obtenir une reconstitution des recettes plus précise que celle en litige.

8. En troisième lieu, le chiffre d'affaires des quatre mois pour lesquels les " notes de tables " ont été dépouillées correspond à 41 % et à 42 % de l'activité déclarée pour les exercices clos, respectivement, en 2008 et en 2009. La SARL Restaurant Le Jardin ni n'établit, ni même n'allègue, que la part de l'ensemble des ventes de vins et d'eaux dans l'activité de restauration au cours des mois qui n'ont pas fait l'objet d'un examen serait différente de celle observée pour les mois d'avril, juin, août et octobre.

9. En quatrième lieu, dans la présente instance, la SARL Restaurant Le Jardin procède à des modifications des paramètres de la reconstitution consistant soit à augmenter le chiffre d'affaires de l'activité de restauration de 1 000 euros, soit à l'augmenter de 100 %, soit à augmenter celui des vins et eaux de 10 %. Cependant, ces trois " tests de cohérence de la méthode " de l'administration sont entachés d'erreurs de raisonnement. Par exemple, la circonstance qu'un doublement du chiffre d'affaires reconstitué aboutisse à un quintuplement du montant des rappels s'explique par la multiplication également par cinq de la différence entre ce nouveau chiffre d'affaires reconstitué et celui déclaré initialement par la SARL Restaurant Le Jardin. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de ces " tests " pour soutenir que la méthode retenue par l'administration fiscale serait radicalement viciée.

10. En cinquième lieu, la circonstance que les taux de marge résultant de la reconstitution des recettes excèderaient ceux habituellement constatés dans le secteur professionnel n'est pas de nature à établir, par elle-même, le caractère radicalement vicié ou exagérément sommaire de la méthode de l'administration.

11. En sixième lieu, il résulte de la réponse faite à la suite des observations de la SARL Restaurant Le Jardin que l'administration fiscale a pris en compte les vins et eaux vendus dans le cadre des repas de groupe. La SARL ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de son allégation selon laquelle la part de ces ventes dans le chiffre d'affaires de l'activité de restauration serait plus importante pendant les mois qui n'ont pas été examinés par le vérificateur que pendant les mois d'avril, juin, août et octobre.

12. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la SARL Restaurant Le Jardin, l'administration n'indique pas, dans sa réponse aux observations du contribuable à la suite de la proposition de rectification, que le chiffre d'affaires des vins et des eaux s'élève à 19 % du chiffre d'affaires total pour l'exercice clos en 2008. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne soient plus calculés sur le fondement d'un rapport entre le chiffre d'affaires des vins et des eaux et le chiffre d'affaires de l'ensemble de l'activité " restauration " égal à 18 %.

En ce qui concerne les pénalités :

13. Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. En l'espèce, la comptabilité de la SARL Restaurant Le Jardin est entachée d'insuffisances graves. Le chiffre d'affaires de l'activité de restauration a été minoré pour l'exercice clos en 2008 et celui clos en 2009, respectivement, de 20 % et de 15 %. Ainsi, eu égard à l'importance et au caractère répété des omissions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Restaurant Le Jardin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SARL Restaurant Le Jardin au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Restaurant Le Jardin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Restaurant Le Jardin et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. B..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2019.

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N° 18MA02599

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02599
Date de la décision : 17/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP POMMIER, COHEN et ASSOCIES - ALISTER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-17;18ma02599 ?
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