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16/09/2019 | FRANCE | N°18MA05217

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 septembre 2019, 18MA05217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1807311 du 7 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 novembre 2018 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1807311 du 7 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas examiné le moyen tiré de l'erreur de droit du préfet à ne pas avoir envisagé la possibilité d'une admission au séjour en tant que membre de famille d'un ressortissant communautaire ;

- le tribunal n'a pas examiné si son épouse pouvait bénéficier d'un droit au séjour au regard des articles R. 121-4 et R. 121-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet à avoir considéré que son comportement mettait en danger l'intérêt fondamental de la société ;

- le tribunal ne pouvait opérer une substitution de base légale entre les dispositions de l'article L. 511-1 1° et celles de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal ne pouvait légalement substituer le motif tiré de la menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société à celui de la simple menace pour l'ordre public retenu par le préfet ;

- l'arrêté du préfet est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier des circonstances ;

- le préfet aurait dû examiner la possibilité d'une admission au séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire ;

- son épouse remplissant les conditions posées par les 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a lui-même droit au séjour ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son comportement ne met pas en danger l'intérêt fondamental de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ct du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., rapporteure,

- et les observations de Me C..., représentant le requérant.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, né le 10 mars 1981, relève appel du jugement du 7 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 30 août 2018 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. En premier lieu, il ressort de la lecture du jugement contesté, notamment en son point 5, que le tribunal administratif a considéré que le préfet des Bouches-du-Rhône avait édicté son arrêté après avoir constaté que M. A... n'avait pas droit au séjour en sa qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire. Dès lors, il a répondu au moyen soulevé par le requérant tiré de ce que le préfet avait commis une erreur de droit en n'examinant pas la possibilité d'une admission au séjour à ce titre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour ". Selon l'article R. 121-6 du même code : " I. -Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié : 1° S'ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident ; 2° S'ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employés pendant plus d'un an et se sont fait enregistrer en qualité de demandeur d'emploi auprès du service de l'emploi compétent ; 3° S'ils entreprennent une formation professionnelle, devant être en lien avec l'activité professionnelle antérieure à moins d'avoir été mis involontairement au chômage ".

4. Il ressort du point 6 du jugement contesté que le tribunal administratif a examiné si l'épouse de M. A... pouvait bénéficier d'un droit au séjour sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Jugeant qu'elle n'exerçait pas d'activité professionnelle, ni ne justifiait disposer de ressources suffisantes dès lors que ces dernières étaient exclusivement constituées d'aides sociales, le premier juge n'avait pas à rechercher ni si elle pouvait conserver son droit au séjour en qualité de travailleur ni s'interroger plus avant sur sa situation personnelle, alors qu'au demeurant M. A... n'avait pas même formulé de demande de titre de séjour.

5. En troisième et dernier lieu, il ressort du point 15 du jugement que le tribunal administratif a neutralisé pour erreur de droit le motif tiré de la menace pour l'ordre public représentée par le comportement de M. A..., en jugeant que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur la seule circonstance que M. A... ne justifiait plus d'un droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le premier juge n'avait pas à répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public représentée par le comportement de M. A....

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

6. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 I visées par le préfet : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ".

7. L'arrêté en litige, fondé à tort sur le 2° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pouvait être légalement pris par l'administration sur le fondement du 1° de l'article L. 511-3-1 du même code, en vertu du même pouvoir d'appréciation et sans que l'intéressé soit privé d'une garantie liée à l'application de ce dernier texte. Le premier juge a pu, à bon droit et après en avoir averti les parties, procéder à une substitution de la base légale de l'arrêté contesté.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 5, le tribunal administratif a neutralisé pour erreur de droit le motif tiré de la menace pour l'ordre public représentée par le comportement de M. A..., en jugeant que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur la seule circonstance que M. A... ne justifiait plus d'un droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait opéré à tort une substitution de motifs.

9. En troisième lieu, il convient d'écarter par adoption des mêmes motifs que ceux retenus au point 3 du jugement le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté préfectoral.

10. En quatrième lieu, il ressort de l'examen de la motivation de l'arrêté que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est livré à un examen complet de la situation du requérant avant d'édicter la mesure d'éloignement contestée.

11. En cinquième lieu, le préfet, en mentionnant que l'épouse du requérant ne disposait pas d'un droit au séjour, a nécessairement examiné si M. A... pouvait bénéficier d'un droit au séjour en sa qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire.

12. En sixième lieu, M. A... ne démontre toujours pas en appel que son épouse remplirait les conditions prévues par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et donc que lui-même serait admissible au séjour en sa qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire.

13. En septième lieu, il convient d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit au point 17 du jugement.

14. En huitième et dernier lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 5, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur la seule circonstance que M. A... ne justifiait plus d'un droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que son comportement ne met pas en danger l'intérêt fondamental de la société.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 août 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône. Ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 septembre 2019.

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N° 18MA05217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05217
Date de la décision : 16/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BATAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-16;18ma05217 ?
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