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16/09/2019 | FRANCE | N°18MA04288

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 septembre 2019, 18MA04288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803207 du 9 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 12 septembre 2018, régularisée le 11 juin 2019, M. A... B..., agissant en qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803207 du 9 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2018, régularisée le 11 juin 2019, M. A... B..., agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 9 août 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne lui ayant pas transmis les documents détenus par l'administration, il n'a pu utilement contester devant le tribunal administratif l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'est pas compétent pour statuer sur la minorité de son fils ;

- les tests osseux, qui ne sont pas conformes à l'article 388 du code civil faute pour le compte-rendu de préciser une marge d'erreur, ne suffisent pas à démontrer la minorité de son fils, tout comme le rapport rédigé par l'éducateur spécialisé ;

- les documents produits pour justifier de la minorité d'Abdoulaye sont probants, le jugement supplétif, l'acte de naissance et le certificat de nationalité ayant été authentifiés par le consulat de Côte d'Ivoire ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- un délai de départ volontaire aurait dû être accordé à son fils ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- des circonstances humanitaires s'opposent à l'édiction de l'interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 avril 2019, M. B... conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute en outre que par décision du 14 mars 2019 du juge des enfants, son fils, reconnu mineur, a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. C... B... par une décision du 12 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité ivoirienne, agissant en qualité de représentant légal de son fils Abdoulaye B..., relève appel du jugement du 9 août 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé Abdoulaye à quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles : " I. -Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. II.- Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement sur : 1° Des entretiens conduits par des professionnels justifiant d'une formation ou d'une expérience définies par un arrêté des ministres mentionnés au III dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et se déroulant dans une langue comprise par l'intéressé ; 2° Le concours du préfet de département sur demande du président du conseil départemental pour vérifier l'authenticité des documents d'identification détenus par la personne ; 3° Le concours de l'autorité judiciaire, s'il y a lieu, dans le cadre du second alinéa de l'article 388 du code civil ". Selon l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ". Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ".

4. Le fils de M. B... a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre des dispositions de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, à l'issue de laquelle l'éducateur a conclu à des incohérences sur la totalité du parcours migratoire de l'intéressé et une maturité qui ne semblait pas correspondre à l'âge allégué. Abdoulaye B... a ensuite subi un examen osseux, à l'issue duquel le médecin a fixé son âge à 19 ans, sans qu'il résulte de l'instruction qu'il aurait été tenu compte d'une marge d'erreur, laquelle n'est pas mentionnée dans le compte-rendu d'examen, en méconnaissance de l'article 388 du code civil. Un analyste en fraude documentaire de la police aux frontières a également rendu un avis défavorable, mais non définitif, sur les documents d'état civil produits par le requérant, constitués par un jugement supplétif, un acte de naissance et un certificat de nationalité, mentionnant comme date de naissance le 15 décembre 2001, dont il est constant qu'il s'agissait de simples photocopies. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B... a fait authentifier le 13 juillet 2018 l'original de ces documents par le consulat de la Côte d'Ivoire à Toulouse, tandis que les services de la police aux frontières ont reconnu le 13 mars 2019 le caractère authentique du passeport et de la carte consulaire également produits par l'intéressé. Enfin, par décision du 14 mars 2019, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Perpignan, concluant à la minorité d'Abdoulaye, a confié ce dernier aux services de l'aide sociale à l'enfance.

5. Les pièces produites démontrant la minorité d'Abdoulaye, le préfet des Pyrénées-Orientales ne pouvait, alors qu'en outre le doute sur la minorité doit profiter à l'étranger conformément à l'article 388 du code civil, l'obliger à quitter le territoire français, ni, par voie de conséquence, prononcer à son encontre une interdiction de retour.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 2 juillet 2018. Le jugement du 9 août 2018 et l'arrêté du préfet doivent par suite être annulés.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 août 2018 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 2 juillet 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 septembre 2019.

5

N° 18MA04288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04288
Date de la décision : 16/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-09-16;18ma04288 ?
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