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11/07/2019 | FRANCE | N°17MA03579

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 17MA03579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL " Delta Sirti " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2013 par lequel le maire de Mougins a prononcé l'interruption des travaux entrepris par la société " Saint-Jean Cap-Ferrat ".

Par un jugement n° 1303268 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 août 2017, le 17 mai 2018, le 5 novembre 2018, le 19 décembre 2018 et le 26 févri

er 2019, la SARL " Delta Sirti " et Mme A... C..., représentées par Me D..., demandent à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL " Delta Sirti " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2013 par lequel le maire de Mougins a prononcé l'interruption des travaux entrepris par la société " Saint-Jean Cap-Ferrat ".

Par un jugement n° 1303268 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 août 2017, le 17 mai 2018, le 5 novembre 2018, le 19 décembre 2018 et le 26 février 2019, la SARL " Delta Sirti " et Mme A... C..., représentées par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mougins la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son auteur, la délégation de signature sur le fondement de laquelle il a été pris étant trop imprécise ;

- l'arrêté attaqué ne précise pas les dispositions du code de l'urbanisme qui ont été méconnues ;

- les éventuels manquements auraient dû être constatés dans le cadre de la procédure de l'article L. 514-5 du code de l'environnement, s'agissant d'une activité relevant d'installations classées ;

- l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;

- les faits reprochés à la SARL Sirti ne sont pas constitutifs de " travaux " qu'elle aurait réalisés qui pouvaient donner lieu à un arrêté interruptif de travaux et l'infraction d'exhaussement n'est pas constituée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par deux mémoires, enregistrés les 6 juillet 2018 et le 5 décembre 2018 la commune de Mougins a présenté des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Poujade,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Mougins, par arrêté du 25 juillet 2013, a ordonné à la SARL " Delta Sirti " d'interrompre immédiatement les travaux d'affouillement et d'exhaussement entrepris sur le haut des parcelles cadastrées CM 74 et 75, situées 1591 chemin du Ferrandou sur le territoire communal. La SARL " Delta Sirti " et Mme A... C..., sa nouvelle gérante, interjettent appel du jugement du 24 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SARL " Delta Sirti " tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. ". En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été en cause dans l'instance sur laquelle la décision qu'elles critiquent a statué. Ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme A...C..., désormais gérante de la SARL " Delta Sirti ", dont le précédent gérant est décédé, n'a pas été en cause dans l'instance engagée par la SARL " Delta Sirti ". Par suite, Mme C... est sans qualité pour interjeter appel du jugement attaqué.

3. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée, en tant qu'elle émane de Mme C....

Sur la régularité du jugement :

4. À supposer qu'en soutenant que le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que la SARL " Delta Sirti " exerce régulièrement une activité au titre de la législation des installations classées pour l'environnement (ICPE), la société requérante ait entendu invoquer un moyen tiré de l'irrégularité du jugement, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il était inopérant, la décision attaquée ayant été édictée sur le fondement de la législation d'urbanisme, qui est indépendante de celle des installations classées. En tout état de cause, le tribunal y a répondu au point 7 du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté, par adoption des motifs du tribunal au point 2 du jugement, qui n'appellent pas de précision en appel.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. ". L'arrêté mentionne qu'il se fonde notamment sur les articles L. 123-1, L. 130-1, L. 160-1, L. 421-4, L. 480-2, L. 480-4 et R. 421-23 f) du code de l'urbanisme, ainsi que sur les articles AUb1 et AUb2 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) du 28 octobre 2010, sur l'article L. 562-1 du code de l'environnement et l'article 2§II.2 du règlement du plan de prévention des risques d'incendies de forêt (PPRIF) de Mougins. Il vise le procès-verbal n° 25/2013 dressé le 18 avril 2013 par les agents assermentés de la commune de Mougins et précise notamment que d'importants travaux d'affouillement et d'exhaussement réalisés sur la partie des parcelles cadastrées section CM n° 74 et 75, classée en espace boisé classé (EBC) sont reprochés à la SARL " Delta Sirti ".

7. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait dû faire l'objet d'une procédure de contrôle dans le cadre des dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement applicable aux ICPE, qui ne sont pas exclusives de l'application des dispositions applicables en matière d'infraction à la législation de l'urbanisme sur le fondement desquelles l'arrêté attaqué a été édicté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision attaquée: " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. ". Et selon l'article L. 160-1 du même code alors en vigueur : " En cas d'infraction aux dispositions [...] des plans d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations visées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des projets et plans mentionnés ci-dessus. ". Enfin selon l'article R. 421-23 du même code, alors en vigueur : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : [...] f) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ... ".

9. Il ressort du procès-verbal n° 25/2013 établi par les agents assermentés de la commune de Mougins que la SARL " Delta Sirti " a entrepris d'importants travaux d'affouillement, sur une hauteur de plus de deux mètres et une superficie d'environ 120 m² sur la partie de la parcelle cadastrée section CM n° 74 qui est classée en EBC. Elle a en outre réalisé des exhaussements d'une hauteur supérieure à 2 mètres et sur une superficie d'environ 400 m² sur la partie de la parcelle n° 75, également classée en EBC pour réaliser des pistes d'accès. La SARL " Delta Sirti " ne peut utilement arguer de l'irrégularité de ce procès-verbal qui constitue un acte de procédure pénale dont la régularité ne saurait être appréciée que devant les tribunaux judiciaires. Et contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des documents graphiques du PLU du 28 octobre 2010 que la partie Sud des parcelles cadastrées 74 et 75 est classée en EBC. La société requérante ne peut à cet égard utilement soutenir qu'aucun plan de bornage n'est intervenu, alors que le classement résulte des documents du PLU. Si elle conteste les superficies retenues dans ledit procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, elle n'apporte aucun élément au soutien de son allégation. Si la société requérante soutient que ces affouillements et exhaussements ont été réalisés par les précédents propriétaires, ils résultent toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un rapport de visite du service urbanisme de la commune de Mougins du 4 juin 2010. Et ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, la société admettait d'ailleurs elle-même dans ses écritures de première instance avoir effectué des exhaussements pour réaliser des pistes d'accès. L'attestation du 3 septembre 2015, qu'elle produit désormais intégralement en appel, n'est pas suffisamment circonstanciée pour démontrer que la société " Delta Sirti " n'est pas à l'origine des travaux en litige et a été établie dans le cadre de la présence instance. La SARL " Delta Sirti " admet d'ailleurs que dans le cadre de son activité de broyage et concassage pour recycler des déchets inertes de démolitions, constructions et terrassements, pour laquelle elle bénéficie d'un récépissé de déclaration n° 13.427 délivré le 10 février 2010 par le préfet des Alpes-Maritimes, elle entrepose en " tas " des agrégats, gravillons, sables et divers matériaux. Le fait qu'elle bénéficie d'une autorisation ICPE n'est toutefois pas de nature à la dispenser du respect des règles d'urbanisme. De même la société requérante ne peut utilement se prévaloir du fait qu'elle a procédé à une dépollution importante du site, une telle circonstance étant sans incidence sur le respect des dispositions précitées. Enfin, le fait que lors de deux visites de la direction régionale de l'environnement (DREAL) de PACA au titre de l'ICPE, les 3 avril 2015 et 17 juin 2015, soit postérieurement à la décision attaquée, aucune infraction au code de l'urbanisme n'ait été relevée n'est pas non plus de nature à remettre en cause les constatations du procès-verbal du 18 avril 2013. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'inexactitude matérielle des faits. Les travaux ainsi décrits dans le procès-verbal du 18 avril 2013 ont ainsi porté atteinte à l'EBC en méconnaissance de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme précité et méconnaissaient les dispositions de l'article R. 421-23 f) du même code. Ces deux motifs suffisaient à justifier que le maire édicte à l'encontre de la société " Delta Sirti " l'arrêté interruptif de travaux sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme cité au point 6.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL " Delta Sirti " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL " Delta Sirti " dirigées contre la commune de Mougins, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante. Et les conclusions de la commune de Mougins formées sur le même fondement devront également être rejetées, dès lors que l'acte attaqué a été pris par le maire en qualité d'autorité de l'État et que la commune n'a donc pas la qualité de partie.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL " Delta Sirti " est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Mougins formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL " Delta Sirti " à la commune de Mougins et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

2

N° 17MA03579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03579
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SELARL PARRACONE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-11;17ma03579 ?
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