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11/07/2019 | FRANCE | N°17MA03568

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 17MA03568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsica Sole 2 a contesté devant le tribunal administratif de Bastia, la remise en cause, par l'administration fiscale, d'une quote-part du remboursement anticipé d'un crédit d'impôt pour investissements en Corse dont elle avait bénéficié au titre de l'année 2012, ainsi que les redressements à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mai 2012.

Par un jugement n° 1501117 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bastia a partiellem

ent fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Corsica Sole 2 a contesté devant le tribunal administratif de Bastia, la remise en cause, par l'administration fiscale, d'une quote-part du remboursement anticipé d'un crédit d'impôt pour investissements en Corse dont elle avait bénéficié au titre de l'année 2012, ainsi que les redressements à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mai 2012.

Par un jugement n° 1501117 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bastia a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement attaqué ;

2°) de remettre à la charge de la SAS Corsica Sole 2 la somme de 45 021 euros au titre d'impôt sur les sociétés de l'exercice 2012.

Le ministre soutient que :

- les premiers juges ont confondu, s'agissant de la prise en compte d'amortissements dégressifs sur certaines immobilisations, les bases imposables et les rappels en droits et ont statué ainsi ultra petita ;

- il résulte des contrats conclus entre la SAS Corsica Sole 2 et les agriculteurs que la SAS Corsica Sole 2 a fait construire des hangars équipés de toitures photovoltaïques. Ces constructions sont destinées à abriter des marchandises agricoles. Il s'agit donc de constructions agricoles ;

- les charpentes métalliques ne peuvent être admises au régime de l'amortissement dégressif au sens de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts, ni être considérées comme des bâtiments dont la durée normale d'utilisation n'excède pas quinze ans eu égard aux matériaux utilisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2017, la SAS Corsica Sole 2, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du ministre. Elle demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais du litige et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que :

- la prise de position formelle de l'administration fiscale du 1er juillet 2011 concernant la société Corsica Sole 1, en réponse à la question posée par celle-ci le 13 avril 2011 s'impose à l'administration fiscale ;

- toute autre position reviendrait à s'opposer au principe de confiance légitime, reconnu par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- les installations photovoltaïques et les murs de soutènement sont indissociables.

Par ordonnance du 21 juin 2018, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 20 juillet 2018.

Un mémoire produit par le ministre de l'action et des comptes publics le 11 mars 2019 après clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Paix,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la SAS Corsica Sole 2.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Corsica Sole 2, qui construit et exploite des centrales photovoltaïques en Corse, en vue de la revente d'électricité à EDF, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2012, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause à hauteur de 42 680 euros un crédit d'impôt dont l'entreprise avait bénéficié en 2012 pour investissements en Corse pour un montant de 312 489 euros pour trois centrales, après avoir exclu de l'assiette du crédit d'impôt le coût de la construction des supports des panneaux photovoltaïques. L'administration a également remis en cause la déduction des amortissements selon le mode dégressif des supports des panneaux photovoltaïques, ce qui a conduit à la réduction des déficits réalisés par la société. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia qui a accordé à la société contribuable la décharge d'une somme de 45 021 euros (42 680 euros + 2 341 euros) au titre des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir relevé que le service avait remis en cause l'amortissement dégressif sur la fraction des immobilisations qu'il a estimé non éligibles au régime de l'amortissement dégressif pour un montant total en base d'impôt sur les sociétés de 2 341 euros au titre de l'exercice clos en 2012, ont, dans leur dispositif, accordé à la société requérante la décharge en droits desdites sommes. Ainsi, comme le soutient le ministre de l'action et des comptes publics, le tribunal administratif de Bastia a opéré une confusion entre les rappels en droit et la rectification en base opérée au titre de la reprise des amortissements comptabilisés selon le mode dégressif, et ce d'autant, comme le souligne le ministre, que les rectifications sur amortissements n'ont conduit à aucun rappel d'impôt sur les sociétés mais qu'elles ont simplement minoré le déficit constaté à hauteur desdites sommes. Par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'action et des comptes publics soutient que le tribunal administratif a entaché, de ce chef, son jugement d'irrégularité en ce qu'il a statué ultra petita.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler partiellement l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia, d'évoquer dans la limite de la décharge prononcée à hauteur de la somme de 2 341 euros et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Corsica Sole 2 devant le tribunal sur ce point, et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le surplus de la requête.

Sur le régime des investissements réalisés et sur le bénéfice du crédit d'impôt :

4. D'une part, l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa version alors applicable prévoit que : " I.-1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2016 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole (...) ; 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 10 % (2) du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A (...) ". L'article 39 A du même code dispose que : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie (...). ". L'article 22 de l'annexe II au même code dispose quant à lui : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif-dans les conditions fixées aux articles 23 à 25-les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : (...) Installations productrices de vapeur, chaleur ou énergie (...) ".

5. D'autre part, l'article 199 ter D du même code prévoit que : " Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater E est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les biens éligibles au dispositif sont acquis, créés ou loués. (...) II. La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : " 1° Les entreprises autres que celles mentionnées au III de l'article 44 sexies et dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins : a) Par des personnes physiques ; b) Ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques ; c) Ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation ou des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des trois derniers alinéas du 12 de l'article 39 entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds.// Ces entreprises peuvent demander le remboursement immédiat de la créance constatée au titre de l'année de création. (...)". Le III de l'article 39 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 prévoit que " (...) le 2° du I et le 1° du II s'appliquent au crédit d'impôt calculés au titre des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2012. ".

6. Il résulte de l'instruction que la SAS Corsica Sole 2 a fait édifier, chez des particuliers, une ossature métallique fixée au sol par des plots en béton de 1m3 et supportant la toiture faite de panneaux photovoltaïques, les plots en béton étant reliés entre eux par des semelles ferraillées. Il résulte encore de l'instruction que les poteaux ne représentent que 13 % environ de l'ensemble de l'investissement. Les deux éléments constitués par les panneaux et les poteaux doivent ainsi faire l'objet d'un amortissement unique sur le plan comptable. Par suite, et s'il est constant que les bâtiments réalisés sont également affectés à un usage agricole, comme cela ressort des baux à construction conclus avec les agriculteurs et des différents permis de construire délivrés par les communes sièges des installations, cette circonstance est, compte tenu d'une part, de l'indépendance des législations fiscale et d'urbanisme, et d'autre part, du caractère indissociable de ces deux éléments, sans incidence sur la qualification de l'ensemble en tant qu'installation productrice de chaleur, au sens et pour l'application de l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts. Par suite, alors que la structure métallique est indissociable des panneaux dont elle est le soutien, la SAS Corsica Sole 2 est fondée à soutenir que l'ensemble de ces installations ouvre droit au régime de l'amortissement dégressif et, par suite, au crédit d'impôt au titre d'un investissement en Corse sur le fondement de l'article 244 quater E du code général des impôts.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 6, c'est à tort que le service a remis en cause l'amortissement dégressif réalisé par la SAS Corsica Sole 2 sur les structures métalliques supportant les panneaux photovoltaïques, dont elles sont indissociables. Il y a lieu, par suite, de prendre en compte, pour la détermination des bases d'imposition de la SAS Corsica Sole 2, des amortissements complémentaires à hauteur de 2 341 euros au titre de l'exercice clos en 2012.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à demander l'annulation du jugement susvisé du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il a procédé à une confusion entre les rectifications en base et les rappels de droits s'agissant des structures métalliques supportant les panneaux photovoltaïques.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées, à ce titre, par la SAS Corsica Sole 2. Par ailleurs, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions, de ce chef, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia est partiellement annulé à hauteur d'une somme de 2 341 euros.

Article 2 : Les résultats de la SAS Corsica Sole 2 au titre de l'exercice clos le 31 mai 2012 sont corrigés par la prise en compte d'amortissements complémentaires à hauteur de 2 341 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics et les conclusions de la SAS Corsica Sole 2 au titre des frais d'instance sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SAS Corsica Sole 2.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Mosser, présidente,

- Mme Paix, présidente assesseure,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

N°17MA03568 6


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 11/07/2019
Date de l'import : 30/07/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA03568
Numéro NOR : CETATEXT000038828602 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-11;17ma03568 ?
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