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11/07/2019 | FRANCE | N°16MA03642

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 16MA03642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...et Mme G...C...ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à verser à Mme E... les sommes de 4 189,64 euros au titre des frais divers, de 30 561,28 euros au titre des frais de santé restés à charge, ce montant étant à parfaire et s'ajoutant à la créance que présentera la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes, de 159 812,12 euros au titre des frais d'aides techniques et domotiques, montant à p

arfaire et venant s'ajouter à la créance de la CPAM, de 152 237 euros au ti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...et Mme G...C...ont demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à verser à Mme E... les sommes de 4 189,64 euros au titre des frais divers, de 30 561,28 euros au titre des frais de santé restés à charge, ce montant étant à parfaire et s'ajoutant à la créance que présentera la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes, de 159 812,12 euros au titre des frais d'aides techniques et domotiques, montant à parfaire et venant s'ajouter à la créance de la CPAM, de 152 237 euros au titre des frais de véhicule adapté, de 352 512 euros au titre des frais d'assistance par une tierce personne du 1er janvier 2010 au 31 juillet 2014, de 576 euros à multiplier par le nombre de jours passés au domicile du 1er septembre 2014 à la date de sortie du centre Le Chevalon au titre des frais d'assistance par une tierce personne, et à lui verser une rente trimestrielle de 52 560 euros par termes à échoir, au titre des frais d'assistance par une tierce personne futurs, rapportés au prorata des heures passées au domicile, les sommes de 18 259,83 euros au titre des frais d'aménagement du domicile, montant à parfaire après aménagement définitif d'un domicile adapté, de 1 566 647 euros au titre du préjudice professionnel, de 50 000 euros au titre des souffrances endurées, de 30 000 euros au titre du préjudice esthétique, de 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 600 000 euros au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, de 50 000 euros au titre du préjudice sexuel et de 50 000 euros au titre du préjudice d'établissement, et à verser à Mme G...C..., en son nom propre, les sommes de 50 000 euros au titre du préjudice moral et de 100 000 euros au titre du préjudice d'incidence professionnelle, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1995, date d'enregistrement de la première requête indemnitaire, et de la capitalisation desdits intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le CHRU de Nice à lui verser la somme de 3 579 280,50 euros, assortie des intérêts au taux légal et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1401323 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nice a condamné le CHU de Nice à verser à Mme E...la somme totale de 1 593 650,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2014, date d'enregistrement de la demande, et capitalisation des intérêts à compter du 29 mars 2015, ainsi qu'à compter de cette décision une rente trimestrielle d'un montant de 35 000 euros (assistance par tierce personne), une rente annuelle d'un montant de 390 euros (frais de lunettes), une rente de 16 711,49 euros (remplacement du fauteuil) tous les cinq ans, une rente de 17 400 euros (remplacement du véhicule) tous les sept ans et une rente de 3 432,04 euros (renouvellement du lit médicalisé) tous les dix ans, les montants de ces rentes, payables à terme échu, devant être revalorisés par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Le tribunal administratif de Nice a également condamné le CHRU de Nice à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 349 825,88 euros sous forme de capital portant intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2015 et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ainsi qu'une rente annuelle de 2 637 euros (frais de santé futurs au titre des soins), une rente de 2 259,47 euros (frais d'équipement divers) tous les trois ans, une rente tous les cinq ans de 2 050 euros et une seconde rente tous les cinq ans de 4 448,86 euros (respectivement pour le lit médicalisé et pour le fauteuil roulant électrique), les montants de ces rentes, payables à terme échu, devant être revalorisés par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2016 et le 4 décembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 en tant que ce jugement a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Nice a été condamné au titre des débours ;

2°) de porter à la somme de 1 559 642,54 euros avec intérêts au taux légal, le montant de cette indemnité et à la somme de 1 047 euros le montant dû au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un montant de 713 885,09 euros reste dû s'agissant des dépenses de santé antérieures au 30 décembre 2010 ;

- le montant des soins post-consolidation et de placement s'élève à la somme de 384 914 euros et non seulement à celle de 349 825,88 euros accordée par les premiers juges ;

- elle a droit au remboursement des frais de renouvellement de chaussures orthopédiques à hauteur de 68 533,99 euros ;

- elle justifie de frais futurs viagers à hauteur de la somme de 92 020,75 euros à parfaire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 mars 2018, le 11 décembre 2018, le 14 juin 2019 et le 18 juin 2019, le CHRU de Nice, représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la CPAM du Var et la demande présentée par Mmes E...etC... par la voie de l'appel incident ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réduire l'indemnisation accordée à MmeE....

Il soutient que :

- son appel incident est recevable en dépit du désistement de son appel principal ;

- la demande de Mme E...relative aux frais d'assistance par un médecin conseil aux opérations d'expertise, nouvelle en appel, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la CPAM du Var et par Mmes E...et C...ne sont pas fondés ;

- la rente allouée à la CPAM relative au lit médicalisé doit être évaluée sur la base d'un remplacement tous les dix ans et non tous les cinq ans ;

- il s'oppose à la capitalisation des rentes allouées à la CPAM ;

- les indemnités accordées à Mme E...relatives aux frais d'assistance par une tierce personne, de véhicule adapté, et de fauteuil roulant et de lit médicalisé et concernant le préjudice professionnel, le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Par des mémoires enregistrés le 27 avril 2018 et le 28 décembre 2018, MmeE..., assistée de son curateur M. B...E..., représentée par le cabinet Preziosi-Ceccaldi, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 en tant que ce jugement a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Nice a été condamné au titre de ses préjudices ;

2°) de porter le montant de cette indemnité à la somme totale de 4 644 999,09 euros, à parfaire en ce qui concerne les frais d'aides techniques et domotiques, et la rente trimestrielle au titre des arrérages futurs des frais d'assistance par une tierce personne à la somme de 52 560 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant des frais divers s'élève à 4 189,64 euros, dès lors qu'un montant de 1 100 euros a été exposé au titre des frais d'assistance par un médecin conseil aux opérations d'expertise ;

- les frais relatifs aux lunettes doivent être capitalisés ;

- elle a droit au remboursement des frais relatifs aux séjours au sein du " Brucker Biofeedback Center " ;

- il convient d'actualiser le coefficient de capitalisation applicable aux frais de relaxateur ;

- les frais relatifs au fauteuil roulant et au lit médicalisé doivent être capitalisés ;

- les frais de véhicule adapté s'élèvent à la somme de 196 121,19 euros ;

- les frais d'assistance par une tierce personne doivent être indemnisés à hauteur de 24 euros par heure, soit 576 euros par jour, au prorata du nombre d'heures passés au domicile ;

- le jugement doit être confirmé s'agissant des frais d'aménagement du domicile et de l'indemnisation du préjudice d'établissement ;

- l'indemnisation du préjudice professionnel doit être portée à la somme de 2 002 976,07 euros ;

- les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de la somme de 50 000 euros ;

- le préjudice esthétique doit être indemnisé à hauteur de la somme de 30 000 euros ;

- le préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de la somme de 50 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de la somme de 600 000 euros ;

- le préjudice sexuel doit être indemnisé à hauteur de la somme de 50 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., représentant les caisses primaires d'assurance maladie du Var et des Alpes-Maritimes, et de MeA..., représentant M. et MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E...ont recherché, au nom de leur fille mineure D...et en leur nom personnel, la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice du fait des conséquences dommageables de l'accouchement pratiqué à l'hôpital Saint-Roch le 30 décembre 1992, duquel il est résulté pour D...une quadriplégie spastique et dystonique asymétrique. Par jugements des 25 septembre 1998 et 21 décembre 1999, le tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité du CHRU de Nice et mis notamment à sa charge, outre l'indemnisation des parents du fait de l'état de santé de leur fille, le versement d'une rente annuelle de 180 000 francs (27 441 euros) indemnisant D...de la totalité des chefs de préjudice découlant de son invalidité et ce, jusqu'au 30 décembre 2010, date de sa majorité, son préjudice ne pouvant être évalué de façon définitive par un expert avant cette date. Il était également précisé que les frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes au titre de l'éducation d'D... dans un établissement spécialisé s'imputeraient sur ladite rente dans la limite de 60 % du montant de celle-ci, fraction représentant la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de l'intéressée. Conformément à ces jugements, devenus définitifs, le versement de la rente a été interrompu le 30 décembre 2010. La demande présentée devant le tribunal administratif de Nice a eu pour objet l'évaluation du montant des préjudices à indemniser à compter du 1er janvier 2011, depuis la majorité de Mme D...E..., après réalisation d'une expertise. L'étendue du litige d'appel est ainsi relative à la détermination du montant de la réparation due par le CHRU de Nice à Mme E...au titre des préjudices subis par celle-ci pour la période postérieure à la majorité et à la CPAM du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes au titre des débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion.

2. Le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. S'agissant, en revanche, des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si la réparation par le tiers responsable doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable, sans que le choix ne soit subordonné à l'accord du responsable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Les premiers juges ont condamné le CHRU de Nice, au titre des frais futurs d'appareillage, à verser à compter du 30 juin 2016, outre deux rentes payables à terme échu tous les cinq ans d'un montant de 2 050 euros pour le lit médicalisé, de 4 448,86 euros pour le fauteuil roulant électrique, une rente payable à terme échu tous les trois ans d'un montant de 2 259,47 euros pour les frais d'équipement divers, au nombre desquels ont été pris en compte, contrairement à ce que soutient la CPAM du Var, les frais de renouvellement de chaussures orthopédiques. Le jugement n'est donc pas entaché d'une omission à statuer sur les conclusions de la CPAM relatives au renouvellement des chaussures orthopédiques.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et les conclusions du CHRU relatives aux droits de celle-ci :

4. Les débours exposés par la CPAM jusqu'au 23 décembre 2010, date de la consolidation de l'état de santé de MmeE..., ont été mis à la charge du CHRU de Nice par le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 décembre 1999 sauf en ce qui concerne les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de massages exposés postérieurement à la date de ce jugement. Ainsi, d'une part, il appartient à la CPAM de faire usage des voies de droit permettant d'obtenir l'exécution de ce jugement passé en force de chose jugée pour obtenir le versement des sommes mises à la charge de l'établissement de soins et qui n'auraient pas été payées. L'autorité de chose jugée attachée à ce jugement s'oppose donc à la demande présentée par la CPAM du Var dans le cadre de la présente instance dans cette mesure. D'autre part et en revanche, la CPAM du Var a droit au paiement de la somme de 110 518,59 euros correspondant, ainsi que cela ressort de la notification définitive rectifiée des débours du 11 juin 2019, aux frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de massages exposés entre le 21 décembre 1999 et le 31 décembre 2010.

5. Au titre des frais de soins postérieurs au 31 décembre 2010, la CPAM du Var demande, outre la somme de 349 825,88 euros accordée par les premiers juges s'agissant des arrérages pour le placement de Mme E...en institution éducative spécialisée, somme qui n'est pas remise en cause en appel par le CHRU de Nice, la somme de 35 088,12 euros concernant les frais médicaux exposés au titre des années 2011 à 2015. Cette somme est justifiée par la production du relevé définitif des prestations et l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la sécurité sociale. Il y a donc lieu de condamner le CHRU de Nice à verser cette somme à la CPAM du Var.

6. Ainsi que cela a été exposé au point 3, les frais de renouvellement de chaussures orthopédiques ont été pris en compte au titre des frais d'équipement divers faisant l'objet de la rente payable à terme échu tous les trois ans d'un montant de 2 259,47 euros allouée par les premiers juges. La demande présentée à ce titre par la CPAM du Var doit donc être rejetée. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du CHRU tendant à ce que la rente relative au lit médicalisé soit payable à terme échu tous les dix ans seulement, eu égard aux besoins de Mme E...à ce titre.

7. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, les frais de santé futurs au titre des soins représentent une somme de 2 637 euros par an, ainsi que cela ressort en particulier de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil de la sécurité sociale. Ce montant, qui n'est pas contesté par le CHRU de Nice, a été mis à la charge de celui-ci par le jugement attaqué, en application des principes rappelés au point 2, sous la forme d'une rente annuelle à verser à terme échu à compter du 30 juin 2016 et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code la sécurité sociale. Dans ces conditions, la CPAM du Var n'est pas fondée à demander à ce titre la condamnation du CHRU de Nice à lui verser une somme de 92 020,75 euros à parfaire.

8. Il résulte de ce qui précède que la somme de 349 825,88 euros que le CHRU de Nice a été condamné à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes sous forme de capital par le jugement attaqué au titre des débours est portée à la somme 495 432,59 euros. Par ailleurs, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 27 février 2015, date d'enregistrement de la demande de la CPAM des Alpes-Maritimes devant le tribunal, et non à compter du 22 septembre 2015 comme cela a été retenu à tort par les premiers juges.

9. Les conclusions de la CPAM du Var tendant à la majoration des sommes dues au titre des prestations versées étant partiellement accueillies, il y a lieu de porter à la somme de 1 080 euros le montant de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, par application de l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur l'indemnisation des préjudices subis par MmeE... :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

10. Les dépenses engagées au titre des frais d'étude de son dossier médical et d'assistance par un médecin conseil à l'expertise, dont le remboursement a été demandé devant le tribunal contrairement à ce que soutient le CHRU en opposant une fin de non-recevoir non fondée sur ce point, ont été utiles à la solution du litige et sont justifiées à hauteur de 1 100 euros. Il convient dès lors de mettre à la charge du CHRU de Nice cette somme.

11. Au titre des frais de lunettes de MmeE..., c'est à juste titre que les premiers juges ont mis à la charge du CHRU de Nice la somme de 1 951 euros correspondant aux frais relatifs aux années 2011 à 2015 et, au titre des frais futurs, une rente annuelle de 390 euros, payable à terme échu et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Il n'y a pas lieu de remplacer cette rente par l'allocation d'une somme capitalisée.

12. S'agissant des frais des séjours effectués par Mme E...au sein du " Brucker Biofeedback Center " à Miami aux Etats-Unis pour un montant de 7 361,06 euros, cette dépense, bien qu'antérieure au 31 décembre 2010, correspond à une aggravation du préjudice à caractère patrimonial, dès lors qu'elle a été exposée postérieurement au jugement du tribunal administratif de Nice du 27 décembre 1999. Si ces séances effectuées à l'étranger ne sont pas remboursées par l'assurance maladie, il résulte de l'instruction que ces soins ont été rendus nécessaires par le handicap dont souffre MmeE.... Ils doivent dès lors être mis à la charge du CHRU de Nice.

13. La prise en charge des frais pour la location d'un relaxateur de pression de type Alpha 200, non remboursés par la sécurité sociale, n'est pas contestée par le CHRU de Nice. Toutefois, il y a lieu de porter la somme de 4 575,20 euros accordée à ce titre par les premiers juges à celle de 5 232,10 euros afin de tenir compte de l'actualisation du coefficient de capitalisation appliqué.

14. S'agissant des frais de fauteuil roulant et de lit médicalisé, la requérante justifie avoir acquis un fauteuil roulant, pour un montant resté à charge de 16 711,49 euros et un lit médicalisé pour 3 432,04 euros. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont mis à la charge du CHRU de Nice ces dépenses de 20 143,53 euros. En revanche, pour l'avenir, il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que l'organisme de sécurité sociale prend en charge les frais de renouvellement de fauteuil roulant et de lit médicalisé. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont également accordé deux rentes à la requérante à ce titre. Les frais futurs exposés par Mme E...relatifs à un éventuel reste à charge concernant le fauteuil roulant et le lit médicalisé seront mis à la charge du CHRU de Nice sur production auprès de celui-ci des justificatifs d'un tel reste à charge.

15. Mme E...est fondée à obtenir une indemnité destinée à compenser le surcoût de l'acquisition ou des aménagements d'un véhicule automobile induits par son handicap ainsi que les frais de renouvellement ultérieur. Il résulte de l'instruction que les parents de Mme E...ont loué pour leur fille, en septembre 2011, un véhicule adapté pour un montant de 2 667,99 euros puis en ont acquis un en 2013 pour un montant 17 400 euros. C'est à bon droit que les premiers juges ont mis la somme totale de 20 067,99 euros à la charge du CHRU de Nice, et ont estimé que celui-ci devra également supporter la charge du renouvellement de ce véhicule, en payant, à terme échu, à la requérante une rente, tous les sept ans, d'un montant de 17 400 euros revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

16. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

17. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme E...nécessite une assistance par tierce personne de 24 heures par jour. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux quotidien de 300 euros. Pour la période allant du 1er janvier 2011 jusqu'à la date du présent arrêt, il résulte de l'instruction que Mme E...a vécu au domicile 164 jours par an jusqu'au 31 juillet 2013, 212 jours par an du 1er août 2013 au 31 août 2014, puis quotidiennement dans un logement autonome à compter du 1er septembre 2014. Les arrérages de frais pour tierce personne doivent être fixés pour cette période à la somme totale de 817 603,81 euros, dont il convient de soustraire la somme totale de 145 149,41 euros versée par le département des Bouches-du-Rhône et par le département de l'Isère au titre de la prestation de compensation du handicap. Ce préjudice doit en conséquence être indemnisé à hauteur de la somme de 672 454,40 euros.

18. Il y a lieu en outre d'allouer au titre de l'assistance par une tierce personne pour la période postérieure à la date de lecture du présent arrêt, une rente trimestrielle dont le montant payable à terme échu, est fixé à 30 900 euros et sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. En cas de placement en institution spécialisée ou d'hospitalisation, le montant de la rente sera calculé au prorata des nuits passées au domicile. En outre, la rente future au titre de la tierce personne devra être versée à Mme E... sous réserve de la déduction des sommes servies au titre de la prestation de compensation du handicap correspondant à une aide humaine qu'il appartiendra au curateur de Mme E...de porter à la connaissance du CHRU de Nice.

19. S'agissant du préjudice professionnel, aucune perte de gains professionnels ne peut être invoquée, compte tenu de l'âge de la victime lors de l'apparition des dommages. Par ailleurs, l'incidence professionnelle, réparant la perte de chance d'exercer une activité professionnelle et constituant un poste de préjudice distinct de celui relatif à la perte de revenus professionnels, ne peut pas être évaluée en fonction du salaire que la victime affectée d'un handicap dès sa naissance aurait pu hypothétiquement percevoir à sa majorité. Il y a lieu, au titre de l'incidence professionnelle certaine subie par Mme E...qui ne peut pas travailler, même en milieu protégé ainsi que l'a relevé l'expert en conclusion du rapport de l'expertise diligentée par le président du tribunal administratif de Nice, de lui allouer la somme de 150 000 euros, et non celle de 275 000 euros retenue par les premiers juges.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

20. Compte tenu du taux du déficit fonctionnel permanent, fixé par l'expert à 95 %, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en retenant la somme de 500 000 euros.

21. Eu égard aux souffrances endurées, évaluées par l'expert à 6 sur une échelle allant de 1 à 7, au préjudice esthétique, évalué à 5 sur une échelle allant de 1 à 7, au préjudice sexuel et au préjudice d'agrément subis par MmeE..., les premiers juges ont fait une appréciation suffisante et non surévaluée de ces préjudices en en fixant la réparation à la somme totale de 100 000 euros.

22. Le préjudice d'établissement subi par MmeE..., dont la capacité de réaliser un projet de vie familiale est réduite, sera justement évalué à la somme de 150 000 euros, et non à la somme de 250 000 euros fixée par les premiers juges.

23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'établissement de soins à la demande de MmeE..., et compte tenu des sommes que le tribunal a allouées aux points 3 et 18 non contestés du jugement attaqué, la somme que le CHRU de Nice doit verser à celle-ci doit être ramenée à celle, globale, de 1 557 934,82 euros, hors rentes, après déduction de la somme de 91 725,47 euros qui lui a été versée à titre de provision par le juge des référés du tribunal administratif de Nice. Cette somme sera assortie, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2014, date d'enregistrement de la requête, avec capitalisation des intérêts à compter du 28 mars 2015. Le CHRU de Nice est également fondé à demander la réformation du jugement en tant que celui-ci l'a condamné à verser à Mme E...une rente de 16 711,49 euros (remplacement du fauteuil) tous les cinq ans et une rente de 3 432,04 euros (renouvellement du lit médicalisé) tous les dix ans. En outre, le montant de 35 000 euros de la rente trimestrielle au titre des frais d'assistance par une tierce personne que le CHRU de Nice a été condamné à verser à Mme E...par le jugement du 30 juin 2016 à compter de la date de lecture de celui-ci doit être ramené à la somme de 30 900 euros.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Nice, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 000 euros à la CPAM du Var. La demande présentée par Mme E...sur le même fondement doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 349 825,88 euros que le CHRU de Nice a été condamné à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes sous forme de capital par le jugement du 30 juin 2016 au titre des débours est portée à la somme de 495 432,59 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 27 février 2015.

Article 2 : La somme de 1 037 euros que le CHRU de Nice a été condamné à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes par le jugement du 30 juin 2016 au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à la somme de 1 080 euros.

Article 3 : La somme de 1 593 650,46 euros que le CHRU de Nice a été condamné à verser à Mme E...par le jugement du 30 juin 2016 est ramenée à la somme de 1 557 934,82 euros.

Article 4 : Le montant de 35 000 euros de la rente trimestrielle au titre des frais d'assistance par une tierce personne que le CHRU de Nice a été condamné à verser à Mme E... par l'article 2 du jugement du 30 juin 2016 à compter de la date de lecture de celui-ci est ramené à la somme de 30 900 euros.

Article 5 : Le surplus de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2016 est annulé en tant qu'il condamne le CHRU de Nice à verser à Mme E...une rente de 16 711,49 euros (remplacement du fauteuil) tous les cinq ans et une rente de 3 432,04 euros (renouvellement du lit médicalisé) tous les dix ans. Les frais futurs exposés par Mme E...relatifs à un éventuel reste à charge concernant le fauteuil roulant et le lit médicalisé seront mis à la charge du CHRU de Nice sur production auprès de celui-ci des justificatifs.

Article 6 : Le CHRU de Nice versera à la CPAM du Var une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de Mme E...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à Mme D...E..., à M. B... E...et au centre hospitalier régional universitaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- MmeJ..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

La rapporteure,

signé

K. JORDA-LECROQLe président,

signé

T. VANHULLEBUS

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

10

N° 16MA03642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03642
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : COTTRAY-LANFRANCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-11;16ma03642 ?
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