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09/07/2019 | FRANCE | N°18MA04831

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2019, 18MA04831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1708906 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te, enregistrée le 13 novembre 2018, et un mémoire enregistré le 13 juin 2019, Mme A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1708906 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2018, et un mémoire enregistré le 13 juin 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas tardive, compte tenu des dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée en fait ;

- faute pour le préfet des Bouches-du-Rhône d'avoir saisi la commission du titre de séjour, la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte ladite mesure sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 mai 2019, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 juin 2019 à 12 heures.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1955 et de nationalité cambodgienne, fait appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait, le cas échéant, éloignée.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations du public avec l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-3 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision de refus de titre de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle précise notamment la date d'entrée en France de Mme A..., les conditions de son séjour ainsi que sa situation familiale. Dès lors, alors même que l'arrêté en litige ne mentionnerait pas de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle de la requérante, le moyen tiré de ce qu'il serait insuffisamment motivé, notamment en fait, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Mme A... fait valoir que le centre de ses intérêts familiaux se situe en France où résident sa fille, veuve depuis décembre 2015 et qui a acquis la nationalité française, ainsi que ses trois petits enfants qu'elle prend en charge au quotidien et qu'elle est dépourvue d'attache familiale au Cambodge, ses quatre autres enfants résidant au Vietnam et son époux l'ayant quittée en 2008. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France en 2009, alors qu'elle était âgée de 54 ans. Elle n'établit pas, par la seule pièce produite sur ce point consistant en une copie d'attestation datée du 28 février 2017 émanant du chef du village dont elle est originaire mentionnant " cette personne a réellement quatre enfants dont deux filles. Actuellement, elle vit toute seule car ses quatre enfants ont travaillé en Thaïlande ", que ses quatre autres enfants résideraient en dehors du territoire cambodgien et ne démontre ainsi pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. En outre, Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait recevoir l'aide financière de ses enfants en résidant dans son pays d'origine ni qu'une organisation pour la prise en charge de ses petits-enfants, en dehors des jours et heures d'école, serait impossible sans sa présence. Enfin, les premiers juges n'ont évoqué que de manière surabondante la circonstance qu'il était loisible à l'intéressée de présenter une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de délivrance de titre de séjour contesté aurait été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. Ces moyens doivent donc être écartés.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs indiqués au point 4, Mme A... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour précitée avant de rejeter sa demande.

6. Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, si en application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a visé dans l'arrêté contesté, l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée, cette motivation se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant l'édiction d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, Mme A... n'établissant pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, la requérante ne justifiant pas être éligible à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

11. Enfin, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Au regard des conditions du séjour en France de l'intéressée telles que rappelées au point 4, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation de Mme A... d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2019.

N° 18MA04831 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA04831
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : HUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-09;18ma04831 ?
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