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04/07/2019 | FRANCE | N°18MA02099

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18MA02099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de déclarer l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) responsable des conséquences dommageables de deux interventions chirurgicales réalisées les 21 février et 5 mars 2003 et de la condamner à lui verser une provision de 100 000 euros.

Par un jugement nos 1200801 et 1303243 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande après avoir ordonné une expertise médicale.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de déclarer l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) responsable des conséquences dommageables de deux interventions chirurgicales réalisées les 21 février et 5 mars 2003 et de la condamner à lui verser une provision de 100 000 euros.

Par un jugement nos 1200801 et 1303243 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande après avoir ordonné une expertise médicale.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre à l'AP-HM de communiquer le dossier médical en sa possession et d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) de condamner l'AP-HM à lui verser une provision de 50 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expertise ordonnée par le tribunal administratif est irrégulière, dès lors qu'elle est fondée sur des pièces qui n'ont pas été communiquées contradictoirement aux parties ;

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en ne faisant pas droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'AP-HM de communiquer le dossier médical en sa possession ;

- l'absence de préparation cutanée et d'antibioprophylaxie avant les deux interventions chirurgicales constituent des fautes médicales de nature à engager la responsabilité de l'AP-HM ;

- l'AP-HM a commis un manquement à son obligation d'information en s'abstenant de l'informer du risque d'algodystrophie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2019, l'AP-HM, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée aux caisses primaires d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la Côte d'Opale et de l'Artois, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant l'AP-HM.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., né en 1968, a été victime le 20 février 2003 d'une fracture du quart inférieur de la jambe gauche suite à une chute accidentelle. Il a été opéré le lendemain à l'hôpital de la Conception, relevant de l'AP-HM, par la pose d'un fixateur externe. Une intervention de reprise a été réalisée le 5 mars 2003 par une ostéosynthèse interne et la pose de deux vis intra-focales pour fixer le foyer de la fracture. Une pseudarthrose septique a été diagnostiquée le 15 avril 2004 et prise en charge au sein de l'Institut Calot de Berck-sur-Mer après le déménagement du patient. La date de consolidation a été fixée au 19 mai 2011.

2. M. B...fait appel du jugement du 8 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir ordonné une expertise médicale par un jugement avant dire droit du 1er juin 2015, a rejeté sa demande tendant à engager la responsabilité de l'AP-HM.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du courrier adressé le 27 juin 2016 par le conseil de l'AP-HM à l'expert nommé par le tribunal administratif, joint au rapport de ce dernier, que l'AP-HM a transmis à l'expert les pièces du dossier médical en sa possession. Il ressort en outre du courrier du 22 août 2016 par lequel l'expert a attiré l'attention de la présidente du tribunal administratif sur l'existence de difficultés pour assurer le respect du caractère contradictoire de l'expertise, auquel il n'a d'ailleurs pas été répondu, et du dire adressé à l'expert le 19 février 2017 par le médecin-conseil de M. B... que si ce dernier a eu accès au dossier médical de l'Institut Calot, qui comporte environ 700 pièces, le dossier médical détenu par l'AP-HM n'a pas été communiqué à M.B..., à son médecin-conseil ou à son avocat dans le cadre des opérations d'expertise. C'est en conséquence à tort que le tribunal administratif a retenu " qu'il ne résulte toutefois pas des mentions du rapport d'expertise que l'expert aurait eu en sa possession l'entier dossier du patient " et " qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que l'expert n'aurait pas communiqué au requérant les pièces médicales transmises par l'AP-HM le 24 juin 2015 " pour écarter les moyens par lesquels M. B... contestait la régularité de cette expertise.

4. Il résulte cependant de l'instruction que l'expert a rédigé, à partir des documents transmis par l'AP-HM et par l'Institut Calot, un pré-rapport exposant le contenu des pièces sur lesquels il s'appuie et les conclusions qu'il en tire, qu'il a adressé aux parties le 29 décembre 2016. M. B..., qui pouvait par ailleurs demander à l'AP-HM la communication de son dossier médical dans les conditions prévues par l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ainsi que cela a été rappelé à plusieurs reprises, a été mis à même de présenter ses observations sur ce pré-rapport, ce que son médecin-conseil a d'ailleurs fait par le dire du 19 février 2017 mentionné ci-dessus. Il suit de là que le caractère contradictoire de l'expertise n'a pas été méconnu.

5. Le tribunal administratif s'est implicitement estimé suffisamment éclairé par le rapport d'expertise et les autres pièces du dossier pour ne pas enjoindre à l'AP-HM, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de communiquer le dossier médical en sa possession au demandeur en laissant le cas échéant au demandeur le soin de porter son dossier à la connaissance du tribunal. Il n'a ce faisant pas commis d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'origine de l'infection :

6. Le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. "

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert nommé par le tribunal administratif, que la pseudarthrose septique suspectée en janvier 2004 et diagnostiquée le 15 avril 2004, provoquée par une bactérie endogène appartenant à la flore du patient, résulte de la gravité du traumatisme initial, du déplacement secondaire des fragments avec constitution d'un hématome, du non-respect par le patient des consignes de décharge par des reprises d'appui sur la jambe opérée, de plusieurs nouvelles chutes accidentelles en juillet et en août 2003 ayant provoqué des sur-fractures, et du non-respect des consignes d'abstention tabagique, qui ont entravé la microcirculation et fait obstacle à la vascularisation correcte du foyer de fracture et des infections sous-cutanées. Compte tenu de ces éléments et du délai écoulé entre l'apparition de l'infection contractée par M. B...et les interventions chirurgicales pratiquées, cette infection n'a pas présenté un caractère nosocomial. Les épisodes infectieux ultérieurs, provoqués par des souches différentes, ne sont pas non plus liés aux soins reçus en 2003 au sein de l'hôpital de la Conception.

8. En outre, si l'équipe médicale de l'hôpital de la Conception a commis des fautes en l'absence de préparation cutanée et d'antibioprophylaxie avant les interventions chirurgicales des 21 février et 5 mars 2003, et en n'ayant pas respecté les recommandations du comité de lutte contre les infections nosocomiales lors du retrait du fixateur externe, celles-ci ne sont pas à l'origine de l'infection contractée par M. B...pour les mêmes motifs que ceux vus au point précédent.

En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :

9. L'article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. "

10. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.

11. Si M. B...a également présenté après les interventions du 21 février 2003 et du 5 mars 2003 une neuroalgodystrophie, qui constitue un risque connu lié à toute intervention chirurgicale, et soutient ne pas avoir été préalablement informé de ce risque, il n'est pas contesté que, comme le soutient l'AP-HM en défense, ces interventions étaient impérieusement requises. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les préjudices dont il est demandé réparation soient imputables à cette neuroalgodystrophie et non aux épisodes infectieux évoqués ci-dessus. Le manquement de l'AP-HM à son obligation d'information n'est ainsi en tout état de cause pas à l'origine d'une perte de chance d'éviter le dommage.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il n'est dès lors pas nécessaire d'ordonner avant dire droit à l'AP-HM de communiquer le dossier médical en sa possession à M. B...ou d'ordonner une nouvelle expertise.

Sur les frais liés au litige :

13. L'AP-HM n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B...au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille, et aux caisses primaires d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la Côte d'Opale et de l'Artois.

Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

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N° 18MA02099

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02099
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SAB

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-07-04;18ma02099 ?
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