La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2019 | FRANCE | N°17MA02071

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 juin 2019, 17MA02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) L'Enclos a demandé au tribunal administratif de Nîmes, premièrement, d'annuler la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dan

s son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) L'Enclos a demandé au tribunal administratif de Nîmes, premièrement, d'annuler la décision du 6 janvier 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 6 980 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé par lettre du 5 février 2015, deuxièmement d'annuler les titres de perception émis le 15 mars 2015 pour le recouvrement des sommes de 6 980 et 2 124 euros et troisièmement de lui accorder la décharge de l'obligation de payer ces sommes.

Par un jugement n° 1501458 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2017 et le 27 juillet 2018, la SCEA L'Enclos représentée par Me D... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 6 janvier 2015 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 5 février 2015 ;

3°) d'annuler les titres de perception émis le 15 mars 2015 pour le recouvrement des sommes de 6 980 et 2 124 euros ;

4°) de lui accorder la décharge de l'obligation de payer ces sommes ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de l'article L. 5221-8 du code du travail, l'employeur n'avait pas à vérifier l'autorisation de travailler du salarié étranger ;

- aucun élément intentionnel ne peut être retenu à sa charge dès lors qu'elle s'est assurée que le salarié embauché détenait une autorisation d'exercer une activité salariée en France ;

- le salarié a usurpé l'identité d'un ressortissant algérien pour se faire embaucher ;

- elle n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me D..., représentant la SCEA l'Enclos.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle effectué par des agents de la police nationale dans la propriété agricole exploitée par la SCEA l'Enclos le 12 décembre 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que cette société avait employé un travailleur étranger, M. C... A..., démuni de titre de séjour et d'autorisation de travail. Par une décision du 6 janvier 2015 confirmée sur recours gracieux formé le 5 février 2015, il a mis à la charge de cette société les sommes de 6 980 euros et 2 124 euros au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Des titres de perception ont ensuite été émis le 15 mars 2015 pour le recouvrement de ces contributions. Saisi par la SCEA L'Enclos, le tribunal administratif de Nîmes, par un jugement du 24 mars 2017, a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2015 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux, des titres de perception émis le 15 mars 2015 pour le recouvrement des sommes de 6 980 et 2 124 euros et tendant à la décharge de l'obligation de payer ces sommes. La SCEA L'Enclos relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de la SCEA L'Enclos : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. " Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".

3. Aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi (...) " ; que selon l'article R. 5221-41 du même code : " Pour s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail d'un étranger qu'il se propose d'embaucher, en application de l'article L. 5221-8, l'employeur adresse au préfet du département du lieu d'embauche ou, à Paris, au préfet de police une lettre datée, signée et recommandée avec avis de réception ou un courrier électronique, comportant la transmission d'une copie du document produit par l'étranger. A la demande du préfet, il peut être exigé la production par l'étranger du document original. ". L'article R. 5221-42 de ce code dispose que : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. / Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier, télécopie ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.

5. Il résulte de l'instruction qu'un des ressortissants étrangers employé par la SCEA L'Enclos séjournait irrégulièrement en France et était dépourvu d'autorisation de travail. Si l'intéressé a produit lors de son embauche un titre de séjour et une carte vitale, il ressort des propres déclarations de la gérante de fait de la société L'Enclos lors de son audition par les services de police qu'elle n'a pas pris le soin de vérifier les photos portées sur ces documents. Cette simple vérification l'aurait pourtant mise en mesure de constater que ces documents procédaient d'une usurpation d'identité. Par ailleurs, la société L'Enclos n'a pas effectué les diligences prévues par les dispositions précitées des articles R. 5241-41 et R. 5241-42 du code du travail pour s'assurer auprès des services préfectoraux de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France. En outre, dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que l'étranger s'était présenté à elle avec un document permettant d'établir une inscription au registre des demandeurs d'emploi, la société L'Enclos ne peut utilement soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 5221-8 du code du travail, elle était dispensée d'effectuer les diligences exigées par ces mêmes dispositions. Par suite, et alors même que les procès-verbaux d'infraction n'auraient pas été suivis de poursuites pénales, la société requérante ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel du manquement qui lui est reproché, ni, dès lors qu'elle n'a pas respecté les obligations découlant de l'article L. 5221-8, sa prétendue bonne foi.

6. Il résulte de ce qui précède que la SCEA L'Enclos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OFII, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la SCEA L'Enclos au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros à verser à l'OFII sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCEA L'Enclos est rejetée.

Article 2 : La SCEA L'Enclos versera à l'OFII une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA L'Enclos et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme E..., première conseillère,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

N° 17MA02071

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02071
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-032-01 Travail et emploi. Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs. Emploi des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP GOUJON-MAURY-CHAUVET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-28;17ma02071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award