Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 6 février 2017 par laquelle le maire de la commune de Lucciana a délivré à Mme C... un certificat d'urbanisme opérationnel en vue d'édifier une maison individuelle de 150 m² sur le terrain cadastré section AA parcelle 102 au lieu-dit Campotolo.
Par un jugement n° 1700866 du 23 août 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2018, le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 août 2018 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler la décision du 6 février 2017 du maire de la commune de Lucciana.
Il soutient que :
- le projet méconnaît les dispositions du plan de prévention du risque incendie de forêt (PPRIF), dès lors que l'édification d'une construction en zone rouge est interdite ;
- il n'est pas certain que la zone puisse être défendue de façon constante, dès lors que sa sécurité dépend en grande partie de la bonne volonté de particuliers ;
- les premiers juges et Mme C...ne se sont fondés sur aucun élément technique pour remettre en cause le classement de la parcelle en zone B0 ;
- la maire n'a pas sollicité le déclassement de la parcelle en zone B1a, B1 ou B2 ;
- la délivrance du certificat est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a vendu le 15 octobre 2018 la parcelle objet du certificat d'urbanisme à M.A..., qu'il convient d'appeler à l'instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2019, la commune de Lucciana, représentée par MeF..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Bastia a censuré, par la voie de l'exception d'illégalité, le zonage B0 à l'occasion de recours dirigés contre des certificats d'urbanisme négatifs sur des parcelles voisines cadastrées AA 145 et AA 147 ;
- le tribunal administratif de Bastia a également rejeté la requête tendant à l'annulation d'un permis de construire accordé sur la parcelle cadastrée section BB n° 18 laquelle jouxte, en sa limite nord-ouest, la parcelle AA 102 objet du présent contentieux ;
- la parcelle objet du certificat d'urbanisme peut être défendue contre les incendies ;
- le classement de la parcelle en secteur B0 du PPRIF est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision du maire ne méconnaît pas l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 24 avril 2019, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Bastia a censuré, par la voie de l'exception d'illégalité, le zonage B0 à l'occasion de recours dirigés contre des certificats d'urbanisme négatifs sur des parcelles voisines cadastrées AA 145 et AA 147 ;
- le tribunal administratif de Bastia a également rejeté la requête tendant à l'annulation d'un permis de construire accordé sur la parcelle cadastrée section BB n° 18 laquelle jouxte, en sa limite nord-ouest, la parcelle AA 102 objet du présent contentieux ;
- la parcelle objet du certificat d'urbanisme peut être défendue contre les incendies ;
- le classement de la parcelle en secteur B0 du PPRIF est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision ne méconnaît pas l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 6 février 2017, le maire de Lucciana a délivré à Mme C...un certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la construction d'une maison individuelle pour une surface de plancher de 150 m² sur une parcelle cadastrée section AA 102, lieu-dit " Compotolo ", à Lucciana. Le préfet de la Haute-Corse relève appel du jugement du 23 août 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur l'intervention volontaire de M.A... :
2. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle objet du certificat d'urbanisme demandé par Mme C...a été vendue le 15 octobre 2018 à M.A.... Ce dernier a donc intérêt au maintien de la décision du maire délivrant un certificat d'urbanisme opérationnel positif sur cette parcelle. Il s'ensuit que son intervention en défense est recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs... ".
4. Il ressort de ces dispositions et de celles des articles L. 562-3 et L. 562-4 du code de l'environnement que les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont pour objet et pour effet de délimiter des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent des contraintes d'urbanisme importantes s'imposant directement aux personnes publiques et aux personnes privées. Il résulte de ces caractéristiques que le règlement de ces plans comprend des prescriptions pouvant notamment fonder l'octroi ou le refus d'une autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol.
5. D'autre part, en vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.
6. Le préfet de la Haute-Corse soutient que le projet en litige méconnaît les dispositions du règlement du plan de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) de Lucciana classant le terrain d'assiette en secteur B0 à risque sévère d'incendie, qui subordonnent la constructibilité des terrains à la réalisation d'une zone de protection collective rapprochée dont l'objet est la mise en oeuvre de mesures propres à prévenir la propagation des incendies du milieu naturel vers les zones urbanisées.
7. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle en cause est incluse dans une zone urbanisée, notamment à l'est et au sud, et dont l'environnement immédiat est faiblement boisé. A proximité se trouvent plusieurs points d'eau composés des piscines des constructions avoisinantes mais également du réservoir d'eau du SIVOM de la Marana d'une capacité de 300 mètres cubes, susceptibles d'être utilisés par les services de lutte contre l'incendie. La parcelle jouxte en outre le périmètre entretenu et aménagé par l'association syndicale libre " San Silvestru Centru " en vue de la prévention du risque incendie. Dans ces conditions et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Bastia, compte tenu des caractéristiques de la parcelle, laquelle est défendable contre l'incendie au même titre que les constructions environnantes, de sa situation au regard du massif forestier et de son inclusion au sein d'une zone urbanisée, le classement de la parcelle appartenant à M. A...en secteur BO à risque sévère d'incendie est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, quand bien même le maire n'en aurait pas demandé le déclassement en zone B1a, B1 ou B2. Par suite, le maire était tenu de ne pas appliquer le PPRIF et le moyen tiré par le préfet de la méconnaissance par la décision contestée du règlement du PPRIF de Lucciana doit être écarté comme inopérant.
8. Enfin, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme: " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
9. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 7 et en l'absence de démonstration par le préfet de ce que le projet comporterait un risque pour la sécurité au regard des risques d'incendie, la décision du maire ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Lucciana du 6 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes demandées par la commune de Lucciana, de Mme C...et de M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention en défense de M. A...est admise.
Article 2 : La requête du préfet de la Haute-Corse est rejetée.
Article 3 : Les demandes présentées par la commune de Lucciana, Mme C...et M. A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Corse, à Mme E...C..., à la commune de Lucciana et à M. B...A....
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 juin 2019.
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N° 18MA04570