Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2014-I-1715 du 14 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique et cessibles, au profit de la commune de Sète, les parcelles nécessaires à la réalisation du projet de prolongement du boulevard Grangent et emportant la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune.
Par un jugement n° 1501013 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2017 et 14 mai 2019, Mme E...B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral n° 2014-I-1715 du 14 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique due à l'absence, au dossier, de l'inventaire complémentaire réalisé par la commune, à la demande de l'autorité environnementale, en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- la composition du dossier soumis à enquête publique méconnaît les dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'étude d'impact est insuffisante au regard des exigences de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;
- la déclaration de projet sur laquelle aurait dû se prononcer le conseil municipal en application de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation est insuffisante voire inexistante ;
- la déclaration d'utilité publique a méconnu les dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le bilan coût-avantage révèle un résultat négatif, les inconvénients du projet d'aménagement étant supérieurs à ses avantages ;
- la déclaration d'utilité publique est illégale en raison de l'illégalité de la mise en conformité du plan d'occupation des sols de la commune de Sète, qui n'a pas respectée la procédure prévue à l'article L. 123-14-2 du code de l'urbanisme et qui méconnait les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale en violation des dispositions du IV de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté est illégal par la voie de l'exception d'illégalité ;
- en effet, la procédure de mise en compatibilité prévue aux articles L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 123-14-2 du code de l'urbanisme n'a pas été respectée ;
- la mise en compatibilité méconnaît les dispositions du schéma de cohérence territoriale qui classe le bois des Pierres Blanches en espace remarquable au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, la commune de Sète, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B...le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me A...du cabinet C...Avocats et associés, représentant MmeB..., et celles de MeD..., représentant la commune de Sète.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Sète a approuvé, dans son principe et ses caractéristiques, par une délibération du 18 décembre 2012, le projet de création d'une route, en prolongement du boulevard Jean-Mathieu Grangent, pour assurer le contournement du Mont Saint-Clair par une boucle intérieure dénommée " tour de montagne haut ". Il a ensuite demandé au préfet de l'Hérault, par une délibération du 3 mai 2013, de procéder à l'ouverture d'une enquête publique conjointe préalable à la déclaration d'utilité publique (DUP), à la cessibilité des parcelles nécessaires à la réalisation du projet et à la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) de la commune. L'enquête publique a été ouverte par un arrêté préfectoral du 28 août 2013 et s'est déroulée du 16 septembre au 16 octobre 2013. Elle s'est conclue par un rapport avec avis favorable du commissaire-enquêteur. Par un arrêté du 14 octobre 2014, le préfet de l'Hérault a déclaré l'opération d'utilité publique, laquelle emporte mise en compatibilité du POS et a déclaré cessibles les huit parcelles concernées. MmeB..., propriétaire des parcelles cadastrées BM n°89 et BM n°73 concernées par le projet, a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 14 octobre 2014 pris par le préfet de l'Hérault. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête. Mme B...relève appel du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Mme B...soutient que les dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ont été méconnues. Ces dispositions, dans leur version applicable au litige, prévoient que " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, (..) les forêts et zones boisées côtières, (...)/ Le plan local d'urbanisme doit classer en espaces boisés, au titre de l'article L. 130-1 du présent code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après consultation de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. ". Les dispositions de l'article R. 146-1 de ce code précisent qu'" En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / b) Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s'agissant des espaces boisés situés sur le territoire d'une commune littorale et ayant les caractéristiques définies à l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, la protection prévue à cet article est applicable à ceux qui remplissent la condition de proximité du rivage spécifiée à l'article R. 146-1.
3. Il ressort du dossier que le projet en litige empiète sur la forêt domaniale des Pierres Blanches, située sur la partie ouest du Mont Saint-Clair et rangée dans le PLU comme espace remarquable avec une servitude d'espace boisé classé. Le SCOT du bassin de Thau identifie aussi l'ensemble de la forêt des Pierres Blanches en espace remarquable. Cette forêt se trouve à proximité tant du littoral de l'étang de Thau que de celui de la mer même si la partie en litige située en contrebas n'est pas directement visible de tous les points du littoral en raison de zones urbanisées faisant rideau. Si l'étude réalisée par l'office national des forêts considère que l'impact attendu sur " la trame verte " n'est que faible à modéré au niveau du projet, la même étude révèle que le secteur représente un refuge pour certaines espèces faunistiques et permet le maintien d'habitats naturels dans un contexte urbain qui tend à se densifier. Pour sa part, le commissaire enquêteur admet que les parcelles concernées par le projet contribuent à l'aspect paysager de la partie sud du Mont Saint-Clair. Dans ces conditions, une unité paysagère existe entre le terrain d'assiette de l'opération d'expropriation qui avait été rangé par la délibération du 10 février 2014 approuvant le PLU en emplacement réservé n°29, lequel a été annulé dans cette mesure par un arrêt n°18MA02615 de la Cour en date du 20 décembre 2018 et le reste de la forêt des Pierres Blanches et révèle que l'ensemble de la zone répond à la qualification de zone boisée côtière au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Par suite, l'arrêté en litige, qui prévoit une voie urbaine de 6 mètres de largeur avec des trottoirs de 1,50 mètre sur environ 650 mètres de longueur avec abattage de 240 pins d'Alep, laquelle, en tout état de cause, ne peut être regardée comme constituant des aménagements légers ni comme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 146-8 du même code, méconnaît les dispositions précitées et doit être annulé dans son intégralité.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement contesté et sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Mme B...est, dès lors, fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté en litige n° 2014-I-1715 du 14 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Sète, les parcelles nécessaires à la réalisation du projet de prolongement du boulevard Grangent et par voie de conséquence la déclaration de cessibilité et la décision emportant la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune.
Sur les dépens :
5. La présente instance n'a généré aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par Mme B...doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. Il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la commune de Sète au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501013 rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 17 octobre 2017 et l'arrêté n° 2014-I-1715 du 14 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique et cessibles, au profit de la commune de Sète, les parcelles nécessaires à la réalisation du projet de prolongement du boulevard Grangent et emportant la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune sont annulés.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme de 2 000 euros à Mme B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Sète tendant au paiement de frais irrépétibles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., au ministre de l'intérieur et à la commune de Sète.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 juin 2019.
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N° 17MA04877