Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. L...P..., Mme U...P..., Mme R...E...néeM..., M. I... M..., M. J... M..., Mme G...T..., M. A...P..., M. N... P..., M. B... T..., M. J...T..., M. F...P...et Mme O...K...née P...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions de refus des 15 avril et 6 mai 2015 prises par le maire de la commune de Buzignargues, d'enjoindre à la commune de Buzignargues de libérer, remettre en état et restituer la concession appartenant à la famille P...ou, à tout le moins, de procéder à l'attribution d'une nouvelle concession, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, enfin, de condamner la commune de Buzignargues à payer à la famille P...la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1503626 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du maire de Buzignargues des 15 avril et 6 mai 2015, en tant qu'elles refusent d'attribuer un nouvel emplacement à la concession P..., a enjoint au maire de la commune de Buzignargues de procéder à l'attribution d'un nouvel emplacement à la concessionP..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, a condamné cette commune à verser à M. L...P...une somme deux mille (2 000) euros et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2017, la commune de Buzignargues, représentée par Me Q... de la SCP Margall-D'Albenas, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 mars 2017 ;
2°) de rejeter la requête des consortsP... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande d'attribution d'une nouvelle concession a été ajoutée dans la requête de première instance, à titre subsidiaire ;
- le tribunal a regardé à tort les décisions en litige comme refusant à M. P...l'attribution d'une nouvelle concession ;
- elle ne s'est jamais opposée à l'attribution d'un nouvel emplacement ;
- le jugement comporte une contradiction de motifs et une erreur de fait dès lors qu'il ne pouvait écarter l'emprise irrégulière et octroyer une nouvelle concession ;
- à tout le moins le jugement est insuffisamment motivé ;
- elle ne peut plus octroyer de concession perpétuelle mais seulement des concessions trentenaires moyennant une contrepartie financière ;
- il n'y a pas d'emprise irrégulière ;
- dans le courrier du 2 novembre 2006, M. P...n'acceptait pas vraiment la solution proposée par la commune ;
- l'emplacement revendiqué a été identifié ;
- il n'existe pas de préjudice ;
- elle a toujours préféré une solution amiable et propose d'attribuer une concession trentenaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2017, M. L...P...et autres, représentés par MeH..., concluent, à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Buzignargues, à titre subsidiaire, par la voie reconventionnelle d'enjoindre à cette commune de " libérer, remettre en état et restituer la concession appartenant la famille P...et attribuée à la familleD... ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de condamner cette commune à leur payer la somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la commune appelante ne sont pas fondés ;
- la commune a commis une faute engageant sa responsabilité en attribuant le même emplacement à deux concessionnaires, et en commettant cette emprise irrégulière ;
- les consortsP..., qui sont privés de concession funéraire depuis plusieurs années, ont tenté vainement d'y remédier ;
- ils ont été contraints, face à l'inertie de la commune, de saisir le procureur de la République, le préfet de l'Hérault et le Médiateur de la République et ont subi des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral qui justifient l'octroi d'une somme de 60 000 euros ;
- M. P...a accepté l'idée d'attribution d'une nouvelle concession mais la commune a de nouveau refusé cette solution amiable en invoquant l'absence de production des attestations de trois membres, auprès du délégué du Médiateur de la République.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeS..., de la SCP Margall D'Albenas, représentant la commune de Buzignargues, et de MeC..., substituant MeH..., représentant M. P...et autres.
Une note en délibéré présentée par M. P...et autres a été enregistrée le 12 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 10 février 1910, la commune de Buzignargues a octroyé à Jean P...une concession de 4 m2 dans le cimetière communal " pour y fonder la sépulture perpétuelle et particulière des membres de sa famille " en contrepartie d'un terrain lui appartenant, lequel était nécessaire à l'agrandissement du cimetière et qu'il acceptait de céder gratuitement. Le 8 novembre 1913, le maire a pris un arrêté confirmant cette concession perpétuelle octroyée à JeanP..., précisant qu'elle serait " prise la première à droite de la porte d'entrée ". Pendant des décennies la concession resta inutilisée. Douze héritiers de feu JeanP..., dont M. L...P..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de deux décisions du maire de la commune des 15 avril et 6 mai 2015. Ils ont également demandé à ce qu'il soit enjoint à la commune de libérer, remettre en état et restituer la concession appartenant à la famille ou, à tout le moins, de procéder à l'attribution d'une nouvelle concession sous astreinte, ainsi que la réparation des préjudices subis par M. L... P...à raison des fautes commises.
2. Par un jugement du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du maire de Buzignargues des 15 avril et 6 mai 2015, en tant qu'elles refusent d'attribuer un nouvel emplacement à la concession P..., a enjoint au maire de la commune de Buzignargues de procéder à l'attribution d'un nouvel emplacement à la concessionP..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et a condamné cette commune à verser à M. L...P...une somme deux mille euros. La commune de Buzignargues doit être regardée comme relevant appel de ce jugement dans ses dispositifs d'annulation, de condamnation et d'injonction.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, pour répondre aux demandes présentées respectivement par M. L... P...et par son conseil, les décisions en litige des 15 avril et 6 mai 2015, de contenu identique, renvoient toutes deux à un courrier du 7 janvier 2014 dans lequel le maire de la commune de Buzignargues, après avoir relevé que M. L...P...n'était pas le seul ayant droit sur la concession explique que pour pouvoir répondre à sa demande " il faudrait que la totalité des ayants droits aient la même position que (lui) et affirment la même volonté de se voir attribuer une nouvelle concession ". Il poursuit en disant que la décision du conseil municipal " ne sera finalisée que lorsque nous seront en possession de la totalité des demandes des ayants droits ". Le tribunal a ainsi estimé, à juste titre, que les deux décisions en litiges devaient être regardées, eu égard aux termes de la demande préalable du conseil de M. P... et surtout à l'interprétation et à la réponse apportées par la commune, comme refusant, d'une part, de restituer la concession à l'emplacement désigné par les requérants et, d'autre part, d'attribuer un nouvel emplacement à la concession au motif qu'une telle décision nécessite l'accord de tous les héritiers. Dans ces conditions, et en tout état de cause, la commune n'est pas fondée à soutenir, ni que la demande d'attribution d'une nouvelle concession a été ajouté dans la requête de première instance, ni que le tribunal a regardé à tort les décisions en litige comme refusant à M. P...l'attribution d'une nouvelle concession, ni même qu'elle ne s'est jamais opposée à l'attribution d'un nouvel emplacement.
4. En deuxième lieu, si la commune appelante soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreurs de fait et d'une contradiction de motifs, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Si la commune appelante soutient que le jugement entrepris est insuffisamment motivé, faisant valoir que le dispositif n'est pas clairement déterminé, dès lors qu'il se borne à lui imposer d'octroyer aux consorts P...un " nouvel emplacement sans aucune précision ", ce grief ne peut être qu'écarté dès lors que le tribunal a mentionné les raisons du prononcé de cette injonction aux points 3 et 4 du jugement. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une absence de motivation au regard des exigences posées par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions en litige et la responsabilité de la commune
6. Pour justifier son appel la commune de Buzignargues soutient qu'elle n'a pas commis de faute. Elle fait valoir, tout d'abord, que la qualification d'emprise irrégulière est inappropriée. Or, l'arrêté du maire de Buzignargues du 8 novembre 1913, qui a accordé à feu Jean P...une concession perpétuelle, en échange d'un terrain nécessaire à l'extension du cimetière, se bornait à préciser que " cette concession sera prise la première à droite de la porte d'entrée ". Par suite, comme l'on retenu à bon droit les premiers juges, cette mention seule ne suffit pas à établir que la concession litigieuse correspondrait à celle attribuée en 1969 à la familleD..., même si celle-ci se situe effectivement immédiatement à la droite du portail d'entrée, si l'on se place dans le " sens entrée " du cimetière. Les deux plans du cimetière produits, qui ne sont pas datés et comportent des numéros de concession contradictoires, ne l'établissent pas davantage, alors que d'autres éléments du dossier expliquent qu'à partir de l'année 1969 et faute d'emplacement disponible, des concessions situées à proximité immédiate de l'entrée ont été attribuées. Dans ces conditions, en l'absence d'identification du terrain visé par l'arrêté, l'emprise irrégulière ne peut être caractérisée. Ainsi, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise dont l'utilité n'apparait pas en l'espèce, c'est sans commettre d'erreur de fait et de contrariété de motifs que les premiers juges ont écarté l'applicabilité de l'emprise irrégulière.
7. La commune fait valoir, ensuite, qu'elle n'a jamais refusé l'octroi d'un nouvel emplacement aux consortsP.... Mais, il résulte de la réponse apportée le 7 janvier 2014 à la demande du 2 décembre 2013, à laquelle la commune a renvoyé les consorts P...pour répondre à leur courrier du 6 mai 2015, qu'elle a effectivement opposé un tel refus. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que l'attribution d'un nouvel emplacement de concession seul sur un terrain appartenant au domaine public, qui consiste en l'attribution d'un morceau de terrain vierge prescrit par un arrêté municipal, nécessite l'accord de tous les héritiers. Dans ces conditions et sans remettre en cause le droit transmis à l'ensemble des héritiers du bénéficiaire initial, à savoir feu JeanP..., le maire ne pouvait légalement refuser d'attribuer un nouvel emplacement à la concession P...au motif que l'ensemble des héritiers n'avait pas exprimé son accord. Contrairement à ce que soutient la commune, les hésitations dont a pu faire preuve M.P..., tout comme sa volonté de récupérer la concession située à l'entrée du cimetière, sont sans incidence sur la légalité des décisions en cause. Il en résulte de ce qui précède que les premiers juges ont, à bon droit, annulé les décisions des 15 avril et 6 mai 2015 du maire de Buzignargues en tant qu'elles refusent d'attribuer un nouvel emplacement à la concession perpétuelle P...et, par suite, prononcé une injonction.
8. Contrairement à ce que soutient la commune de Buzignargues, en refusant pour un motif infondé de donner suite à sa propre proposition d'attribuer un nouvel emplacement à la concessionP..., révélant ainsi une attitude de repli systématique depuis 2006 qui ne laissait pas apparaître de réelles motivations de résoudre amiablement le litige, le maire de la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Comme l'ont rappelé les premiers juges, un des requérants de première instance, M. L...P..., justifie de nombreuses démarches personnelles entreprises depuis la proposition faite dès 2006 par la commune. Celui-ci est, dès lors, fondé à obtenir une indemnité en réparation du préjudice moral causés par cette attitude fautive. Le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant la commune à verser à M. L...P...la somme de 2 000 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Buzignargues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du maire de Buzignargues des 15 avril et 6 mai 2015, l'a condamnée à verser la somme de 2 000 euros à M. L...P...et a prononcé à son encontre une injonction qui a d'ailleurs été exécutée.
Sur les frais de l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de la commune de Buzignargues la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts P...et non compris dans les dépens.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des consortsP..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la commune de Buzignargues au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Buzignargues est rejetée.
Article 2 : La commune de Buzignargues versera une somme de 2 000 euros aux consorts P...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Buzignargues, à M. L...P..., à Mme U...P..., à Mme R...E...néeM..., à M. I...M..., à M. J... M..., à Mme G...T..., à M. A...P..., à M. N...P..., à M. B... T..., à M. J...T..., à M. F...P...et à Mme O...K...néeP....
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- MmeV..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 24 juin 2019.
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N° 17MA02041