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17/06/2019 | FRANCE | N°18MA01474

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 juin 2019, 18MA01474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K...A..., M. L...J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois " ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 par lequel le préfet de l'Aude a autorisé l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sainte-Valière (Aude).

Par un jugement n° 1604905 du 6 février 2018, le tribunal adminis

tratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K...A..., M. L...J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois " ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 par lequel le préfet de l'Aude a autorisé l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sainte-Valière (Aude).

Par un jugement n° 1604905 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 avril 2018 et le 13 juillet 2018, M. A..., M.J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois ", représentés par MeD..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2016 du préfet de l'Aude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir contre l'arrêté en litige ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence ;

- le défaut de visa de l'étude d'impact l'entache d'un vice de forme ;

- malgré l'avis défavorable émis par le commissaire enquêteur sur le projet, celui-ci n'a pas fait l'objet d'une nouvelle délibération de la collectivité territoriale concernée ;

- au regard de l'avis défavorable du commissaire enquêteur l'autorisation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les inexactitudes, omissions et insuffisances de l'étude d'impact sont de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude ;

- l'installation des éoliennes autorisées par le préfet porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2018, la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière ", représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A...et autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable faute pour les requérants de justifier d'un intérêt à agir contre l'arrêté en litige ;

- les autres moyens soulevés par M. A...et autres ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par M. A...et autres tiré de l'atteinte au paysage n'est pas fondé et renvoie pour le surplus aux écritures du préfet de l'Aude en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., substituant MeD..., représentant M. A...et autres, et Me H...représentant la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière ".

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 juin 2016, le préfet de l'Aude a accordé à la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière " l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Sainte-Valière (Aude). Par un jugement du 6 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.A..., M.J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois " tendant à l'annulation de cet arrêté. Ceux-ci relèvent appel de ce jugement.

Sur les règles applicables au litige :

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". Selon l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre (...) du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du (...) chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

3. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'était avant elle l'autorisation délivrée au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond applicables aux autorisations environnementales au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur la légalité de l'autorisation délivrée le 3 juin 2016 par le préfet de l'Aude :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

4. L'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004 prévoit que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : (...) 1° En toutes matières (...) au secrétaire général (...). Et aux termes du II de l'article 45 du même décret : " En cas d'absence ou d'empêchement d'un sous-préfet ou du secrétaire général de la préfecture, le préfet désigne pour assurer la suppléance un autre sous-préfet en fonction dans le département ". En application de ces dispositions, par un arrêté du 25 février 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Aude a donné délégation de signature à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture de l'Aude, à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Aude à l'exception des actes énumérés à l'article 1er dudit arrêté, au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. L'article 3 du même arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de MmeC..., la délégation de signature qui lui est consentie à l'article 1er est exercée par Mme I...B..., sous-préfète de Narbonne.

5. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, le préfet de l'Aude pouvait légalement confier la suppléance du secrétaire général, en cas d'absence, à un autre sous-préfet en fonction dans le département et que, d'autre part, MmeB..., sous-préfète de Narbonne, était compétente, en l'absence de la secrétaire générale de la préfecture, MmeC..., pour signer l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique :

6. Le projet litigieux, qui correspond à un parc éolien comportant des aérogénérateurs dont le mât a une hauteur supérieure à 50 mètres, est soumis à autorisation au titre de la législation sur les installations classées sur le fondement de la rubrique n° 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. La rubrique 1 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement soumet à l'obligation de réaliser une étude d'impact les installations classées pour la protection de l'environnement. Aux termes de l'article R. 512-6 du même code : " I.- A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 (...) ". Selon l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa version en vigueur du 1er juin 2012 au 15 août 2016, applicable en l'espèce : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en oeuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés (...) ; / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes (...)". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : / 1° L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; / 2° Les mesures réductrices et compensatoires mentionnées au 7° du II de l'article R. 122-5 font l'objet d'une description des performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses ainsi que leur surveillance, l'élimination des déchets et résidus de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie ; (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant de l'avifaune :

8. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact comporte des développements détaillés sur les intérêts faunistiques en jeu, l'avifaune faisant l'objet du chapitre 2.4.3 de l'étude. Elle relève la présence de nombreuses espèces migratoires et d'oiseaux nicheurs, analyse les populations et leurs mouvements ou territoires et procède ensuite à une analyse détaillée des enjeux pour l'avifaune. L'étude mentionne notamment que le projet est situé sur la marge d'un des couloirs de migration diffus identifiés dans la région et que les flux migrateurs observés aux deux saisons sont conformes voire légèrement inférieures aux moyennes connues dans les zones de plaine de la région avec une forte majorité de passereaux volant en dessous de la tranche habituelle de rotation des pales d'éoliennes, circonstance d'où il se déduit un risque de collision faible à modéré. S'agissant des chiroptères, elle analyse de manière détaillée les enjeux, relève un risque fort de collision, malgré une orientation plutôt favorable du projet, en raison de leur grande activité sur le site et propose des mesures d'évitement et de réduction des impacts pour ces espèces. L'étude conclut à un dérangement modéré pour les nicheurs, un " effet barrière " limité pour les migrateurs et à une faible perte d'habitat pour les espèces inféodées aux friches sèches, l'impact global étant jugé modéré. Les requérants, qui se bornent à renvoyer à l'avis de l'autorité environnementale, rendu le 21 octobre 2015, dont ils citent quelques extraits, ne remettent pas en cause les conclusions de cet avis qui, s'il relève certaines insuffisances de l'étude dans la définition des enjeux sur les oiseaux et les chauves-souris ainsi que des mesures proposées pour réduire les impacts résiduels sur l'avifaune à un niveau faible, conclut seulement à la nécessité d'une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées permettant de définir les mesures et suivis appropriés rendus nécessaires par la règlementation en raison de ces insuffisances, sans remettre globalement en question l'étude d'impact. La référence faite à une étude générale menée par la ligue de protection des oiseaux parue en juin 2017 relative à la mortalité des oiseaux imputables aux éoliennes sur l'ensemble du territoire national ne remet pas en cause les constatations faites localement sur le site des aérogénérateurs contestés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en tant qu'elle n'appréhenderait pas suffisamment les enjeux liés aux oiseaux migrateurs et aux chiroptères doit être écarté.

S'agissant des nuisances acoustiques :

9. L''étude acoustique jointe au dossier analyse l'impact sonore des éoliennes et notamment les résultats prévisionnels en période diurne et nocturne. Elle précise notamment que les résultats obtenus, sans restriction de fonctionnement des aérogénérateurs, présentent un risque de non respect des impératifs fixés par l'arrêté du 26 août 2011, jugé faible en période diurne et très probable en période nocturne. Il ne résulte pas de l'instruction que la marge d'erreur susceptible de résulter de la méthode retenue pour évaluer cet impact serait telle qu'elle aurait nui à l'information du public. Les mesures envisagées afin de réduire les conséquences dommageables du projet y sont énumérées et décrites sous la forme d'un plan d'optimisation du fonctionnement du parc éolien comprenant le bridage ou l'arrêt d'une ou de plusieurs machines selon la vitesse du vent, de nature à permettre le respect des normes règlementaires. Il ne résulte pas de l'examen de ce document ni de l'instruction que certains effets acoustiques du projet auraient été omis ou sous-évalués. Notamment, la circonstance que l'autorité environnementale a proposé, dans son avis rendu le 21 octobre 2015, en raison de la marge d'incertitude s'attachant aux prévisions de l'étude, " la réalisation de mesures acoustiques post-installation, pour s'assurer de la conformité du site par rapport à la règlementation en vigueur ", n'est pas de nature à établir l'existence d'une telle omission ou sous-évaluation.

S'agissant des incidences du projet sur le tourisme et " l'agrotourisme " :

10. Si les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement prévoient que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets négatifs et positifs du projet sur l'environnement, et notamment sur le patrimoine culturel et archéologique ainsi que sur les espaces de loisirs, l'impact du projet sur l'activité touristique n'est pas au nombre des effets qui doivent faire l'objet d'une analyse en vertu des dispositions du 3° du II de cet article. Dès lors, la circonstance alléguée que l'étude d'impact ne comporterait pas d'analyse des incidences du projet sur " l'agrotourisme " est sans incidence, dès lors que l'impact du projet sur le tourisme local n'est pas au nombre des points devant obligatoirement être traités par cette étude.

S'agissant de la prise en compte de la route départementale n° 5 :

11. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'étude d'impact mentionne, tant au stade de la description du projet, que de l'analyse de l'état initial et des effets du projet sur l'environnement, la présence, à proximité immédiate du site en cause, de la route départementale n° 5 dite la Minervoise. Elle analyse, dans le cadre de l'étude de dangers qui lui est annexée, cette proximité et les conséquences au regard des risques présentés par la présence et le fonctionnement de l'installation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en tant qu'elle ne prendrait pas en compte la proximité de la route départementale n° 5 manque en fait et doit être écarté.

12. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les omissions et insuffisances de l'étude d'impact auraient vicié la procédure et seraient ainsi de nature à entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude.

En ce qui concerne les autres moyens de forme et de procédure :

13. En premier lieu, l'absence de visa dans l'arrêté en litige de l'étude d'impact est, en tout état de cause, dépourvu d'incidence sur la légalité de cet arrêté.

14. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 123-16 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à l'arrêté en litige : " Tout projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête doit faire l'objet d'une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation ou de déclaration d'utilité publique de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement de coopération concerné ". Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent que pour autant que l'enquête publique se rapporte au projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale. L'installation des cinq aérogénérateurs que la société par action simplifié (SAS) " La Ferme éolienne de Sainte-Valière " a été autorisée à exploiter par l'autorisation en litige, n'est pas au nombre de tels projets et n'entre donc pas dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article L. 123-16 du code de l'environnement. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ces dispositions.

15. En troisième lieu, l'autorité administrative n'est pas tenue de suivre les conclusions du commissaire enquêteur formulées à l'issue de l'enquête publique. Par suite, la circonstance que l'avis émis par le commissaire-enquêteur, qui était défavorable au projet, n'a pas été suivi par le préfet de l'Aude est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

16. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, applicable au litige en vertu de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

17. Il résulte de l'instruction que le projet de parc éolien de Sainte-Valière comporte, comme rappelé plus haut, cinq éoliennes qui sont positionnées dans un alignement Nord Sud d'environ 800 mètres de long. Il doit être implanté au nord du département de l'Aude, à environ 15 km au nord-ouest de Narbonne, à 30 km à l'ouest de Béziers, au nord-est de la commune de Sainte-Valière, dans un secteur de plaine viticole ondulée de faible topographie et de collines sèches du bas minervois. Le projet est situé à environ 2,5 kilomètres au nord du canal du Midi, mais visuellement en retrait de ce canal en raison du relief. Le caractère agricole du site doit être relativisé par la présence d'autres parcs éoliens implantés dans un périmètre de vingt kilomètres, notamment ceux de Lézignan-Corbières, de la Serre d'Oupia, de Névian et de Canet. Ce secteur ne présente pas d'enjeu fort en termes paysager et patrimonial.

18. La circonstance que les parcelles d'implantation du projet sont classées en zone naturelle N au plan local d'urbanisme de la commune, dont le règlement autorise au demeurant la construction d'aérogénérateurs, n'est pas de nature à établir le caractère de " site remarquable " invoqué par les requérants. Par ailleurs, ceux-ci ne sauraient utilement se prévaloir de ce que le schéma régional éolien du Languedoc-Roussillon a classé ce secteur en zone " sensible ", dès lors que ce schéma a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 novembre 2017 devenu irrévocable. En tout état de cause, dans ce schéma, ce secteur faisait partie du territoire régional favorable au développement de l'énergie éolienne, son classement en secteur à enjeux forts étant justifié, au regard de la thématique " atlas paysager, patrimoine culturel et sites classés ", par sa situation dans une bande de dix kilomètres autour du site classé du canal du Midi.

19. Si les requérants soutiennent que le terrain d'assiette du projet est situé dans un secteur identifié en 2005, par le plan paysager Audois, comme une zone à préserver afin de maintenir un effet de coupure entre les parcs éoliens existants, ce document est dépourvu de caractère normatif et ne contient pas de prescriptions qui s'imposeraient à l'autorité administrative.

20. Il résulte des analyses détaillées et photomontages réalisés en de nombreux points par l'étude paysagère jointe à l'étude d'impact que l'ensemble éolien du Lézignanais est peu visible du secteur d'implantation du projet au nord du canal du Midi et qu'aux points où la vue est dégagée, le projet s'inscrit dans le même cône de visibilité et selon une même implantation nord/sud que les projets et parcs du Lézignanais. Ainsi, le risque de saturation des paysages, qui serait susceptible de résulter des parcs en activité ou autorisés situés dans la plaine, entre l'autoroute A 61 et la rivière Aude, ainsi que du parc de la Serre d'Oupia, n'est en l'espèce nullement établi.

21. Il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation du parc éolien dans une zone viticole et touristique serait de nature à générer des conséquences négatives sur la pérennité et le développement du terroir viticole ni sur l'activité touristique qui y est associée, une telle atteinte ne pouvant, en tout état de cause, résulter par principe de la seule implantation d'un parc éolien dans un tel périmètre.

22. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'autorisation en litige méconnaîtrait les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'atteinte portée par le projet à l'environnement et aux paysages doit être écarté.

En ce qui concerne le bilan développement économique-environnement :

23. Aucune règle ni aucun principe ne subordonne la délivrance d'une autorisation au titre de la législation sur les installations classées à l'établissement d'un bilan prévisionnel des avantages entraînés par l'installation en matière de développement économique et des inconvénients en résultant en matière d'environnement et de santé. Par suite, s'il est soutenu que les aspects du développement économique du secteur ne compensent pas les problématiques liées à la préservation de l'environnement et de la santé, un tel moyen est inopérant.

24. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande première instance par la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière ", que M. A...et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de M.A..., M.J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois, une somme globale de 2 000 euros à verser à la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière ".

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : M.A..., M.J..., la SARL SF Développement et l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois verseront à la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière " une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K...A..., à M. L...J..., à la SARL SF Développement, à l'association " Sauvegarde du territoire porte sud du Minervois ", à la société " La Ferme éolienne de Sainte-Valière ", et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juin 2019.

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N° 18MA01474

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01474
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet - Instruction des demandes d'autorisation.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL BCA-BERNIER CHARLES AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-17;18ma01474 ?
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