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13/06/2019 | FRANCE | N°18MA03454

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18MA03454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 1er février 2018 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Par un jug

ement n° 1801176 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 1er février 2018 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1801176 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 1er février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont la cour fixera le montant en équité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'unicité de la personne ayant proposé l'arrêté et l'ayant signé ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une contradiction de motifs ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne tant le refus de séjour que la mesure d'éloignement ;

- elle renvoie aux moyens soulevés devant le tribunal à l'encontre du refus de séjour concernant en particulier l'intensité de ses attaches privées et familiales en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2019, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, non chiffrées, sont irrecevables.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, le préfet du Gard a répondu à la communication du moyen relevé d'office.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jorda-Lecroq a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante arménienne née le 20 mars 1992, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Elle fait appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er février 2018 du préfet du Gard ayant rejeté sa demande d'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête ;

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée dans l'espace Schengen via l'Autriche munie de son passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités lituaniennes. Elle réside en France au moins depuis la date de son mariage à Nîmes le 27 septembre 2014, soit depuis plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté, avec un ressortissant arménien titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler qui avait, à la date de l'arrêté contesté, vocation à demeurer sur le territoire français. Le couple a une enfant née le 10 juillet 2015. Mme B... est en outre bénévole depuis le 22 juin 2017 à la fédération du Gard du Secours populaire français et a suivi des cours de français du mois d'octobre 2015 au mois de novembre 2017. Le mariage étant postérieur à l'entrée en France de la requérante, celle-ci ne relevait pas à la date de cette entrée des catégories ouvrant droit au regroupement familial. Dans ces conditions, le préfet du Gard a porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale en refusant son admission au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 1er février 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...). ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

6. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté et sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit, d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer à Mme B...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Les conclusions présentées par Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas chiffrées. Elles sont donc irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2018 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Gard du 1er février 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit, de délivrer à Mme B...un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au ministre de l'intérieur et à MeA....

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

5

N° 18MA03454

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03454
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : FIOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-13;18ma03454 ?
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