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13/06/2019 | FRANCE | N°18MA00419

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18MA00419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... B... et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF) ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Penta-di-Casinca et l'Etat à leur verser les sommes respectives de 39 260 euros et 197 089,24 euros en réparation des préjudices subis par Mme B...suite à la crue du Fium'Alto le 2 octobre 2015.

Par un jugement n° 1601240 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et un mémoire, enregistrés le 26 janvier et le 29 octobre 2018, Mme B... et la MAIF, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeA... B... et la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF) ont demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Penta-di-Casinca et l'Etat à leur verser les sommes respectives de 39 260 euros et 197 089,24 euros en réparation des préjudices subis par Mme B...suite à la crue du Fium'Alto le 2 octobre 2015.

Par un jugement n° 1601240 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier et le 29 octobre 2018, Mme B... et la MAIF, représentées par la SELARL Bauducco Rota Lhotellier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 novembre 2017 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Penta-di-Casinca et l'Etat à leur verser les sommes respectives de 39 640 euros et 197 089,24 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Penta-di-Casinca et de l'Etat la somme de 4 000 euros au profit de chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le maire de la commune de Penta-di-Casinca a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale ;

- le plan communal de sauvegarde a été adopté tardivement ;

- le préfet de la Haute-Corse a commis une faute lourde en s'abstenant de se substituer au maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale ;

- il a également commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police des cours d'eaux non domaniaux ;

- il a commis une faute en délivrant en 1972 un permis de construire dans une zone ayant été inondée par le passé et en s'abstenant de l'assortir de prescriptions spéciales destinées à prévenir le risque d'inondation ;

- il appartenait à la commune et à l'Etat de faire construire des ouvrages de protection ;

- aucune cause exonératoire de responsabilité ne peut être retenue ;

- les préjudices dont elles demandent l'indemnisation sont établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, la commune de Penta-di-Casinca, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par Mme B...et la MAIF ;

2°) de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la faute commise lors de la délivrance des permis de construire est irrecevable car nouveau en appel ;

- les autres moyens soulevés par Mme B...et la MAIF ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 décembre 2018 par une ordonnance du même jour.

Un mémoire présenté par le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, a été enregistré le 14 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, notamment ses article 56 et 59 ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...était propriétaire d'une maison individuelle à Penta-di-Casinca sur la parcelle cadastrée section A n° 1283. Cette maison appartenait à un lotissement dénommé " marina di Fiumalto " construit au début des années 1970 après détournement du lit du Fium'Alto, cours d'eau non domanial à l'embouchure duquel le lotissement est situé. Il résulte de l'instruction qu'après s'être progressivement rapproché du lotissement, le cours du Fium'Alto a emporté la maison de Mme B...lors d'une crue torrentielle le 2 octobre 2015. La MAIF a indemnisé MmeB..., son assurée, à hauteur de la somme de 197 089,24 euros. Mme B...et la MAIF font appel du jugement du 23 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Penta-di-Casinca et de l'Etat à les indemniser des préjudices subis.

Sur la responsabilité de la commune et de l'Etat :

2. L'article L. 211-7 du code de l'environnement prévoit, dans sa version applicable aux faits, que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent faire application des articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de travaux et d'ouvrages présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence et visant notamment à l'entretien et à l'aménagement d'un cours d'eau et à la défense contre les inondations et contre la mer.

3. La mise en oeuvre de ces dispositions pour aménager un cours d'eau non domanial est une simple faculté pour les collectivités territoriales. Elles ne les obligent pas, avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de l'article 56 de la loi du 27 janvier 2014, dans les conditions prévues par son article 59, à contribuer à la protection des propriétés voisines contre l'action naturelle des eaux d'un cours d'eau non aménagé, obligation qui incombe aux propriétaires intéressés en vertu des articles 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807. Par suite, et à supposer même que de tels ouvrages puissent au cas présent assurer une protection efficace des propriétés voisines - ce qui est contesté en défense -, la commune de Penta-di-Casinca n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant de mettre en oeuvre cette faculté.

4. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques " et comprend notamment, au 5°, le soin de prévenir les inondations par des précautions convenables. Cette compétence ne s'étend pas à la construction d'ouvrages de protection des riverains contre l'action naturelle des eaux, régie par les dispositions particulières de la loi du 16 septembre 1807 et de l'article L. 211-7 du code de l'environnement dans les conditions vues ci-dessus. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction - et il n'est d'ailleurs pas allégué - que d'autres mesures de police auraient permis d'éviter le sinistre. Le maire de la commune de Penta-di-Casinca n'a ainsi pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale. Pour les mêmes raisons, le préfet de Haute-Corse n'a pas non plus commis une faute lourde en s'abstenant de se substituer au maire en application de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

5. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la crue du Fium'Alto le 2 octobre 2015 ait été provoquée ou aggravée par la carence des propriétaires riverains dans l'entretien régulier du cours d'eau, auquel ils sont tenus en application de l'article L. 215-14 du code de l'environnement. Le préfet de la Haute-Corse n'a dès lors pas commis la faute alléguée dans l'exercice de ses pouvoirs relatifs à la police des cours d'eau non domaniaux qu'il tient de l'article L. 215-7 du même code.

6. Mme B...et la MAIF font valoir que le maire de la commune de Penta-di-Casinca a commis une faute en arrêtant tardivement le plan communal de sauvegarde le 9 juin 2016, soit postérieurement au sinistre. Il ressort cependant de l'article L. 731-2 du code de la sécurité intérieure, relatif au plan communal de sauvegarde, que celui-ci a pour objet, en fonction des risques connus, de déterminer les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes et de fixer l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité et aux secours. Il n'a en revanche pas pour objet de prévenir de tels risques. Il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de protection des personnes et l'organisation des secours soient à l'origine du sinistre dont il est demandé réparation. Ce fondement de responsabilité doit en conséquence être écarté.

7. Les requérantes font enfin valoir que l'Etat aurait commis une faute lors de la délivrance du permis de construire le 31 mars 1972, modifié le 19 mars 1973. Cependant, le seul fait pour le préfet d'avoir délivré un permis de construire dans une zone ayant été inondée lors de crues survenues en 1873 et en 1953 ne suffit pas pour constituer une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. En outre, il est constant que les autorisations d'urbanisme en question, qui ne sont pas produites au dossier, sont introuvables. Faute de toute précision sur leur contenu et sur les raisons pour lesquelles elles auraient méconnu la réglementation alors en vigueur, le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance de prescriptions spéciales destinées à prévenir le risque d'inondation n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. La faute alléguée n'est dès lors pas établie.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la responsabilité de la commune de Penta-di-Casinca et de l'Etat n'est pas engagée. Mme B... et la MAIF ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de la MAIF, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Penta-di-Casinca au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

10. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme B...et la MAIF sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et de la MAIF est rejetée.

Article 2 : Mme B... et la MAIF verseront à la commune de Penta-di-Casinca la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... B..., à la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (MAIF), à la commune de Penta-di-Casinca et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juin 2019.

5

N° 18MA00419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00419
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Prévention des crues - des risques majeurs et des risques sismiques.

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux - Terrains inondables.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SELARL BAUDUCCO-ROTA-LHOTELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-13;18ma00419 ?
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