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13/06/2019 | FRANCE | N°17MA03099

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 17MA03099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser la somme de 1 453 970,75 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement, avec intérêts au taux légal à la date de la demande et capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes a demandé la condamnation du CHRU de Nice à lui verser, d'une part

, la somme de 270 437,19 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de ses...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser la somme de 1 453 970,75 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement, avec intérêts au taux légal à la date de la demande et capitalisation de ces intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes a demandé la condamnation du CHRU de Nice à lui verser, d'une part, la somme de 270 437,19 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de ses débours et, d'autre part, la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La Caisse de compensation des services sociaux de Monaco a demandé la condamnation du CHRU de Nice à lui verser la somme de 11 406,52 euros au titre des frais du séjour de la requérante à la clinique Cadran solaire de Monaco.

Par un jugement n° 1501784 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Nice a condamné le CHRU de Nice à verser à Mme C...la somme de 84 270 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du 20 avril 2015 et capitalisation des intérêts à compter du 20 avril 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, en ce qui concerne les frais futurs d'appareillage restés à la charge de Mme C...après déduction des frais exposés directement par l'organisme social, à prendre en charge ces frais dans la limite du montant de 81 120 euros, à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 21 146,87 euros assortie des intérêts légaux à compter du 14 avril 2016 et à prendre en charge les frais futurs, sur présentation des justificatifs, au fur et à mesure qu'ils seront exposés, et à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à verser à la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco la somme de 11 406,52 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 juillet 2017 et le 14 juin 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 25 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a limité à la somme de 84 270 euros l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Nice a été condamné en réparation du préjudice subi au titre de l'assistance par une tierce personne et a décidé que l'établissement prendrait en charge les frais futurs d'appareillage restés à sa charge dans la limite de 81 120 euros ;

2°) de porter à la somme de 2 279 424 euros le montant de l'indemnité due au titre de ses préjudices avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts à compter du 20 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses demandes présentées en appel excédant le montant sollicité en première instance sont recevables ;

- le taux horaire de l'assistance par une tierce personne doit être fixé à 15 euros ;

- elle a besoin d'une assistance par une tierce personne au-delà de la période de 18 mois à compter de la date de consolidation, à hauteur de 3 heures par jour à vie ;

- elle a besoin d'une prothèse " power knee 2ème génération ", d'une prothèse de course, d'une prothèse de nage et d'une prothèse de " pied elation ".

Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par le cabinet d'avocats Vatier et associés, demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement l'a mis hors de cause et de mettre à la charge du CHRU de Nice une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par des mémoires, enregistrés les 22 août 2017, 28 mai 2018 et 19 octobre 2018, la CPAM du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par MeG..., demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant que celui-ci a condamné le CHRU de Nice à lui verser la somme de 21 146,87 euros assortie des intérêts légaux à compter du 14 avril 2016 et à prendre en charge les frais futurs, sur présentation des justificatifs, au fur et à mesure qu'ils seront exposés, de porter à la somme de 1 055 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle justifie de ses débours au titre des dépenses de santé actuelles et futures.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2017, la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco, représentée par MeG..., demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en tant que celui-ci a condamné le CHRU de Nice à lui verser la somme de 11 406,52 euros et de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle justifie des frais qu'elle a engagés.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 18 mai 2018 et le 15 octobre 2018, le CHRU de Nice, représenté par Me D...conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel sont irrecevables en tant qu'elles concernent une somme supérieure à celle ayant été sollicitée en première instance ;

- les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me F...substituant MeG..., représentant la CPAM du Var et la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco, et de MeE..., représentant le CHRU de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. L'étendue du litige d'appel est limitée à l'appréciation du montant de la réparation due par le CHRU de Nice au titre des préjudices patrimoniaux de MmeC..., en ce qui concerne les frais d'appareillage et d'assistance par une tierce personne, et à l'actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion de la CPAM.

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Nice à la requête ;

Sur les préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les frais d'appareillage :

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 2 novembre 2011 de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Provence-Alpes-Côte d'Azur, que Mme C...dispose d'une prothèse munie d'un genou électrique et est ainsi correctement appareillée. Elle n'apporte aucun élément de nature à établir la nécessité de bénéficier d'une prothèse " power knee 2ème génération ". Par suite, elle est seulement fondée à demander la condamnation du CHRU de Nice à lui verser la somme qu'elle établira comme étant restée effectivement à sa charge après déduction des frais exposés directement par l'organisme social, au titre de chaque renouvellement d'une prothèse de genou adaptée à son handicap, identique ou comparable à sa prothèse actuelle, sans qu'il y ait lieu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de limiter à la somme de 81 120 euros l'indemnisation due à ce titre, dès lors que les frais à exposer pour le renouvellement sont imputables au même fait générateur.

3. Par ailleurs, s'agissant des prothèses complémentaires, de course, de nage et " pied elation " permettant de porter des talons, il résulte de l'instruction que le handicap de la requérante, qui présente un lien direct et certain avec la faute commise, est susceptible de nécessiter le port de telles prothèses, y compris, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, une prothèse de course, en dépit de la circonstance que l'intéressée, qui avait seize ans seulement au moment de son amputation, ne fait état d'aucune pratique sportive intensive avant la survenance des dommages litigieux. Si Mme C...fournit des devis pour ces différents éléments, elle ne justifie pas avoir engagé de dépenses liées à l'achat de telles prothèses. Par ailleurs, le calcul d'un coût annuel de ces équipements, après déduction des frais éventuellement pris en charge par la sécurité sociale, est rendu aléatoire par les évolutions techniques dont ils sont susceptibles de faire l'objet. Dans ces conditions, il n'est pas possible de déterminer la part exacte des dépenses futures qui pourraient rester à la charge de la requérante à ce titre. Il y a donc seulement lieu de condamner le CHRU de Nice à rembourser à MmeC..., sur présentation de justificatifs, les dépenses de santé futures qu'elle serait amenée à exposer pour des prothèses complémentaires de course, de nage et permettant de porter des talons dans la limite des sommes qui resteront effectivement à sa charge après déduction des frais exposés directement par l'organisme social.

En ce qui concerne les frais d'assistance par une tierce personne :

4. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI Provence-Alpes-Côte d'Azur, que Mme C...a eu besoin à partir du 12 mai 2004 de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de trois heures par jour, et ce jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé le 16 mai 2011, soit pendant 2 559 jours, puis également au rythme de trois heures par jour, ainsi qu'en convient d'ailleurs le CHRU de Nice, pendant une période de 18 mois après la date de consolidation. Cette aide lui a été apportée par un proche. Elle ne justifie pas d'un besoin supérieur. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu pour ces deux périodes de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent ainsi être évalués pour la première période à la somme de 112 652 euros et pour la seconde période à la somme de 24 102 euros, soit une somme totale de 136 754 euros, qui doit être accordée en totalité à MmeC..., dès lors qu'elle n'a pas perçu la prestation compensatoire de handicap au titre de la période en cause.

6. En revanche, il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que postérieurement à la période de 18 mois ayant suivi la date de consolidation, MmeC..., qui est correctement appareillée ainsi que cela a été exposé au point 2, devait pouvoir retrouver une autonomie et un mode de vie quasi normaux grâce à la rééducation. L'expert a retenu qu'il serait injustifié et déraisonnable de pérenniser à vie l'assistance par une tierce personne et la requérante ne démontre pas ne pas avoir retrouvé une telle autonomie et la nécessité d'une telle assistance au-delà du 16 novembre 2012 n'est pas établie. Dès lors, la demande présentée à ce titre doit être rejetée.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

7. Il n'y a pas lieu de porter à 1 080 euros la somme de 1 047 euros que le CHRU de Nice a été condamné à bon droit par les premiers juges à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, représentée dans le cadre de la présente instance par la CPAM du Var, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, dès lors que la somme qui lui est due par le CHRU au titre des débours n'est pas majorée en appel.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Nice, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux prétentions de l'ONIAM, de la CPAM du Var et de la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 84 270 euros que le CHRU de Nice a été condamné par le tribunal administratif de Nice à verser à Mme C...est portée à la somme de 136 754 euros et le CHRU de Nice est condamné à rembourser à Mme C...la somme qu'elle établira comme étant restée effectivement à sa charge après déduction des frais exposés directement par l'organisme social, au titre de chaque renouvellement d'une prothèse de genou adaptée à son handicap identique ou comparable à sa prothèse actuelle, et sur présentation de justificatifs, les dépenses de santé futures qu'elle serait amenée à exposer pour des prothèses complémentaires de course, de bain et permettant de porter des talons dans la limite des sommes qui resteront effectivement à sa charge après déduction des frais exposés directement par l'organisme social.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHRU de Nice versera à Mme C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la CPAM du Var présentées au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions de l'ONIAM et de la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au centre hospitalier régional universitaire de Nice, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, et à la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

6

N° 17MA03099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03099
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : HAUTECOEUR - DUCRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-13;17ma03099 ?
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