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04/06/2019 | FRANCE | N°18MA02472

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 juin 2019, 18MA02472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 2 mai 2016 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes l'a suspendue à titre conservatoire et la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux formé par lettre du 25 mai 2016.

Par un jugement n° 1602368 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme A...B....

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2018 et le 10 avril 2019,

Mme A...B..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 2 mai 2016 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes l'a suspendue à titre conservatoire et la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux formé par lettre du 25 mai 2016.

Par un jugement n° 1602368 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme A...B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2018 et le 10 avril 2019,

Mme A...B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602368 du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision du 2 mai 2016 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes l'a suspendue à titre conservatoire et la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux formé par lettre du 25 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au CHRU de Nîmes de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Nîmes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure de suspension est entachée d'un défaut de motivation ;

- l'administration a commis des erreurs de fait et d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2019, le centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... B...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jorda,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A...B..., et de Me D..., représentant le centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., praticien hospitalier, affectée au service d'oncologie médicale du centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes, a été suspendue à titre conservatoire de ses activités cliniques et thérapeutiques par une décision prise le 2 mai 2016, après avis du président de la commission médicale d'établissement, par la directrice générale de ce centre hospitalier. Par un courrier du 30 mai 2016, cette dernière a rejeté le recours gracieux que l'intéressée avait formé par lettre du 25 mai 2016. Par la présente requête, Mme A... B...fait appel du rejet par le tribunal administratif de Nîmes de sa demande en annulation des décisions en cause.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. (...) Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art (...) ".

3. Le directeur d'un centre hospitalier qui, en vertu de ces dispositions, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut toutefois légalement, eu égard à l'urgence, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider sous le contrôle du juge de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

4. En l'espèce, pour suspendre le docteur A...B...de ses fonctions, la directrice générale du CHRU de Nîmes s'est fondée sur les constats dénoncés par le chef du service d'oncologie médicale à sa hiérarchie par courriers des 18 janvier, 22 avril et 28 avril 2016 et le compte rendu d'un entretien du 17 mars 2016 auquel a participé Mme A...B..., aux termes desquels, d'une part, le comportement de celle-ci aurait été à l'origine de graves tensions au sein de l'équipe médicale, en raison en particulier de son refus du travail pluridisciplinaire, et provoqué des situations de souffrance au travail chez des agents du secrétariat, faisant ainsi obstacle au bon fonctionnement du service et à la prise en charge normale des patients et, d'autre part, la circonstance, relevée à de nombreuses reprises par son chef de service, que l'intéressée persiste à ne pas respecter certains référentiels médicaux dans ses prescriptions serait de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'éventuelle mise en danger des patients.

5. Toutefois, à supposer que cette dernière formulation caractérise un véritable constat de mise en danger de la sécurité des patients, celui-ci ne ressort pas des pièces du dossier autrement qu'à l'issue de certaines interrogations, légitimes, de son chef de service au sujet de quelques prescriptions onéreuses hors AMM, prescrites par un praticien par ailleurs compétent, et qui au demeurant ne paraissent pas pouvoir être effectuées sans l'aval de la pharmacie. De surcroît, si les difficultés relationnelles du docteur A...B..., y compris à l'égard des secrétaires, sont récurrentes depuis plusieurs années et si ce praticien est par ailleurs rétif à participer aux réunions de concertation pluridisciplinaires ou RCP pourtant essentielles aux objectifs du plan cancer mis en place par le CHRU, et à se conformer aux décisions adoptées, ces circonstances n'ont pas mis en péril la continuité du service, alors qu'il lui appartenait, pour la première d'entre elles, d'y mettre un terme et, pour la seconde, de poursuivre la médiation engagée sous l'autorité du responsable de pôle. Dans ces conditions, ni la sécurité des patients, ni la continuité du service n'exigeaient de suspendre, en urgence, les activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier de ce praticien.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en annulation des décisions attaquées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure.". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé./ La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

8. Il résulte de l'instruction que Mme A...B..., qui sollicite la reconstitution de sa carrière, n'a pas été privée de son traitement durant la période de suspension en cause qui a concerné un mois entre les mois de mai et juin 2016. En outre, si elle indique qu'on lui a refusé "l'accès au garde et autre astreinte qui sont par nature rémunérées", le CHRU défend sans plus être contredit en soutenant que, outre l'absence de toute justification sur le principe ou le quantum des indemnités correspondantes, Mme A... B...n'a pas toujours souhaité assurer de tours de garde et d'astreinte. Le présent arrêt, qui accueille les conclusions de Mme A... B...tendant à l'annulation de la mesure de suspension en litige, n'implique dès lors aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions accessoires de Mme A... B...tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de reconstituer sa carrière doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A...B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le CHRU de Nîmes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CHRU de Nîmes, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... B...et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1602368 du tribunal administratif de Nîmes en date du 29 mars 2018 et la décision de la directrice générale du centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes en date du 2 mai 2016 portant suspension à titre conservatoire de Mme A... B...ainsi que la décision portant rejet de son recours gracieux en date du 30 mai 2016 sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes versera à Mme A... B...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...B...et au centre hospitalier régional et universitaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2019.

N° 18MA024722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02472
Date de la décision : 04/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-04;18ma02472 ?
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