Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, repris à l'article L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 15 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Langlade a délivré à M. D... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain situé sur le lot 4 du lotissement " Le Vigne Croze " sur le territoire de cette collectivité, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.
Par une ordonnance n° 1901086 du 9 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 avril 2019, le préfet du Gard demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 9 avril 2019 ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 15 octobre 2018.
Il soutient que :
- le permis en litige n'a pas été précédé de la délivrance d'une autorisation de défrichement en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme et de l'article L. 341-7 du code forestier, le projet entraînant la destruction de l'état boisé du terrain établi par le procès-verbal de reconnaissance de l'état de la végétation dressé le 23 avril 2019 et alors qu'aucune des exceptions énumérées par l'article L. 341-2 du code forestier n'est en l'espèce applicable ;
- le permis d'aménager délivré le 30 septembre 2017 méconnaît les prescriptions du plan de prévention du risque feux de forêt (PPRIF), approuvé par arrêté préfectoral du 22 mai 2007, et qui imposent aux opérations d'ensemble la réalisation d'une interface nécessaire aux services de secours pour assurer la protection des habitations en cas d'incendie du massif forestier ;
- de ce fait, le permis de construire est lui-même illégal ;
- le permis de construire méconnaît lui-même les prescriptions du règlement de la zone B1 du PPRIF ;
- le permis en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le terrain d'assiette étant classé par l'étude d'aléa conduite en 2007 dans le cadre de l'élaboration du PPRIF, en aléa modéré directement en contact avec une zone en aléa fort et l'aire de retournement prévue dans le permis d'aménager ayant été modifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, la commune de Langlade, représentée par la SCP CGCBet Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, à défaut de comporter une critique de l'ordonnance attaquée, en violation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- le terrain d'assiette ne constituant pas un " bois " au sens de l'article L. 111-2 du code forestier, eu égard à la faible densité des essences forestières présentes sur ce terrain, le projet n'entre pas dans le champ d'application de l'autorisation de défrichement ;
- en outre, ce terrain ayant été le siège d'une oliveraie autrefois exploitée, le projet entrait dans le champ de la dérogation prévue à l'article L. 341-2 I 2° du code forestier ;
- enfin, le terrain n'étant pas compris dans un bois supérieur à 4 hectares, aucune autorisation de défrichement n'était requise ;
- le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du permis d'aménager est inopérant, le permis de construire n'étant pas une mesure d'application de celui-ci, mais également irrecevable, le permis d'aménager étant devenu définitif ;
- le permis de construire ne méconnaît pas les dispositions de l'article 2.4.1 du règlement du PPRIF, lequel ne vise que les opérations d'ensemble ;
- aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a émis un avis favorable au projet ;
- ainsi, le projet est situé en zone UCa du plan local d'urbanisme, dans la zone B1 du PPRIF, zone de risque moyen, le terrain d'assiette n'est pas directement en contact avec la zone d'aléa fort mais en périphérie de la zone bleue et au contact de la zone blanche et le titulaire du permis est astreint à une obligation de débroussaillement aux abords de la construction ;
- enfin, l'aire de retournement visée par le SDIS, initialement prévue sous la forme d'une " raquette en Y " a été réalisée sous la forme d'une " raquette en L " et la circonstance que les travaux réalisés ne seraient pas conformes à l'autorisation délivrée est sans influence sur sa légalité.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la décision du 1er septembre 2018 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille désignant Mme Buccafurri, présidente de la 9ème chambre, pour juger les référés.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le nouveau code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 mai 2019 :
- le rapport de Mme Buccafurri, juge des référés,
- les observations de M. C... et M. A..., représentant le préfet du Gard, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Langlade.
La clôture de l'instruction a été prononcée au terme de l'audience.
Considérant ce qui suit :
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Langlade à la requête d'appel :
1. La requête d'appel, qui est notamment appuyée de pièces nouvelles et développe de façon précise certains des moyens invoqués en première instance, ne constitue pas la reproduction intégrale et exclusive de la demande de première instance. Par suite, cette requête satisfait aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Dès lors, la fin de non recevoir opposée par la commune de Langlade doit être écartée.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : " Art. L. 2131-6, alinéa 3- Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. (...) ".
3. En l'état de l'instruction, eu égard au procès-verbal de reconnaissance de végétation du terrain d'assiette, établi le 23 avril 2019, dont il est constant qu'il décrit la situation de fait existant à la date de délivrance du permis de construire en litige et compte tenu des photographies aériennes versées au dossier qui montrent que ce terrain est inséré dans un vaste ensemble boisé de plus de 4 hectares, le moyen tiré de ce que le permis de construire contesté a été délivré en violation des dispositions de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme et de l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, paraît propre à créer un doute sérieux sur la légalité du permis de construire du 15 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Langlade a délivré à M. D... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain situé sur le lot 4 du lotissement " Le Vigne Croze ".
4. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par le préfet du Gard ne paraît de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de ce permis de construire.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Gard est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander l'annulation de cette ordonnance et à ce que l'exécution de l'arrêté du maire de la commune de Langlade du 15 octobre 2018 soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Langlade et non compris dans les dépens.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance du 9 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du maire de la commune de Langlade du 15 octobre 2018 est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Langlade sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Langlade et à M. E... D....
Copie en sera adressée au préfet du Gard et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance du Gard.
Fait à Marseille, le 3 juin 2019.
N° 19MA01924