Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 74 347,04 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui payer les sommes de 22 217,81 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1601662 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 21 445 euros et à la CPAM du Var les sommes de 22 217,81 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2018 et le 13 février 2019, la ministre des armées demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à M. C...une indemnité de 21 445 euros en réparation du préjudice qu'il a subi et à la CPAM du Var une somme de 22 217,81 euros au titre des débours ;
2°) de limiter le montant de l'indemnité due à M. C...et le montant des débours de la CPAM du Var aux seules conséquences de l'infection nosocomiale.
Elle soutient que :
- l'indemnisation ne doit prendre en compte que la chirurgie de nettoyage faisant suite à l'infection ainsi que la durée du traitement, de l'hospitalisation et des soins postopératoires du 28 mars au 17 avril 2012 ;
- les chirurgies de reprise ultérieures effectuées les 18 avril 2012 et 22 novembre 2012 et l'amputation partielle du doigt le 27 janvier 2014 sont sans lien avec l'infection ;
- le besoin d'aide par tierce personne n'est pas établi pendant les périodes d'hospitalisation.
Par des mémoires, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 19 février 2019, M.C..., représenté par la SCP Preziosi, Ceccaldi, Albenois, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 22 217,81 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi ;
- de porter à la somme de 77 894,44 euros le montant de l'indemnité due ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ensemble des interventions à compter du 28 mars 2012 ainsi que l'amputation partielle de son doigt sont imputables à l'infection nosocomiale contractée le 20 mars 2012 ;
- la preuve d'une cause étrangère n'est pas établie par l'Etat ;
- les interventions chirurgicales sont sans lien avec l'état antérieur du patient ;
- il doit être intégralement indemnisé des préjudices subis ;
- le taux du déficit fonctionnel permanent doit être fixé à 6 %.
Par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018, la CPAM du Var, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa créance définitive d'un montant de 22 217,81 euros est intégralement imputable à l'infection nosocomiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...a bénéficié le 6 octobre 2011 d'une ostéosynthèse à la suite de la fracture articulaire de la base de la deuxième phalange du majeur gauche. Il a subi à l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne de Toulon une deuxième intervention le 20 mars 2012 consistant en la mise en place d'une prothèse en silicone. Une reprise chirurgicale a été nécessaire le 29 mars suivant en raison d'une complication infectieuse, suivie de trois autres interventions, les 18 avril 2012, 21 novembre 2012 et 9 septembre 2013, avant que le patient ne soit amputé le 27 janvier 2014 de deux phalanges du médius. Le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à M. C...la somme de 21 445 euros. L'Etat, qui ne conteste pas le caractère nosocomial de l'infection par un staphylocoque doré OXA-S, demande la réduction des sommes mises à sa charge par le tribunal au titre de l'indemnité versée à M. C...et des frais exposés par la CPAM du Var pour le compte de son assuré. Par la voie de l'appel incident, M. C...sollicite une meilleure réparation de ses préjudices.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise amiable contradictoire diligentée par le ministère de la défense, que les différentes interventions chirurgicales subies par M. C...sont en lien avec l'infection nosocomiale contractée lors de la première intervention du 20 mars 2012. Ainsi, la fracture de la 2ème phalange du doigt avec déplacement prothétique lors de l'opération du 18 avril 2012 a été favorisée par l'évolution infectieuse ostéo-articulaire. Les deux interventions suivantes, les 21 novembre 2012 et 9 septembre 2013, puis l'amputation pratiquée le 27 janvier 2014 sont les conséquences directes de cette complication. Si la ministre des armées soutient que les interventions à partir du mois d'avril 2012 ont pour cause l'état antérieur du patient, et plus particulièrement une arthrose interphalangienne proximale à l'origine d'un enraidissement segmentaire, elle ne produit aucun avis médical ni documentation médicale de nature à remettre en cause l'analyse de l'expert. Il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'Etat était engagée.
En ce qui concerne la créance de la caisse :
3. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'état définitif des débours et de l'attestation d'imputabilité produite par la CPAM du Var, que les débours en lien avec l'infection nosocomiale s'élèvent à un montant total de 22 217,81 euros. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a condamné l'Etat à verser cette somme à la caisse.
En ce qui concerne les préjudices de M.C... :
4. Il est constant que pendant les périodes d'hospitalisation de M. C...d'une durée totale de quinze jours, ce dernier n'a pas eu besoin de l'aide d'une tierce personne.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de la fille de M. C..., qui est dans l'incapacité de se prendre en charge seule du fait de l'infirmité motrice d'origine cérébrale dont elle est atteinte, nécessite qu'une assistance lui soit apportée par une tierce personne durant deux heures par jour. M. C... n'a pu fournir cette aide à sa fille pendant les quinze jours d'hospitalisation mentionnés au point précédent. Cette assistance a nécessairement été apportée à la fille de M. C..., dont l'absence était uniquement imputable à l'infection contractée dans l'établissement hospitalier. M. C... est dès lors fondé à demander une indemnisation à ce titre, alors même que l'aide apportée à sa fille l'aurait été par un membre de la famille. L'indemnisation a été à bon droit calculée par les premiers juges sur la base d'un taux horaire de 13 euros déterminé en tenant compte du salaire minimum moyen au cours de cette période, augmenté des charges sociales sur la base d'une année de 412 jours. Il suit de là que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a condamné l'Etat à payer à M. C...la somme de 420 euros à ce titre.
6. Il n'y a pas lieu, comme le demande M.C..., de fixer à 23 euros le tarif horaire de l'aide non spécialisée par une tierce personne pour les périodes entre les hospitalisations. La ministre des armées ne conteste pas la somme de 2 590 euros allouée par le tribunal pour ces périodes.
7. M.C..., magasinier, amputé de la presque totalité du majeur de la main gauche, est gêné dans son activité professionnelle. Il sera fait une juste réparation de ce préjudice en lui allouant la somme de 3 000 euros.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C...a présenté une période de déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d'hospitalisation puis au taux de 25 % pendant 4 mois et 29 jours et au taux de 10 % pendant 18 mois. Les premiers juges ont fait une évaluation suffisante de ce préjudice en allouant à l'intéressé une indemnité de 1 935 euros.
9. Le tribunal a aussi fait une appréciation suffisante des souffrances endurées par M. C..., évaluées par les experts à 4,5 sur une échelle de 1 à 7, en évaluant ce préjudice à la somme de 10 000 euros.
10. Les experts ont fixé à 3 % le déficit fonctionnel permanent que conserve M. C.... Ce taux n'est pas susceptible d'être remis en cause par l'avis du médecin-conseil produit par la victime qui se borne à reprendre le barème du concours médical, édition 2001, pour la perte totale de la fonction du médius du côté non dominant alors que le patient a conservé une partie de la première phalange. Les premiers juges ont fait une estimation qui n'est pas insuffisante de la réparation de ce préjudice en allouant à M. C...la somme de 5 000 euros.
11. Le préjudice esthétique de la victime a été évalué par l'expert à 1,5 sur une échelle de 1 à 7. Le tribunal n'a pas suffisamment réparé ce poste de préjudice en allouant à l'intéressé la somme de 1 500 euros. Il sera fait une plus juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. C...la somme de 3 000 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à demander la réduction des sommes mises à la charge de l'Etat par le tribunal administratif de Toulon au titre de l'indemnité due à M. C...et des frais exposés par la CPAM du Var pour le compte de son assuré.
13. Par ailleurs, M. C...est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à lui verser, soit portée à la somme de 25 945 euros, sous déduction de la somme de 2 400 euros versée à titre de provision en exécution de l'ordonnance du 8 septembre 2016 du président du tribunal administratif de Toulon.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M.C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la CPAM du Var au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : La somme de 21 445 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. C...par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 mai 2018 est portée à 25 945 euros, sous déduction de la somme de 2 400 euros versée à titre de provision en exécution de l'ordonnance du 8 septembre 2016 du président du tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...présentées par la voie de l'appel incident est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à M. C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de la CPAM du Var présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. B...C...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
6
N° 18MA03499